Une réunion qui n’en finit pas. Une salle d’attente bondée. Un trajet sans réseau ni écouteurs. Soupirs. Bâillements. Corps qui se voûte. Tête qui s’affaisse dans les mains. Jambe qui s’agite. On vous voit à chercher tous les moyens de tromper l’ennui ! Oui, patienter c’est désagréable et ne rien faire, c’est très mal vu. Pourtant, comme la tristesse ou le dégoût, cet état émotionnel pénible a une fonction bien spécifique. Loin d’être une perte de temps, s’ennuyer a des effets surprenants sur la santé mentale et la productivité. Bien que souvent perçue négativement, l’oisiveté peut devenir une alliée précieuse pour les freelances. Ne tentez pas de vous distraire à tout prix et laissez-vous surprendre par les 6 bienfaits de l’ennui.
1. Ne rien faire et stimuler la créativité
« Je ne suis pas créatif•ve. »
Soit vous l’avez entendu, soit vous l’avez déjà dit. Ou peut-être craignez-vous ces moments où l’inspiration tombe en panne pour vous confronter au tant redouté syndrome de la page blanche ?
Créer, c’est sortir quelque chose de soi, c’est donner vie à son imagination. Si le corps et la pensée sont sans cesse occupés, comment voulez-vous qu’ils se consacrent à la création ?
Deux chercheuses britanniques en psychologie de l’université du Central Lancashire sont parvenues à matérialiser ce lien entre l’ennui et la créativité. Sandi Mann et Rebekah Cadman ont demandé à 40 volontaires de recopier les numéros de téléphone d’un annuaire pendant 15 minutes. Vous avez soufflé rien que d’y penser, on vous a entendu jusqu’ici ! Une fois la tâche barbante terminée, elles leur ont demandé d’imaginer différentes façons d’utiliser des gobelets en plastique. Vous avez haussé les sourcils ? Sachez que ce groupe de cobayes s’est montré bien plus créatif et astucieux que l’autre groupe pris au dépourvu sans cette phase rébarbative préalable.
Remarquez comme cette expérience est facile à reproduire chez soi. Vous savez désormais comment stimuler votre créativité avec un simple annuaire. Ne nous remerciez pas !
2. Apprivoiser l’ennui pour trouver des solutions inattendues
Votre client vous a donné des contraintes a priori incompatibles. Vous ne parvenez pas à faire entrer les ronds dans les carrés de votre planning. Impossible de trouver comment sortir du lot dans la flopée de freelances. Bref, c’est l’angoisse, c’est l’impasse.
La solution est simple : arrêtez de chercher, arrêtez tout ! Attrapez votre livre de coloriage, regardez par la fenêtre, allez marcher quelques minutes.
En sortant du mode « hamster dans sa roue », vous permettez à votre cerveau de passer en « mode par défaut ». Lorsque l’esprit n’est pas constamment stimulé et occupé, il a la possibilité de s’évader et de laisser libre cours à l’imagination. Vous commencez à y voir plus clair. Des perspectives inhabituelles se dessinent. Les associations d’idées les plus étonnantes surgissent. Et tout à coup : Eurêka !
En 2016, une étude publiée dans le Journal of Experimental Social Psychology a mis en lumière les bienfaits de l’ennui. Selon les chercheurs, les personnes qui savent l’apprivoiser seraient davantage en mesure de développer des pensées originales et innovantes.
Qui sait si Einstein avait eu l’idée de la relativité s’il n’avait pas pris le temps de rêvasser, plutôt que de s’acharner dans son bureau ? Nous ne le saurons jamais. Comme l’anecdote de la pomme de Newton, l’histoire nous montre que les plus grandes percées révolutionnaires sont nées d’un banal moment chill.
3. Améliorer la concentration, un des bienfaits de l’ennui
Les interruptions incessantes des collègues et les multiples notifications sonores agissent comme l’eau dans votre jus de fruits préféré. Trop diluée, votre concentration diminue.
Quant à l’attention, elle se divise, part dans tous les sens, se disperse. À la fin de la journée, c’est comme si vous n’aviez brassé que de l’air.
Instaurer des plages d’ennui c’est permettre au corps d’être en pilote automatique. Il s’active simplement pour le minimum vital. L’inaction est suffisamment longue pour que l’attention ne se porte sur rien. Ainsi le cerveau en profite pour s’adonner aux tâches qu’il n’a jamais le temps de faire : il trie, range, digère le flux d’informations de la journée, organise les souvenirs et construit la mémoire.
Comme après un reset, la concentration et l’attention sont restaurées, prêtes à se focaliser dans le calme et avec joie sur une nouvelle activité. On vous dit même comment entrer dans un état de flow.
En vous offrant ce temps de rien régulièrement, vous augmentez progressivement vos capacités attentionnelles sur le long terme. Un excellent investissement pour votre endurance mentale !
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4. Favoriser la réflexion et la prise de recul grâce à l’oisiveté
Avoir un agenda surchargé est aujourd’hui synonyme de statut social élevé. On se sent valorisé, important, utile, voire indispensable. Dans ce culte de la suroccupation, où l’objectif est d’être toujours à la limite de l’implosion, l’ennui vient pointer du doigt que personne n’a besoin de nous.
