Donner une définition des tiers-lieux est un exercice compliqué. Qu’est-ce qui rend ce concept si complexe ? C’est sans doute le fait que ces structures hybrides et multiformes refusent de rentrer dans une case. Pour bien les comprendre, il faut les observer sous l’angle de leurs valeurs et de leurs objectifs. La vie de ces collectifs est basée sur des principes fondamentaux tels que l’initiative, la mutualisation des ressources et le renforcement du lien social. Ces espaces coopératifs sont à la recherche de solutions d’intérêt général. L’ambition audacieuse de ces entreprises innovantes est d’expérimenter de nouveaux modèles économiques et sociaux. Zoom sur ce phénomène de société.
Un concept multiforme : définition des tiers-lieux
Le terme « tiers-lieu » est une bannière qui regroupe autant de concepts qu’il y a d’acteurs pour les faire exister. Ces structures pluridisciplinaires s’ajustent aux besoins des collectivités locales.
Des centres collectifs d’activités professionnelles
Les tiers-lieux organisés autour d’activités économiques et professionnelles répondent aux besoins des travailleurs indépendants, des salariés en télétravail et des entreprises en recherche de flexibilité ou de développement. Ils permettent la mise en commun de locaux et d’outils dans un cadre propice aux interactions et à la collaboration. Les plus connus sont les espaces de coworking qui offrent des connexions internet haut débit et favorisent les rencontres de personnes travaillant dans des domaines complémentaires. Mais il existe bien d’autres formes pour ce concept. Dans le cadre de la relance économique, le gouvernement soutient tout particulièrement les Manufactures de proximité dans les villes de taille moyenne à petite et dans les territoires ruraux. Ces espaces de production s’adressent aux artisans, mettant à disposition locaux et outils, ils encouragent la création et le développement de projets communs et l’accès à la formation.
Des milieux de recherche et d’innovation
Cette catégorie de tiers-lieux, réunie sous le label de « makerspace », offre des espaces d’expérimentations technologiques dans de multiples champs d’action. Véritables laboratoires vivants, ils se définissent par la conception participative : toute personne intervenant sur un projet est considérée comme un acteur clé du processus de recherche et d’innovation.
Dans le domaine du high-tech, les Fablabs mettent à disposition des outils numériques permettant la création d’objets, le prototypage et la réparation. Les mots d’ordre y sont l’entraide et le partage de savoirs. Leur charte spécifie que chaque usager se doit de contribuer à la documentation et aux connaissances communes. Par opposition à la high-tech, la low-tech vise la recherche de solutions utiles, accessibles et durables répondant à des besoins primaires tels que l’alimentation, l’habitat, l’économie des ressources. Les low-tech labs privilégient un mode de consommation sobre et écologique.
Essayons de faire mieux avec moins : créons avec la nature !
Des lieux d’expression culturelle
Ces tiers-lieux sont des espaces d’apprentissage, de production et de diffusion de la culture dans une définition large et ouverte du terme. Ils s’inscrivent dans le cadre juridique des droits culturels, et ils ont pour but de promouvoir les arts, mais également les langues, les savoirs, les modes de vie et l’éducation. Ces structures proposent des services aussi divers que des bibliothèques associatives, des salles de conférence, des cours de français pour primo-arrivants, des friches artistiques, des écoles de musique. Citons par exemple les campus connectés qui permettent à des jeunes vivant loin des centres universitaires de poursuivre des études ou des formations à distance. Des locaux équipés du haut débit sont mis à disposition des étudiants qui sont encadrés par des tuteurs tout au long de leur cursus. Toutes les formes sont possibles pour ces lieux qui sont loin de se cantonner aux seuls arts du spectacle.
Des foyers d’accueil et d’aide à la personne
Les tiers-lieux, toujours ouverts au public, facilitent les rencontres informelles et combattent l’isolement social. Ils ont également une fonction de réinsertion par la création d’emplois et d’activités participatives. Les usagers des tiers-lieux sont impliqués dans le projet, qu’ils font évoluer et rendent pérenne. Des personnes en difficulté professionnelle parviennent ainsi à retrouver du sens et de la confiance en soi à travers l’engagement dans la vie du lieu. Assez méconnues, les Conciergeries solidaires ont pour mission sociale l’accompagnement pour le retour à l’emploi. Les bénévoles de ces structures sont mis en situation de travail et proposent des services aux particuliers comme aux entreprises, afin de les libérer de certaines tâches du quotidien.
Des pratiques pour se réinventer et mieux vivre ensemble
Les tiers-lieux questionnent le fonctionnement individualiste et nous invitent à changer de paradigme : libre contribution, transmission de savoirs et de compétences, mutualisation des ressources. Un cercle vertueux qui pourrait bien être le modèle d’une société plus responsable !
