Vos conditions d’emploi se sont dégradées et votre état de santé a peut-être déjà justifié que votre médecin vous mette en arrêt de maladie ? Vous souffrez probablement de stress, de dépression ou d’un choc émotionnel. Ces relations toxiques qui vous plongent dans la détresse mettent votre carrière professionnelle en jeu. Vous pensez être victime de harcèlement moral au travail ? Lisez la suite de cet article pour le vérifier et connaître vos droits.
1- Diagnostiquer le harcèlement moral au travail
Un bon traitement nécessite un bon diagnostic. Il s’agit donc de définir précisément cette notion pour la distinguer d’autres sources de mal-être en entreprise ou dans la fonction publique.
La définition légale de ces comportements abusifs
Les articles L1152-1 du Code du travail et 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 définissent ce fléau comme des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions d’emploi du salarié. Ces comportements sont susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Un acte isolé est insuffisant. Les agressions sont réitérées de manière continue ou discontinue. Ce n’est pas nécessairement l’œuvre d’un supérieur hiérarchique. Cette perversion peut aussi être institutionnelle et relever d’une stratégie de management. Quoi qu’il en soit, leur finalité est la destruction de l’autre. Je vous invite à découvrir une interview de Marie-France Hirigoyen.
Cette atteinte à votre intégrité peut se traduire par :
- une mise à l’écart ;
- le fait d’ignorer votre présence ;
- des objectifs intenables ;
- des humiliations, des injures, des menaces, des calomnies ;
- un dénigrement systématique et injustifié ;
- des ordres contradictoires ;
- une surcharge de travail ;
- des tâches dévalorisantes ou excédant vos capacités ;
- une pression disciplinaire ;
- des techniques de gaslighting.
Ces dernières consistent en des manipulations destinées à faire douter le souffre-douleur de sa santé psychique. C’est une forme de détournement cognitif, voire de lavage de cerveau, reposant sur la déformation, l’omission sélective et la fausseté des informations.
Les symptômes psychologiques de la victime
Ces troubles apparaissent souvent :
- un stress majeur ;
- de la peur et de l’angoisse ;
- des troubles du sommeil ;
- des ruminations excessives ;
- une mauvaise estime de soi ;
- une démotivation prononcée ;
- une irritabilité ;
- une détérioration des relations avec ses proches ;
- une haine pouvant pousser à la faute ;
- des pensées suicidaires.
Si vous en souffrez, préservez-vous en apprenant des exercices de respirations et de relaxation pour diminuer votre anxiété autant que possible. Se mettre au footing est aussi un bon moyen pour évacuer les tensions. Par ailleurs, si vos nuits sont perturbées par ce climat professionnel délétère, vaincre l’insomnie chronique est une urgence. Vous pensez être victime de cette violence insidieuse ? Rassurez-vous, vos compétences ne sont pas en cause. Bien souvent, ceux qui la subissent sont des gens engagés et estimés dans leur travail d’après Christophe Dejours.
« Le clou qui dépasse appelle le marteau » (proverbe japonais)
Voyons maintenant les recours qui s’offrent à vous.
2- Utiliser préalablement les recours non contentieux
Avec ces recours « doux », vous tenterez de désamorcer la situation. Les utiliser pourrait vous être utile ultérieurement si vous saisissez la justice. Ne restez pas prisonnier du silence. C’est justement ce que veut votre harceleur : vous faire craquer. Alors réagissez !
« La plus grande victoire sur le harcèlement moral, c’est de ne pas devenir ce que l’on veut faire de vous » Alain Leblay
Prévenir l’employeur
Votre employeur a une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il doit donc faire cesser cette atteinte à votre intégrité physique et mentale. Un licenciement pour avoir dénoncé ces relations toxiques serait illégal, sauf en cas de calomnie.
L’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 accorde aux agents publics la protection fonctionnelle, que le Conseil d’État a étendue aux faits de harcèlement dans une décision du 17 mai 1995 (n° 141655). Votre administration doit faire cesser la dégradation de vos conditions de travail, vous assister juridiquement et réparer votre préjudice. La loi du 6 août 2019 lui impose, en outre, de mettre en place un dispositif de signalement confidentiel par lequel les victimes et les témoins sont orientés vers les autorités compétentes.
