En 2021, le rapport alarmant du GIEC concernant la crise climatique a été un électrochoc pour de nombreuses personnes. L’éco-anxiété s’est installée et touche aujourd’hui particulièrement les jeunes. Cette peur de l’avenir peut déclencher des symptômes tels que l’angoisse, la tristesse ou encore la dépression. Mais, il y a une bonne nouvelle : la lutte contre le réchauffement de la planète se nourrit de ce trouble ! Pour le transformer en énergie positive, les stratégies d’adaptation au stress et la recherche du bien-être sont en première ligne. La compréhension des émotions et leur acceptation permettent ensuite de s’engager pour l’environnement à travers des gestes au quotidien, jusqu’à devenir activiste écologique.
L’éco-anxiété, qu’est-ce que c’est ?
Elle est souvent définie comme le nouveau mal du siècle. Ce terme est apparu dès 1997, lorsqu’il a été théorisé pour la première fois par la chercheuse Véronique Lapaige. Depuis, aucun consensus n’a été trouvé sur le plan médical. Généralement, elle est décrite comme un ensemble d’états anxieux. Elle prend son origine dans l’anticipation de catastrophes écologiques et dans la peur d’un effondrement des écosystèmes.
Les personnes qui expérimentent ces angoisses sont dans un état de détresse chronique. Ils font face à des symptômes désarmants au quotidien : réactions émotionnelles fortes, sentiment d’impuissance, ruminations, questionnement existentiel.
Elle est parfois associée au terme de solastalgie. Ce sentiment est défini par Glenn Albrecht, philosophe, comme « la douleur ou la maladie causée par la perte ou le manque de réconfort et le sentiment d’isolement lié à l’état actuel de son lieu de vie et de son territoire ». Il se rapporte plutôt à une nostalgie due à la transformation du lieu dans lequel nous vivons. Elle est cependant liée à une situation actuelle ou passée, alors que l’éco-anxiété est tournée vers les évènements futurs.
Le terme de collapsologie peut également être cité. Il définit l’étude de l’effondrement de la civilisation industrielle et ce qui pourrait lui succéder. Le concept décrit le futur imaginé et anticipé par les personnes touchées.
Ces termes se sont démocratisés dans un contexte de prise de conscience des populations. Ils témoignent d’une volonté de comprendre le monde qui nous entoure, dans le but d’agir face à cette situation semblant insurmontable. Un champ lexical complet se développe pour décrire les émotions des personnes sensibles aux catastrophes : écoparalysie, écoconfusion, ou encore climato-dépression.
La jeunesse, une génération au cœur d’un phénomène sociétal
L’éco-anxiété est devenue un sujet de préoccupation mis en avant dans les médias après la canicule de l’été 2019. La répétition de ces phénomènes météorologiques a rendu plus tangible le changement climatique. En 2021, après la crise sanitaire mondiale de la COVID-19, le rapport alarmant du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) a fait l’effet d’une bombe. Il a déclenché une inquiétude nouvelle face à ce phénomène difficile à appréhender.
D’après la revue scientifique menée par la Fondation Jean Jaurès, près de 29 % de la population française se dit inquiète pour l’avenir au réchauffement de la planète. Une vaste étude réalisée par le magazine The Lancet a permis de mettre en évidence que l’éco-anxiété touche plutôt les populations jeunes, entre 16 et 25 ans, à hauteur de 75 %, et ce dans le monde entier. Parmi ces personnes, on retrouve principalement des femmes et des diplômées.
C’est une inquiétude systémique qui se manifeste chez ces personnes éclairées. Elles n’ont plus confiance en l’avenir et peinent à établir des projets personnels sur le long terme. Elles doivent faire face au déni de leurs proches, mais également à l’inaction des gouvernements. Les propos de Greta Thunberg, activiste écologique, aux dirigeants du monde réunis à Davos, en Suisse, en 2019, illustrent bien ce mal-être de la jeunesse : « Je veux que vous paniquiez, je veux que vous ressentiez la peur que j’éprouve tous les jours ».
« Je veux que vous paniquiez, je veux que vous ressentiez la peur que j’éprouve tous les jours » – Greta Thunberg
Les témoignages récoltés par Reporterre auprès de jeunes éco-anxieux dévoilent un tabou vis-à-vis des émotions ressenties. Elles représentent une charge mentale supplémentaire, alors que cette génération devrait se concentrer sur son avenir. Ils éprouvent des difficultés à se confier sur la solitude qu’ils ressentent. Malgré tout, pour certains, cette énergie négative peut à terme se transformer en force et les pousser à agir. Ils témoignent alors d’une rage de vivre et d’une volonté farouche de défendre l’environnement.
