Le 1er juin 2022, le Conseil d’État a annoncé la suspension de la chasse au grand tétras pendant au moins cinq ans. La décision faisait suite à une procédure lancée par sept associations écologistes, dont France Nature Environnement. Également appelé « coq de bruyère », le grand tétras est le plus grand oiseau forestier d’Europe. Maintenant qu’il est à l’abri des chasseurs, est-il tout à fait hors de danger ?
Le coq de bruyère : un emblème de la biodiversité
En France, le grand tétras habite le Jura, les Vosges, les Alpes du Nord et les Pyrénées. La décision du Conseil d’État concerne les Pyrénées, dernière région de France où l’on pouvait encore chasser cet oiseau.
Un patrimoine naturel précieux
Relique d’une époque glaciaire, le grand tétras est fascinant. Le plumage du mâle est sombre. Son cou et son plastron sont noirs avec des reflets métalliques verts, bleus et violets. Il est surtout reconnaissable à ses caroncules rouge vif. Ses ailes sont de couleur brun-roux avec une tache blanche à l’avant.
Cette allure d’oiseau exotique, il la tient de sa famille des Phasianidae. Celle-ci comprend, entre autres splendeurs bariolées, les perdrix, les faisans (dont le spectaculaire tragopan de Temminck) ou encore les paons. Et comme couleur et musique vont bien ensemble, il existe même des tétras-lyres, appelés ainsi à cause de la forme de leur queue ! Rappelons néanmoins (tant pis pour l’envolée lyrique ?) que cette tribu ailée compte aussi parmi les siens un individu bien terre-à-terre : le poulet. Trop près des hommes…
Un témoin de l’état de l’environnement
Plus petite, la femelle tétras arbore une livrée rousse qui lui assure juste ce qu’il faut d’élégance et beaucoup de discrétion. Laissant au coq le fard et les parades, elle préfère passer inaperçue et, l’été venu, nourrir sa couvée en paix. Élever des petits n’est pas aisé dans les sous-bois, où moins de 20 % des poussins atteignent l’âge d’un an.
Pour survivre, un jeune coq de bruyère a besoin de forêts claires et âgées mêlant conifères et arbres feuillus. Il apprécie également les landes où abondent myrtilles, rhododendrons et genévriers. Or, plus un écosystème est varié, plus son équilibre est fragile. Ainsi, la présence du grand tétras à un endroit indique que la biodiversité y est en bonne santé. Cela signifie que protéger le grand tétras, c’est protéger une partie significative de l’environnement. Les experts parlent d’espèce « parapluie ».
La suspension de la chasse au grand tétras : une partie de la solution
Pourtant, si les coqs de bruyère sont menacés, c’est aussi parce qu’ils sont méconnus. Ainsi, quand, en janvier 2021, un skieur tombe sur l’un d’eux, la Toile s’enflamme. Entre surprise et consternation, les commentaires des internautes sont révélateurs. Pour la majorité, ce drôle d’oiseau n’a pas sa place sur le parcours d’un paisible amateur de sports d’hiver.
Leur dérangement par les skieurs et les randonneurs est l’une des raisons pour lesquelles le nombre des grands tétras est passé de 18 000 à 4 000 en 60 ans. Parmi les autres facteurs de ce déclin, on peut citer :
- la dégradation de l’habitat (par les cerfs, le bétail, les exploitations agricoles, etc.) ;
- la chasse (elle a un impact direct, mais aussi indirect, car elle augmente sa sensibilité à d’autres menaces) ;
- le changement climatique (le grand tétras supporte mal le réchauffement de son habitat, ce qui le contraint à se déplacer vers les hauteurs en quête de températures plus basses).
La décision du Conseil d’État est une bonne nouvelle. N’en déplaise aux chasseurs qui, sous prétexte qu’ils participent à leur comptage, prétendent aider les grands tétras.
Néanmoins, il n’est pas certain que cette interdiction puisse, à elle seule, résoudre le problème. De même que pour les ours polaires, par exemple, la protection de ce volatile exige une approche globale où la sensibilisation du public tiendrait une place de choix.
Ainsi, en lisant cet article, vous avez déjà fait un geste envers le grand tétras. En le partageant, vous en aurez fait deux.
Mohammed Saïd Medjoudj pour e-Writers
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW
Article relu par Charlotte, tutrice de formation chez FRW
Sources principales :
https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/06/01/