Des espaces de création, d’échange et de transmission
L’objectif des tiers-lieux est toujours la mise en relation des individus dans un but collaboratif. La cohésion sociale est la pierre angulaire de leur fonctionnement. L’atout majeur de ces institutions est la diversité, leur caractère intergénérationnel et multiculturel dans un esprit inclusif. Des personnes de tous âges et de tous horizons s’y côtoient dans l’optique du « faire ensemble ». La pluralité du public est mise à contribution afin d’enrichir le potentiel créatif du lieu selon le principe de l’éducation populaire. Ce concept vise un apprentissage axé sur l’amélioration sociale grâce à des pédagogies actives. Chaque participant, fort de son expérience personnelle, est à la fois apprenant et enseignant.
Des méthodes de gouvernance partagée
Les tiers-lieux sont majoritairement créés sous statut associatif, mais ils peuvent aussi être gérés comme des entreprises et sont parfois rattachés aux pouvoirs publics. Cependant, quelle que soit la forme juridique, la gérance se déroule dans une démarche de transparence selon un dispositif de gouvernance partagée. Ce mode d’administration est fondé sur la participation de tous les acteurs de la structure dans les prises de décisions. L’implication et l’engagement sont encouragés par une distribution équitable du pouvoir et des responsabilités. Ces organisations horizontales fonctionnent à l’opposé des systèmes hiérarchiques classiques. Ce principe égalitaire est particulièrement mis en application par les Laboratoires citoyens. Ces collectifs, ouverts à tous, offrent des espaces d’échange d’idées et de mise en place de solutions expérimentales face à des problématiques sociales.
Un cercle vertueux pour la société de demain. Source : istockphoto.
Des laboratoires d’innovations sociales
Véritables incubateurs où se développent les embryons d’un nouveau monde, les tiers-lieux prônent la résilience face aux problématiques contemporaines.
Des alternatives économiques
En 2021, plus de 2 500 tiers-lieux ont été recensés en France. Ce qui semblait, il y a quelques années, être un phénomène marginal aux ambitions idéalistes est aujourd’hui une réelle solution pour la relance économique. L’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) a été créée depuis le 1er janvier 2020 afin de réduire la fracture territoriale. Cet organisme s’appuie tout particulièrement sur les tiers-lieux à travers un programme de subvention et d’accompagnement. En 2021, selon les chiffres de l’ANCT, 2,2 millions de personnes ont accompli un projet dans un tiers-lieu, 150 000 salariés y travaillent, 6 300 personnes animent et gèrent ces espaces qui représentent 248 millions d’euros de chiffre d’affaires. Dans un contexte de crise économique, la création d’emplois est en progression constante dans ce secteur. Le profit individuel y est proscrit et les bénéfices réalisés sont réinvestis dans la structure afin de favoriser son développement selon le principe de l’Économie sociale et solidaire.
Des solutions pour l’écologie
Les tiers-lieux ont en commun une philosophie résolument écologique. Ils favorisent le local et le faire soi-même dans un souci de développement durable. Le principe de l’économie circulaire est illustré par les Recycleries, Ressourceries et Repair café qui collectent et réparent des objets usagés afin de les réemployer. Les tiers-lieux nourriciers, inspirés par les théories de la permaculture, produisent et transforment de la nourriture en circuits courts. Ces exploitations agricoles s’appuient sur des pratiques alimentaires saines et proposent des groupements d’achat, des jardins partagés, des serres municipales, ou des services de restauration pour les collectivités (écoles, maisons de retraite, etc).
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Des moyens pour réinvestir et dynamiser les territoires ruraux
Les tiers-lieux se présentent comme une réponse salutaire pour la revitalisation rurale. Le développement des espaces de coworking, qui réduisent la fracture numérique, permet aux travailleurs indépendants et aux salariés en télétravail de s’installer hors métropole. Multiplier ces pôles d’activité crée un maillage dans les campagnes. La vie « au vert » devient alors plus attractive pour les citadins en quête d’un meilleur cadre de vie. La renaissance des régions dépeuplées semble passer par ces lieux alternatifs qui redonnent du sens aux termes de « collectivité » et de « solidarité » face à l’anonymat urbain.
Le tiers-lieu est un concept prometteur qui s’affirme de plus en plus comme une solution d’avenir. Les problématiques de notre monde en constante mutation exigent de la créativité et de la flexibilité. Les innovations proposées par ces structures collaboratives pourraient bien répondre aux grands enjeux de la transition qui s’impose à nous.
Tatiana M. pour e-Writers.
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Jade, tutrice de formation chez FRW.
Sources :
https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/tiers-lieux
