Selon Stephan Eliez, professeur en psychiatrie à l’Université de Genève, 2,5 % des femmes dans le monde possèdent un quotient intellectuel élevé et sont surdouées. Cette proportion est la même chez les hommes. Pourtant, les filles précoces sont moins diagnostiquées que les garçons. Dans une société où le genre féminin est encore soumis à certains préjugés, la surrefficience intellectuelle de certaines met en évidence leur différence. Cela multiplie les défis de la femme à haut potentiel (HP), surtout quand une évaluation neuropsychologique n’a pas encore été réalisée. En intériorisant ses malaises, elle rend discrète son intelligence hors-norme et se trouve face à un double enjeu : être femme et surdouée. Mais quels sont les caractéristiques du zèbre au féminin, et les véritables défis qu’elle rencontre ?
L’identité de la femme surdouée
La femme à haut potentiel se démarque en posant un regard différent sur le monde. Elle perçoit et ressent plus que la norme, se caractérisant alors par certaines distinctions. Ces dernières peuvent affecter son quotidien.
La femme à haut potentiel et ses caractéristiques
L’hypersensibilité est l’une des spécificités principales de la surdouée. Cette exacerbation témoigne d’un haut potentiel émotionnel parfois problématique. Son empathie excessive l’empêche de se dissocier des sentiments des autres, et la rend plus attentive à la douleur d’autrui. Cependant, sa capacité à ressentir peut être utile et mise au service de la société. De nombreuses surdouées travaillent dans le milieu de l’éducation ou s’intéressent à l’être humain.
Actrice, diplômée en psychologie et possédant un quotient intellectuel de 140, Natalie Portman témoigne de la vertu de cette qualité dans le magazine Numéro en 2016 :
Certaines personnes lisent des milliers de livres et n’ont aucune intelligence émotionnelle. Je suis persuadée qu’il faut être intelligent émotionnellement pour être un bon acteur.
De plus, d’autres traits de personnalité peuvent être intensifiés :
- une hyperexcitabilité ;
- une grande capacité de concentration ;
- une soif de connaissances sans fin ;
- une excellente faculté d’apprentissage ;
- une sensibilité à l’injustice.
L’association de toutes ces caractéristiques définit un profil complexe soumis à certaines souffrances.
Les souffrances de la femme zèbre
La femme surdouée éprouve de la difficulté à trouver son identité. En raison de son hyperactivité cérébrale, un sentiment de décalage l’habite. Ses pensées abondent et rendent son cerveau bruyant. L’épuisement mental la guette donc régulièrement. Ce mode de fonctionnement peut la faire souffrir d’insomnie chronique. De plus, elle pose un regard unique sur le monde qu’elle analyse en permanence. Cela lui confère l’impression de ne pas rentrer dans le moule de la société. Ce sentiment débouche souvent sur un manque de confiance, voire le syndrome de l’imposteur. Elle se remet en question constamment, au risque de finalement se conformer aux attentes de la société. Cela nuit alors à son identité, à son essence et impacte son développement psychologique.
Malgré son adaptabilité, la femme zèbre peut démontrer un certain rejet de l’autorité dès son enfance. Sa position marginale l’amène à penser que tout être vit à égalité, rendant désuet le concept de hiérarchie. Fondamentalement attachée à ses valeurs morales, elle respecte donc ce qui lui semble juste et fondé au détriment du conventionnel. Ce genre de réflexion peut la confronter à l’incompréhension des autres, et générer un certain malaise relationnel.
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Le double défi de la femme à haut potentiel
Il semble difficile pour un individu HP de trouver sa place dans la société. Celui-ci traîne avec lui certaines souffrances dues à sa différence. Cependant, les défis associés à cette problématique paraissent décuplés pour la femme.
Un modèle féminin confronté aux stéréotypes sociétaux
Le profil de la surdouée ne correspond pas aux attentes de la société qui définit la norme féminine, parfois encore empreinte de clichés. Ces stéréotypes l’éloignent de ses aspirations. Inconsciemment, elle plie sous les pressions extérieures et tente de se conformer pour se protéger. En agissant de la sorte, la femme zèbre renie sa personnalité au risque d’en subir les conséquences délétères sur son équilibre psychologique. C’est l’une des raisons pour lesquelles elle est moins souvent diagnostiquée comparativement à son homologue masculin. Ses malaises internalisés restent plus discrets, et sont donc moins dérangeants dans la sphère sociale. Cela a pour conséquence que le potentiel intellectuel de certaines ne soit jamais révélé.
Contrairement à l’homme, la surdouée se trouve confrontée au stéréotype de la femme intelligente. Celle-ci est souvent représentée comme étant maladroite, indésirable, arrogante et en dehors des normes sociétales. Pour se faire accepter et ne pas être perçue comme présomptueuse, la condition implicite est de compenser par de la gentillesse et de la complaisance. Le sentiment d’injustice qui en découle lui laisse penser qu’elle doit se soucier des apparences. Toutefois, cette situation tend à évoluer, même si les avancées se font à petits pas.