La peur face au changement climatique, un sentiment normal et sain
L’éco-anxiété n’est pas considérée par le corps médical comme une maladie. Elle est néanmoins bien réelle et peut participer à l’accroissement de pathologies liées au stress : les addictions, les troubles anxieux ou la dépression. On parle parfois de burnout écologique ou encore de peur chronique. Comme le dit le philosophe Clive Hamilton, « Il est presque impossible d’accepter toute la vérité sur ce que nous avons fait subir à la Terre, j’ai vu des gens vivre avec cette idée au quotidien, ils ont développé une forme de folie ».
Malgré un état de mal-être général, cet ensemble d’émotions peut être assimilé à une certaine clairvoyance. La prise de conscience vis-à-vis des challenges environnementaux qui attendent l’humanité amène à une réaction adaptative des personnes concernées. Il est alors important de sensibiliser, d’une part les professionnels, et d’autre part le public, sur l’importance du bien-être et de la santé mentale face à cette crise. À ce titre, l’association Climate Psychiatry Alliance a vu le jour aux États-Unis. Des collectifs s’organisent également en France, comme le collectif On est Prêt. Leur objectif est d’alerter sur les conséquences du changement climatique sur notre environnement et sur le bien-être des populations. Il faut en définitive garder en tête que l’éco-anxiété n’est pas qu’un sentiment négatif, mais peut faire naître l’espoir et l’engagement.
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De la passivité vers l’action, des stratégies d’adaptation existent
Comme en témoigne Léa Geindreau, coordinatrice communication du mouvement écologiste Alternatica, dans son intervention sur une conférence TED (Technology, Entertainment and Design), l’éco-anxiété peut être transformée en état d’action positive. Devenue activiste, elle lutte pour la justice climatique et sociale. Certains parlent d’un passage vers l’écocolère. Ce sentiment apparaît lorsque l’on dépasse la peur et les doutes. Il est principalement motivé par un fort engagement, et une grande confiance en la science.
Léa Geindreau — L’éco-anxiété, ce formidable tremplin vers l’action collective
Pour sortir de la passivité face à la peur ressentie, des stratégies d’adaptation au stress peuvent être utilisées. Elles sont basées sur :
- Les émotions : on cherche dans un premier temps à comprendre et nommer les émotions ressenties. L’objectif est d’ensuite les normaliser et les accepter. Pour se faire, des exercices de pleine conscience peuvent aider à se recentrer sur l’ici et maintenant.
- La recherche de sens : il faut trouver un sens positif à ce qui nous fait peur. On cherche alors à se focaliser sur les exemples d’actions pour l’environnement. On imagine le monde dans lequel nous souhaiterions vivre. Cet exercice de visualisation permet de réduire l’anxiété, redonner espoir et s’engager.
- L’engagement : le passage à l’action peut donner une perception de contrôle aidant les personnes qui en souffrent à surmonter la peur. Il est donc possible de mettre en place des actions individuelles ou collectives à petite échelle. Les résultats sont rapidement visibles et l’impact est direct sur notre environnement. Des écogestes simples peuvent par exemple être appliqués au quotidien, que ce soit à la maison, dans notre alimentation, ou encore sur notre ordinateur !
D’après Pierre-Eric Sutter, psychothérapeute spécialisé en burnout et éco-anxiété, la mise en place de ces stratégies permet de rester dans un cercle vertueux. Couplé à un accès quotidien à la nature, ce sentiment de bien-être est renforcé et donne l’envie de se battre pour l’environnement. Et pour aller plus loin, pourquoi ne pas tester les bains de forêts ? Rendue populaire par les Japonais, cette pratique permet notamment d’activer les hormones du bonheur !
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Finalement, les sentiments tels que l’éco-anxiété et toute autre émotion négative liée à la crise climatique ne sont pas des fatalités. Il est possible de les surmonter et d’utiliser cette énergie au profit de la lutte pour la préservation de l’environnement. Alors, instruisez-vous, engagez-vous, la force du collectif permet de soulever des montagnes !
Amélie Perraudeau, pour e-Writers
Article rédigé lors du cursus de formation rédacteur web chez FRW.
Article relu par Anne Le Tarnec, tutrice de formation chez FRW.
Sources :
Conférence Collectif On est prêt — L’écoanxiété, une voie pour passer à l’action ?
Observatoire du bien-être (OBE) CEPREMAP – De l’écoanxiété à la transition heureuse ? — M. Perona
Reporterre — Enquête : Eco-anxiété
Fondation Jean-Jaurès – Eco-anxiété : Analyse d’une angoisse contemporaine – E. Fougier