En France, de plus en plus d’enfants quittent l’école traditionnelle pour se tourner vers des établissements qui utilisent les pédagogies alternatives. Freinet, Montessori, Steiner sont trois méthodes où l’éducation repose sur la bienveillance. Les apprentissages mettent l’accent sur le développement de l’autonomie des élèves. Quels sont les principes fondamentaux et les valeurs de ces modes d’instruction ? Sont-ils efficaces ? Découvrez ces pratiques innovantes de l’enseignement qui séduisent chaque année de nouvelles familles.

Pédagogies alternatives : une autre façon d’apprendre

Il est loin le temps où l’instituteur dirigeait à la baguette, du haut de son estrade, une classe surchargée ! L’enseignement a beaucoup évolué ces dernières années. Les habitudes au sein de la famille également avec l’apparition du concept de parentalité positive par exemple. De nouvelles méthodes didactiques ont émergé grâce à des pédagogues qui ont voulu remettre l’enfant au centre de l’éducation.

Ces pédagogies dites « alternatives » ont en commun de s’intéresser aux spécificités de chaque apprenant. Chacun dispose d’un rythme, d’un style, de capacités qui lui sont propres. L’enseignant doit s’adapter à chaque individu et non l’inverse.

Le professeur développe une relation de partenariat avec chaque élève. L’objectif est d’aider celui-ci à s’instruire par lui-même et donc de favoriser l’autonomie des jeunes. L’adulte les conseille et les guide vers l’assimilation des savoirs fondamentaux. La coopération et l’entraide s’opposent à la verticalité du système traditionnel.

L’essentiel est de prendre du plaisir à apprendre. Que ce soit en passant par le jeu ou par des projets, l’éducation doit faire sens. L’enfant doit saisir l’intérêt de la notion pour l’acquérir avec envie et facilité. Finie la mémorisation par cœur d’un cours ! Place aux expériences et à la manipulation sur du matériel spécialement conçu.

Ces nouvelles techniques ont aussi en commun d’abandonner en totalité ou partiellement la notation des travaux effectués. On lui préfère l’évaluation continue par le professeur ou par l’élève lui-même. Ainsi, tout esprit de compétition disparaît et l’ambiance devient plus saine entre les enfants de la classe.

⏩ À lire également : tout ce qu’il faut savoir pour pratiquer l’instruction en famille avec vos enfants.

1. Freinet : expérimentation, projets éducatifs et coopération entre élèves

Portrait de Célestin Freinet.

Portrait de Célestin Freinet. Source : Engeell, via Wikimedia Commons.

C’est Célestin Freinet (1896-1966), un instituteur français, qui construit cette nouvelle pédagogie fondée sur 4 piliers.

1.1 Le tâtonnement expérimental

Selon ce pédagogue, l’école doit être centrée sur l’enfant. C’est ce dernier qui construira son instruction en devenant le moteur de ses apprentissages. De même qu’un jeune arrive à marcher en marchant, il acquiert les connaissances scolaires en tâtonnant dans ses propres processus expérimentaux. C’est ce que Freinet désigne comme la « méthode naturelle ». Les premières réussites motivent à poursuivre les efforts vers de nouveaux savoirs.

1.2. L’expression libre

La communication occupe une place prépondérante dans la vie de l’école. Les enfants sont libres de s’exprimer chaque matin pour partager avec la communauté leurs découvertes, leurs passions ou leurs envies. De ce moment privilégié peuvent naître de nouvelles situations d’apprentissage. Chaque classe élabore son propre journal, de la rédaction à l’impression. Il est ainsi plus motivant de corriger ses fautes lorsqu’on sait que nos écrits seront lus et envoyés à d’autres établissements.

1.3. L’individualisation du travail

Pour prendre en compte les spécificités de chacun, le travail est individualisé. Chaque semaine, l’élève et l’enseignant signent un contrat. Chaque enfant reçoit ainsi un ensemble de tâches à effectuer dans un laps de temps délimité. Les deux parties négocient le contenu et l’adaptent aux envies et aux capacités de l’écolier.

1.4. La coopération

Les classes mixent les âges et les niveaux. Les plus grands peuvent donc aider les plus jeunes. La « réunion coopérative » est un très bon exemple de mise en place concrète. Lors de cette assemblée, les élèves proposent des projets, inventent de nouvelles règles de vie, résolvent les conflits, etc. Les décisions s’imposent à tous, y compris aux adultes. On est loin des traditionnels conseils de classe où le corps professoral monopolise trop souvent la parole.

2. Montessori : respect des périodes sensibles et utilisation de matériel pédagogique

Portrait de Maria Montessori.