La sphère professionnelle : un terrain propice à l’épuisement
La femme HP s’impose comme une cérébrale autodidacte, consciencieuse et perfectionniste. Sa rapidité d’apprentissage et d’exécution est un atout souvent reconnu par son employeur. Son intelligence émotionnelle et sa capacité d’écoute lui confèrent de bonnes compétences managériales. De plus, grâce à sa réflexion en arborescence, la surdouée met en relation des principes d’affaires avec une collaboration collective. En évitant de l’enfermer dans une case, ce mode de coopération lui permet de trouver davantage sa place dans la sphère professionnelle.
Cependant, la femme zèbre peut être victime de ses capacités et de son hypersensibilité. Face à un sentiment de devoir travailler plus pour gagner sa place, elle devient intransigeante en s’imposant un perfectionnisme accru. De plus, sa vitesse de travail efficace incite son employeur à lui donner plus de responsabilités, alourdissant alors sa charge de travail. Réactive et impliquée, elle s’y oppose difficilement et risque l’épuisement professionnel.
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La douance au quotidien : comment bien la vivre ?
Afin d’améliorer son quotidien, la surdouée est tenue de se poser les bonnes questions. Pour cela, il s’agit d’amorcer un véritable travail d’introspection. Certaines réponses semblent évidentes, mais se révèlent plus problématiques au moment de les assumer.
Les bénéfices de la thérapie
Vivant dans la complexité, la femme HP doit trouver un équilibre de vie. La neurasthénie, liée à la routine et à l’ennui, reste un risque pour elle, et plus spécifiquement la dépression existentielle. Elle ressent la nécessité de donner un but à sa vie et d’être active. Pour l’aider, la surdouée a besoin de mettre des mots sur ce sentiment de différence qui la déstabilise. Seul un bilan neuropsychologique peut le faire. Établir sa dissemblance induit un certain soulagement pour elle. En effet, ses souffrances prennent une autre dimension et un travail de reconstruction peut être entamé.
Il est recommandé à la femme zèbre de se tourner vers un thérapeute, et idéalement un professionnel de la douance. Ainsi, elle apprendra à assumer sa véritable identité, tout en se protégeant de stimuli extérieurs parfois néfastes. Avec le temps et la thérapie, elle sera capable de comprendre ses besoins et tracera un chemin de vie en cohérence avec son identité. Tel que le mentionne la psychologue Monique de Kermadec dans son livre La femme surdouée :
J’ai déjà dit que la femme à haut potentiel devra se débarrasser d’une idée de réussite qui ne soit pas la sienne. Une vie réussie est une vie qui nous satisfasse, d’abord pour nous-mêmes.
La mise en place d’un équilibre de vie
En raison du fort potentiel de son intelligence, la femme zèbre doit se stimuler pour ne pas dépérir. De plus, être attentive à ses besoins et trouver des solutions lui permettra de conserver une certaine harmonie dans son quotidien. Elle doit donc se réinventer et appliquer des changements satisfaisants. Cela nécessite de redéfinir ses priorités, de s’aligner sur ses valeurs et de préciser le sens donné à sa vie. Elle possède également une tendance à vivre dans le futur, ne laissant aucun répit à son mental. Elle doit rendre son esprit disponible en travaillant sa capacité à passer d’une idée à l’autre sans enchevêtrement. Apprendre à être dans le moment présent apaise l’activité cérébrale. Cela demande de l’entraînement et de la conscience, mais les effets sont amplement bénéfiques.
Voici quelques idées pouvant améliorer le quotidien :
- se stimuler intellectuellement ;
- méditer en pleine conscience ;
- s’octroyer des moments de solitude, une retraite ;
- s’endormir avec des bruits blancs pour contrer l’insomnie ;
- pratiquer l’écriture automatique ;
- faire du yoga.
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La femme à haut potentiel est donc un être complexe soumis à de multiples enjeux. Afin de vivre harmonieusement, la surdouée doit trouver la meilleure manière de développer ses capacités. Cela passe par le dialogue avec ses proches, et la libération du rôle genré défini par la lutte des sexes. De plus, la douance est une notion qui se démocratise au fil du temps. Elle devient mieux comprise et acceptée par la société. Cela laisse de l’espoir aux filles des générations futures. Celles-ci atteindront peut-être un jour la parité en ce qui concerne le taux de dépistage, permettant ainsi à plus de femmes de mieux vivre leur différence.
Cindy Badier, pour e-Writers
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Agathe, tutrice de formation chez FRW.
SOURCES :
De Kermadec, Monique. La femme surdouée : Double différence, double défi. Paris : Éditions Albin Michel, 2019, 195 pages.
Forbes. Comment les femmes gèrent-elles leur haut potentiel ? [en ligne]. Disponible sur : https://www.forbes.fr/femmes-at-forbes/comment-les-femmes-gerent-elles-leur-haut-potentiel/
AQNP. Douance : dépister, comprendre, accompagner. [en ligne]. Disponible sur : https://aqnp.ca/documentation/developpemental/douance/