Qui a dit que les dessins animés ne s’adressaient qu’aux enfants ? Bien au contraire, ils peuvent tout à fait viser un public plus mature. Les thématiques abordées sont très diverses et ne se limitent pas au simple divertissement. D’ailleurs, de nombreux films d’animation pour adultes sont de véritables œuvres cinématographiques ! Vous êtes cinéphile, mais vous ne vous y êtes jamais intéressé.e ? Voici une présentation (non exhaustive) des longs-métrages que vous devez absolument découvrir !
Apprendre : plonger dans l’Histoire avec le cinéma d’animation
Le cinéma d’animation s’empare des grands évènements historiques. Pour les passionné.e.s, voici quelques références qui traitent de la guerre, soit en toile de fond, soit comme élément principal de l’intrigue.
La guerre en toile de fond
Plusieurs dessins animés japonais se passent pendant la Seconde Guerre mondiale. Le point de vue adopté est alors centré sur l’individu ou la famille. De cette manière, ce sont les conséquences du conflit sur la population qui apparaissent. Le plus emblématique des drames sur le sujet est certainement le Tombeau des lucioles. C’est le premier long-métrage d’Isao Takahata, co-créateur du studio Ghibli. Il sort en 1987, et donne à voir la guerre à travers les yeux de deux enfants. Livrés à eux-mêmes, ils apprennent à survivre seuls dans un pays qui souffre de pénuries. Le film navigue entre des scènes de poésie, et d’autres terriblement violentes.
Parmi les films du studio Ghibli, Le vent se lève (2013) d’Hayao Miyazaki se passe pendant l’entre-deux-guerres au Japon. L’histoire principale est celle de Jiro, passionné par les avions, et de sa romance avec Nahoko. Mais le contexte est aussi très présent : c’est celui de la montée du nazisme et de la militarisation du pays. D’ailleurs, les appareils que conçoit le héros sont inspirés de ceux qui ont véritablement été utilisés en 1945.
Le long-métrage Dans un recoin de ce monde est moins connu, mais tout aussi réussi. Réalisé par Sunao Katabuchi, il a reçu, en 2017, le prix du jury du festival du film d’animation d’Annecy. Suzu, une jeune femme d’Hiroshima, part vivre dans la famille de son mari à Kure, un port militaire. Le public est transporté dans son quotidien, des années 30 jusqu’à la fin de la guerre.
La guerre comme élément principal de l’intrigue
Il existe d’autres films d’animation historiques dans lesquels la guerre constitue l’élément principal de la trame. Elle marque le point de départ de l’aventure. On peut citer par exemple la terrible Valse avec Bachir de Ari Forman, sortie en 2007. Le héros a participé à la guerre du Liban qui a éclaté au début des années 1980. Il part à la recherche de ses souvenirs et interroge ses anciens compagnons d’armes. L’intrigue prend ainsi la forme de l’enquête. Elle est réalisée à partir de véritables témoignages, ce qui rapproche ce long-métrage de la catégorie des films documentaires.
On peut également citer le long-métrage Funan (2019) de Denis Do. Il nous entraîne au cœur de la révolution des Khmers rouges au Cambodge. De jeunes parents et leur fils de 4 ans sont déportés, puis séparés dans un camp de travail. La douceur du graphisme contraste avec la violence de ce qui est raconté. Un film bouleversant.
Enfin, dans Josep, le dessinateur Aurel nous propose une très belle biographie de Josep Bartolí. Artiste antifranquiste, il est emprisonné pendant la guerre civile espagnole. Il a aussi été le compagnon de Frida Khalo à la fin des années 40.
Comprendre : la société racontée en dessin animé
Le cinéma d’animation est capable de raconter la société. Cela donne des films politiquement engagés, dans lesquels la critique sociale apparaît parfois en seconde lecture.
Des films d’animation engagés
Peut-être avez-vous déjà entendu parler de Persepolis ? Tiré d’une bande dessinée autobiographique de Marjane Satrapi, il est réalisé en 2007 par elle et Vincent Paronnaud. L’autrice raconte son enfance en Iran, la révolution contre le Chah (1979), la mise en place de la République islamique et l’exil vers l’Europe. Ce film est à la fois humoristique, poétique et porteur d’une critique cinglante. Un incontournable parmi les dessins animés français !
Toujours en Iran, le drame social Téhéran tabou d’Ali Soozandeh (2017) dresse un effrayant tableau de la capitale. Le sexe, la corruption, la prostitution et la drogue se développent proportionnellement aux interdits religieux. Le destin de trois femmes et un jeune musicien se croisent. Il faut noter l’originalité de l’animation : ce sont de véritables personnes qui ont été filmées puis redessinées. Cette technique donne une impression de réalisme étonnante. Elle a permis de contourner la censure du régime iranien. Les scènes ont été tournées en Allemagne et les rues de Téhéran sont reconstituées graphiquement.
