En plus de 100 ans, le cinéma s’est développé à une vitesse fulgurante. Effets spéciaux aussi vrais que nature, caméras toujours plus performantes, utilisation massive d’images de synthèse… En conséquence, cette abondance de blockbusters et leur surenchère de trucages sophistiqués semblent parfois provoquer l’effet inverse. Les spectateurs, devenus blasés, s’ennuient facilement devant le grand écran et ses superproductions qui se ressemblent.

Les fictions modernes vous lassent et vous ne savez plus vers quoi vous tourner ? Accordez-vous une petite pause cinématographique pour regarder des films muets !
Ces derniers sont beaucoup plus que des dialogues sur des intertitres et des acteurs qui semblent surjouer… Découvrez les grandes raisons pour lesquelles le cinéma muet devrait toujours conserver sa place sur nos écrans… et dans nos cœurs !

 

Suivre la trame des vieux films demande de la concentration

Les films muets les plus célèbres figurent désormais au panthéon du cinéma et continuent d’être projetés régulièrement. Néanmoins, ils attirent surtout les amateurs du genre et ont tendance à être placés dans une catégorie de films dits « de niche ». La raison principale est bien sûr l’absence de son, qui peut rebuter lorsqu’on n’a pas l’habitude. Aucun bruitage, aucune voix, seulement une bande sonore qui encadre l’action.

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Ils paraissent ainsi difficilement abordables, alors qu’il n’a jamais été aussi simple de les visionner. Ce sont en effet maintenant des films du domaine public, gratuits et libres de toute propriété intellectuelle en raison de leur ancienneté.

L’image que l’on s’en fait parfois est quelque peu soporifique et poussiéreuse… Cependant, les spectateurs de l’époque étaient comme nous : ils venaient voir une histoire et avaient besoin de la comprendre. Les films muets fournissent donc tous les éléments nécessaires pour cela.

Les dialogues sont retranscrits sur des cartons appelés intertitres. Dans certains films, ils servent également à présenter les personnages ou à donner des indications temporelles ou spatiales. À la manière d’une correspondance manuscrite, ce sont des petits mots destinés au public pour l’aider à comprendre. Toutefois, ces cartons ne laissent la place qu’à peu de texte et les intertitres ne sont pas toujours présents. Les informations sont surtout visuelles et il n’y a jamais de bavardages inutiles dans un film silencieux. On voit les protagonistes parler sans que des intertitres apparaissent, ce qui signifie que leurs propos sont évidents ou peu importants. De plus, des scènes constamment entrecoupées auraient empêché toute immersion. Les dialogues devaient donc faire avancer l’intrigue et être employés avec parcimonie.

Certains cinéastes n’appréciaient guère les intertitres. Le réalisateur de l’immortel Nosferatu et l’un des maîtres du cinéma expressionniste allemand, Friedrich Murnau, avait déclaré :

« Le film idéal n’a pas besoin de texte : par sa nature même, l’art de l’écran devrait raconter une histoire complète en images. » (Jameux, 1965)

Un de ses films, Le Dernier des Hommes (1924), ne comporte d’ailleurs aucun intertitre.

 

Ombre de Nosferatu dans les escaliers

Féru d’épouvante, vous voulez regarder des films muets ? Commencez par le classique Nosferatu (1922), où l’ombre terrifiante du vampire vaut bien mille mots… (crédit : The New York Times)

 

Pour nous, spectateurs modernes, cela demande plus de concentration, car on est habitués à de longs dialogues qui servent aussi de cadre à l’intrigue. Que ce soit dans des live-action ou des films d’animation, le rythme est effréné et les personnages palabrent beaucoup. Néanmoins, les productions silencieuses nous révèlent qu’il y a des tas de façons différentes de raconter une histoire. Et ce, sans pour autant avoir recours à la parole ! Ici, on doit être actif et scruter les expressions faciales, les gestes, la manière de se déplacer… Dans le cinéma muet,

« ce sont les yeux qui entendent indirectement ce qui se dit. L’œil écoute. » (Thiéry, 2000)

Tout repose ainsi sur le visuel, mais pas seulement sur la gestuelle. On peut prendre pour exemple le cinéma expressionniste. C’est un genre qui utilise ingénieusement les décors ou la nature pour traduire une émotion ou donner au film l’atmosphère souhaitée.

 

Deux silhouettes sur un toit parmi des formes étranges

Regarder des films muets implique parfois de décrypter des langages secrets au sein même du décor, comme dans Le Cabinet du docteur Caligari (1920), où des formes menaçantes peuplent la ville… (crédit : La Cinémathèque)

 

Portées par un rythme soutenu et des changements constants de prise de vue, les productions actuelles ne nous laissent aucun répit. Regarder des films muets nous habitue à une action moins dynamique qui ne rend pas l’histoire ennuyeuse pour autant.