Alerter les représentants du personnel et le comité économique et social (CES) ou le CHSCT
Les représentants du personnel vous aideront dans vos démarches. Vous pouvez vous référer au CES pour dénoncer les faits dans les sociétés de plus de 11 employés. Il alertera votre employeur qui mènera une enquête. En cas d’inaction, le CES pourra, avec votre accord, saisir le Conseil de prud’hommes. L’agent public, quant à lui, pourra saisir le CHSCT en cas de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Comme les salariés du privé, le personnel public bénéficie d’un droit de retrait qui s’accompagne d’une procédure d’alerte de l’employeur en cas de danger.
Tenter une médiation avec l’auteur des faits
Le médiateur est choisi par les deux parties. Il tentera de vous soumettre des propositions comme un changement de poste pour éloigner votre bourreau, afin que cette conduite abusive en entreprise cesse. Si la conciliation échoue, il vous indiquera la manière de faire valoir vos droits. Votre hiérarchie a tout intérêt à demander une médiation, car son abstention pourra lui être reprochée en justice.
Vous pouvez également saisir le défenseur des droits en cas de discrimination. L’inspection du travail peut aussi enquêter et informer le procureur de la République de votre situation. Venons-en maintenant à vos recours contentieux.
3- Saisir la justice
Plusieurs procédures sont à votre portée pour faire cesser ce totalitarisme, obtenir réparation et faire sanctionner le coupable.
« Respecter l’autre, c’est le considérer en tant qu’être humain et reconnaître la souffrance qu’on lui inflige » Marie-France Hirigoyen
Saisir le juge administratif en référé
Les agents publics disposent d’un recours efficace : le référé-liberté de l’article L521-2 du Code de justice administrative. Cette voie est possible depuis l’arrêt du Conseil d’État du 19 juin 2014 (pourvoi n° 381061). C’est une procédure d’urgence qui vise à mettre fin à une atteinte grave et manifestement illégale portée à une liberté fondamentale. Vous obtiendrez une décision en 48 heures. Mais attention : ce sont les cas extrêmes qui en relèvent.
Saisir le Conseil de prud’hommes ou le tribunal administratif
Vous mettez ici en cause votre employeur. Les recours préalables auront facilité votre action. Il ne pourra pas dire qu’il ne savait pas. Pour faire cesser l’intolérable et obtenir des dommages et intérêts, la charge de la preuve vous incombe. Vous devrez établir la matérialité d’éléments de faits susceptibles de laisser présumer l’existence de cette violence. La présomption est simple. Votre employeur peut la renverser en démontrant que les agissements s’expliquent par des raisons objectives.
⏩ A lire aussi : un article sur la charge de la preuve dans le privé et un autre sur le régime probatoire dans la fonction publique.
Les faits se prouvent par tout moyen. Vous pourrez produire des témoignages de collègues, des attestations de votre médecin traitant, des annotations du médecin du travail, des courriers ou des emails. Un enregistrement audio obtenu à l’insu de votre harceleur peut-il vous servir ? La Cour de cassation l’admet depuis le 25 novembre 2020 (pourvoi n° 17-19.523), mais il faut que l’atteinte à sa vie privée soit indispensable et proportionnelle à l’objectif.
↪ Pour en savoir plus : lisez cet article sur la poursuite du mouvement jurisprudentiel en faveur de l’admission de preuves illicites.
Saisir le juge pénal
Le harcèlement moral est un délit comme l’est aussi d’ailleurs le harcèlement sexuel au travail. 30 000 € d’amende et 2 ans d’emprisonnement sont encourus devant le tribunal correctionnel. C’est votre bourreau que vous poursuivez directement. Vous avez 6 ans pour porter plainte. Les délits nécessitent un élément moral, mais la Cour de cassation n’exige pas ici une intention de nuire (pourvoi n° 18-85.367). C’est donc une preuve en moins à apporter.
J’espère vous avoir aidé à y voir plus clair. Si vous êtes concerné, parlez-en à votre médecin traitant et à la médecine du travail. Une pathologie ou un accident d’origine professionnelle pourrait être reconnu. Faites aussi appel à France Victime pour être soutenu en composant le 116 006 (hors métropole +33 1 80 52 33 76). Par ailleurs, si vous souhaitez changer d’emploi après cette expérience douloureuse, je vous souhaite bonne chance.
Aude HAVETTE, pour e-writers
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW
Article relu par Anne, tutrice de formation chez FRW
Sources :