Le bonheur n’est ni dans la boite mail ni dans le scrolling infini. Prendre une pause mentale, c’est se recentrer sur soi. Pour la psychologue Vanessa Lapointe, l’ennui permet de faire le silence nécessaire pour écouter ses voix intérieures et prendre conscience de ses aspirations. S’arrêter permet ainsi de mieux se connaître et de s’épanouir en offrant son temps à des activités qui nous correspondent.
Que voulez-vous vraiment ? De quoi avez-vous besoin pour vous sentir bien ? Êtes-vous exactement là où vous rêvez d’être ? Si oui, quelle serait la prochaine étape ? Sinon, quels sont les obstacles ?
S’extraire du quotidien, c’est aussi s’accorder quelques minutes pour réfléchir à ses actes :
- identifier ce qui nous réussit et réfléchir à des moyens pour le vivre davantage ;
- mettre le doigt sur ce qui n’a pas fonctionné et trouver une alternative pour la prochaine fois.
Effectivement, faire un pas de côté pour explorer toutes ses facettes, c’est mieux se satisfaire et vivre plus heureux. Qui aurait cru qu’une réunion ennuyeuse avait un tel potentiel de croissance personnelle ?
5. Développer de nouvelles compétences en s’ennuyant
Prenez le temps d’observer un enfant qui s’ennuie. Après quelques minutes de protestation, ils se transforment en véritables explorateurs à la conquête d’horizons insoupçonnés. Privés de distractions toutes prêtes, ils n’ont d’autre choix que de laisser leur imagination déborder. Leur cerveau pétille d’idées folles pour s’occuper.
Découvrir l’ennui c’est redoubler d’inventivité pour considérer de nouvelles activités, ignorées jusqu’à maintenant : la couture, la réparation de meubles, la cuisine, les sports, etc.
Comment croyez-vous que tous ces brillants articles de blog ont vu le jour ? D’abord une sensation de vide dans son travail, puis des idées qui surgissent et s’associent pour conduire à suivre de nouvelles pistes jusqu’à atterrir sur le site web de Formation Rédaction Web et se dire « et pourquoi pas ? ».
Lâchez votre doudou digital et laissez l’ennui libérer votre curiosité pour acquérir des compétences étonnantes. Profitez de votre temps libre pour ces apprentissages informels. Osez même vous demander comment devenir sirène professionnelle.
« L’ennui de l’huître produit des perles. » José Bergamin, La Cabeza a pájaros.
Faisons l’huître.
6. Faire le vide pour renforcer la résilience et s’ouvrir aux autres
Qui n’a pas déjà subi ces longues minutes d’attente en caisse un samedi après-midi ? Le changement de fil n’était finalement pas une bonne idée, la personne qui précède paye par chèque, la borne bugge juste devant vous.
C’est vrai, l’ennui est inconfortable. Comme le petit caillou resté coincé dans la chaussure, il n’empêche pas de marcher et pousse à se dépasser pour atteindre la ligne d’arrivée.
Alors certes, le flot de pensées libérées peut s’accompagner de son petit sac à angoisses, car tout n’est pas rose lorsque l’inconscient se pointe. C’est désagréable, mais pas invivable. C’est anxiogène, mais pas dramatique. Et si on acceptait cette phase d’attente sans dégainer le téléphone ?
Dans son livre Petit éloge de l’ennui, la psychothérapeute Odile Chabrillac partage ses observations :
« L’ennui est un espace de non-faire, voire de non-être. C’est une rupture dans notre manière d’être qui nous déstabilise. Un espace perçu comme pénible, terne, qui crée le malaise. La première confrontation avec l’ennui n’est donc pas agréable. Mais on peut l’apprivoiser. L’ennui est un souci tant qu’on y résiste. »
En tolérant un certain niveau d’inconfort, on apprend à regarder en soi et autour de soi, à être attentif à son environnement et aux autres :
- répondre au sourire d’un bébé qui nous regarde de sa poussette ;
- remarquer que son voisin de réunion porte deux chaussettes différentes sous son costume ;
- s’étonner au repas de famille que notre Tatie célibataire a les yeux qui pétillent.
➡️ L’ennui vous angoisse ? Découvrez ces exercices de respiration pour la surmonter.
Désormais, vous n‘avez plus peur de ces instants de vide ! Accueillez-les, savourez-les comme de précieux moments de liberté mentale. Osez vous ennuyer régulièrement et vous récolterez les fruits de cette pause salvatrice : un regain d’inspiration, de sérénité et une vie plus alignée avec vos valeurs profondes. Lâchez tout de suite votre mobile et faites de l’ennui votre nouvel allié d’évolution.
➡️ À vos agendas ! Bloquez une plage de « rien » ou de tâches répétitives dans la semaine.
Les humoristes en parlent aussi :
Virginie Hernando, pour e-writers.
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Nicolas, tuteur de formation chez FRW.
Sources principales :
- Mann, S., & Cadman, R. Does Being Bored Make Us More Creative? Creativity Research Journal, 2014, 26, 165‑173.
- Nederkoorn, C., Vancleef, L., Wilkenhöner, A., Claes, L., & Havermans, R. C. Self-inflicted pain out of boredom. Psychiatry Research, 2016, 237, 127‑132.
- Odile Chabrillac. Petit éloge de l’ennui. Édition Jouvence. 2011.
- Psychologies.com. S’ennuyer pour trouver le bonheur. 2013.