 

Regarder des films muets nous pousse à taire nos préjugés

Pour pleinement savourer un film muet, il est indispensable d’oublier le cinéma de notre époque pour un temps. Il va de soi que rien ne sera comme dans nos productions (et superproductions) contemporaines. S’attarder sur les différences serait donc inutile et empêcherait de profiter du spectacle. Le jeu d’acteur, les effets spéciaux, le maquillage ou les costumes peuvent paraître risibles au premier abord, mais il est primordial de les remettre dans leur contexte.

Les interprètes venaient tous du monde de la scène et utilisaient parfois le théâtre d’improvisation pour s’exercer. Ils se sont retrouvés à devoir jouer sans public et devant une étrange « boîte », sans que leur voix ne puisse être entendue ! D’où les gestes souvent lents ou extravagants, les postures dramatiques, les grands yeux expressifs et les mimiques très marquées. De nombreux acteurs du muet sont entrés dans la légende grâce à un charisme et une aisance qui captivaient le public.

Lorsqu’on n’a pas de voix, le but n’est pas de contrôler ses émotions, mais de les faire éclater au grand jour ! Les comédiens devaient donc exagérer leurs émois pour pouvoir les retranscrire. Même chose pour le maquillage, qui jouait également un rôle à part entière. Puisque les films étaient en noir et blanc, il fallait en abuser pour qu’il ressorte au mieux. Quant aux effets spéciaux (car oui, il y en avait !), ils ne manquaient jamais d’ingéniosité. L’un des pionniers du cinéma, Georges Méliès, fut le premier à expérimenter les trucages. Certains ont été découverts purement par hasard et sont extrêmement astucieux pour l’époque. Ses courts métrages continuent d’émerveiller jusqu’à nos jours, plus d’un siècle plus tard !

Découvrez L’homme à la tête en caoutchouc (1901), où l’on voit Georges Méliès en personne se gonfler tel un ballon de baudruche :

 

 

Tous ces trucages font partie de l’histoire du cinéma et démontrent une grande habileté de la part des réalisateurs. Ces derniers faisaient avec ce qu’ils avaient, sans se douter que leurs trouvailles inspireraient le cinéma futur.

Le vieux cinéma : étrange et magique !

Les films muets continuent malgré tout d’intriguer les spectateurs modernes que nous sommes. L’absence de son, de voix, la pellicule qui brouille ou fait parfois sauter l’image ajoutent un côté mystérieux. Les comédiens, disparus depuis longtemps, sont de nouveau bien vivants devant nos yeux. Lorsque l’action se déroule dans un univers contemporain, les films se transforment en documentaires et nous replongent dans l’époque. On y découvre la mode, les habitudes, les lieux de vie… Ils nous donnent le pouvoir de remonter le temps ! Dans les films des années 10, 20 ou 30, la caméra est très souvent fixe et nous permet de nous attarder sur les détails.

Le cinéma muet comme vecteur d’humanisme

Venus d’un autre temps, on pourrait avoir l’impression que les films silencieux ne s’adressent pas à nous, qu’ils sont trop dépassés ou trop naïfs. La plupart du temps, on pense à des films muets comiques à l’humour un peu simplet. Or, la production, le jeu d’acteur ou les divers artifices n’enlèvent rien à leur légitimité. Ils mettent aussi en scène des drames, de l’horreur, de la satire sociale, de belles histoires d’amour ou encore des habiles métaphores sur les mœurs et les peurs de leur temps… Autant de thèmes universels qui nous rapprochent, quelle que soit la période. Les films muets nous offrent une parenthèse onirique, une bulle en dehors du temps et des modes.

 

Considéré comme désuet, le cinéma muet garde paradoxalement une fraîcheur insoupçonnée même un siècle plus tard. S’arrêter à l’aspect visuel et à l’absence de son serait se priver de véritables chefs-d’œuvre. Vous trouverez parmi eux des histoires inoubliables qui ont défié le temps et la technique, pour peu qu’on prenne la peine de les « écouter »… Mettez de côté vos préjugés et profitez de l’expérience.

Piochez dans cette liste de films muets, qui mélange les œuvres populaires avec d’autres, plus méconnues. Car il n’y a pas que les plus célèbres qui valent le coup d’être vus. Un tas de petits bijoux du 7e art ne demandent qu’à être redécouverts !

➡️ Les documentaires sur l’histoire du cinéma peuvent être une excellente introduction aux films muets. Jetez un œil à notre article consacré !

 

Alice Pagano, pour e-Writers

Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.

Article relu par Élodie, tutrice de formation chez FRW.

 

Sources :

JAMEUX, Charles. Murnau. Paris : Éditions Universitaires. 1965.

THIERY, Natacha. La parole dans le cinéma muetLabyrinthe [En ligne], 7 | 2000, mis en ligne le 05 mai 2005, consulté le 19 mai 2022.