On voyage ensuite en Afghanistan. Deux sublimes films ont été réalisés sur la dictature morale et religieuse imposée par les talibans. Le premier est Parvana, une enfance en Afghanistan de Nora Twomey. Sorti en 2018, il a été nominé aux oscars dans la catégorie « meilleur film d’animation ». Il a reçu de nombreux prix, dont celui du public et du jury au festival d’Annecy. L’oppression, la violence et le patriarcat nous sont racontés à travers les yeux d’une enfant qui vit à Kaboul. L’histoire se déroule comme un conte. La direction artistique joue avec les couleurs, les motifs et parfois des personnages sous forme de marionnettes. Elle s’adapte ainsi à un public plus jeune — à partir de 11-12 ans avec une bonne mise en contexte. Mais le spectateur ou la spectatrice plus âgée se laissera tout autant emporter.
Les Hirondelles de Kaboul traite de la même thématique, mais se destine davantage aux adultes que le précédent. Tiré d’un roman de Yasmina Khadra, il sort en 2019 et est réalisé par Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec. Il raconte l’histoire de deux couples, à Kaboul, dont les destins se croisent de façon dramatique. Entre exécutions publiques et lapidations, la répression des talibans rôde autour des personnages.
Une critique sociale en arrière-plan
Dans certains longs-métrages, la critique sociale apparaît seulement en seconde lecture. C’est le cas de la comédie dramatique Tokyo Godfather de Satoshi Kon (2003). L’action se déroule dans les bas-fonds de la capitale japonaise. Le soir de Noël, trois sans-abri trouvent un bébé dans un local à ordures. Ils décident de retrouver ses parents. Au-delà de l’aventure, sont évoqués les thèmes de la précarité, de l’addiction à l’alcool et aux jeux, de la transidentité et de la violence conjugale.
Dans un tout autre style, L’île aux chiens de Wes Anderson (2018) est une superbe contre-utopie sur la dictature sanitaire. En raison d’une épidémie de grippe canine, le maire de Megasaki — une ville imaginaire qui pourrait se situer au Japon — décide d’isoler tous les chiens sur une île. Atari, un jeune garçon, part à la recherche de son compagnon. L’animation est réalisée en stop-motion. Les personnages sont des figurines articulées, et le mouvement est créé grâce à une succession de photographies. Entre chaque prise de vue, l’objet est légèrement déplacé ou transformé. On retrouve dans la réalisation tout ce qui rend le cinéma de Wes Anderson unique en son genre :
- le rythme saccadé de la narration ;
- des plans fixes ;
- une composition toujours très travaillée et graphique ;
- des situations loufoques et absurdement drôles.
S’effrayer : le suspens dans les films d’animation pour adulte
Le cinéma de Satoshi Kon est incontournable en matière de thriller animé. Il est passé maître dans l’art de se jouer du spectateur ou de la spectatrice. Il brouille sans arrêt la frontière entre le réel et l’irréel. C’est le cas dans Perfect blue, sorti en 1999. Une jeune chanteuse d’un trio féminin de variété décide de devenir actrice. Elle est poussée à exposer de plus en plus sa nudité à l’écran. Elle reçoit d’effrayantes lettres anonymes et d’étranges meurtres touchent les personnes de son entourage. Tout à fait glaçant !
Dans Paprika (2005), Satoshi Kon nous entraîne cette fois aux confins de l’inconscient. Un fabuleux petit appareil est en voie de développement : il permet de rentrer dans les rêves et de les enregistrer. Mais l’un des prototypes est dérobé aux scientifiques. Le Dr Atsuko Chiba, collègue de l’inventeur, s’immisce dans le monde des songes sous l’apparence de Paprika pour retrouver la machine. Illusion et rationalité se mélangent, et il peut être difficile de ne pas perdre pied. Grand classique du cinéma japonais, ce manga a très largement inspiré Inception de Christopher Nolan (2010).
Dans la catégorie thriller de science-fiction, impossible de ne pas évoquer les deux opus de Ghost in the shell. Ils sont tous deux réalisés par Mamoru Oshii (en 1995, puis en 2003). L’histoire se passe dans un Japon futuriste, où les êtres humains côtoient des robots. Le major Motoko Kusunagi en est un. Dans le premier volet, elle mène une enquête sur un hacker criminel. En parallèle, elle part en quête de sa propre identité. Ce dessin animé pose de véritables questions existentielles sur l’essence de l’Homme et le rapport entre le corps et l’esprit. Le deuxième volet pousse l’introspection encore plus loin et joue, cette fois, avec l’idée de réalités alternatives. Il faut avoir son cerveau bien en éveil pour comprendre l’intrigue. Mais la beauté de l’univers graphique et la profondeur des réflexions valent vraiment la peine de s’accrocher !
Voilà donc quelques références pour entrer dans le monde du cinéma d’animation « pour les grands ». La liste n’est évidemment pas exhaustive : il existe bien d’autres films qui valent la peine d’être vus ! Et vous, quel est votre long-métrage préféré ?
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Annabelle Dumoutet, pour e-Writers
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW
Article relu par Anne Le Tarnec, tutrice de formation chez FRW
Sources :
- Les films d’animation cités
- Le site du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)
- Transmettre le cinéma : outil-portail des dispositifs d’éducation au cinéma mis en œuvre par le CNC
Merci de nous ouvrir l’esprit ! Sortons des sentiers battus et visionnons autre chose ! Je n’ai pas le réflexe cinéma d’animation, mais ça va peut-être changer !