Portrait de Maria Montessori. Source : Store norske leksikon.

Maria Montessori (1870-1952), médecin en Italie, a pensé cette pédagogie en théorisant l’idée de « périodes sensibles ». Il s’agit de phases où l’enfant est plus réceptif à certains apprentissages. Ce n’est pas l’âge qui entre en compte, mais plutôt un état d’esprit. Autrement dit, le docteur Montessori considère qu’il existe un temps où le jeune est prêt à apprendre avec des facilités et un intérêt pour un domaine de compétences particulier. Comme pour les tomates qui s’épanouissent en été, l’élève a ses saisons qu’il faut respecter. C’est en observant attentivement l’enfant que l’éducateur proposera les bonnes connaissances au bon moment. Il maîtrise les spécificités de chaque apprenant et évalue continuellement leur progression dans les notions. L’enseignant s’efforce de renforcer la confiance en soi des écoliers dans une atmosphère joyeuse et bienveillante.

« L’enfant qui se concentre est immensément heureux.  » Maria Montessori

L’environnement de travail est aussi bien réfléchi. Les niveaux sont mélangés. Cette mixité favorise l’entraide et la coopération. La classe est aménagée de sorte à répondre aux besoins des enfants sans les perturber ou les déconcentrer. Pour apprendre, l’éducation sensorielle occupe une place prépondérante. Il existe ainsi un ensemble de matériels pédagogiques conçus spécifiquement pour chaque âge et chaque compétence. L’élève choisit librement son atelier parmi ceux mis à sa disposition et l’effectue en autonomie autant de fois qu’il le souhaite et à son rythme. Ces outils permettent l’autocorrection. L’enfant comprend seul son erreur et apprend par lui-même.

💡 Laurence Aguessy vous expliquait dans un précédent article l’application concrète de cette pédagogie dans l’apprentissage de la lecture dès la maternelle.

3. Steiner : apprentissage par le jeu et développement de la créativité des enfants

Portrait de Rudolf Steiner.

Portrait de Rudolf Steiner. Source : Store norske leksikon.

Rudolf Steiner (1861-1925), philosophe autrichien, applique cette nouvelle pédagogie lorsque le directeur de l’usine de cigarettes Waldorf-Astoria lui demande de fonder une école en 1919.

Steiner perçoit l’individu comme étant doué d’un corps, d’une âme et d’un esprit. On retrouve cette idée dans la méthode éducative avec le concept « le cœur, la tête et les mains » : pour qu’un savoir soit acquis efficacement, l’enfant dans son entièreté doit être mis à contribution et stimulé. Ainsi, la création artistique et l’imagination occupent une place prépondérante dans le développement des connaissances.

La pédagogie Steiner-Waldorf ouvre les jeunes au monde qui les entoure. Elle encourage la curiosité et l’esprit de découverte. Très tôt, les élèves apprennent deux langues vivantes étrangères. Parfait pour favoriser le bilinguisme !

La décomposition des notions et la temporalité des apprentissages diffèrent du système traditionnel. La lecture et l’écriture ne sont pas inculquées en tant que telles avant l’âge de 6-7 ans. De plus, l’enseignement se fait par « périodes ». Les mathématiques, le français ou l’histoire sont étudiés sur de longues durées et de façon exclusive. Ainsi, pendant plusieurs semaines, le cours principal de la journée ne relève que d’une seule et unique matière avant de changer à la période suivante. Cette pratique favorise la concentration et la mémorisation. Elle permet aussi d’approfondir davantage les différentes thématiques.

Freinet, Montessori, Steiner : des résultats encourageants pour ces 3 pédagogies

Saviez-vous que Larry Page, Sergey Brin et Jeff Bezos avaient étudié dans une école Montessori ? Plusieurs célébrités sont sorties des institutions Freinet, Montessori ou Steiner. Mais qu’en est-il des autres enfants qui suivent ce cursus scolaire atypique ?

Une amélioration du niveau scolaire

Les différentes études montrent un bilan prometteur concernant les pédagogies alternatives. Marie Laure Viaud, maîtresse de conférences en sciences de l’éducation, révèle que les élèves du primaire issus du système alternatif ont des résultats au moins aussi bons que ceux des établissements d’enseignement classiques. Mieux, ils ont le plaisir d’apprendre.

Une autre enquête du CIREL (Centre Interuniversitaire de Recherche en Éducation de Lille) met en avant les progrès effectués dans une école de Mons-en-Barœul. Cet établissement subissait la violence et les échecs scolaires jusqu’à ce que des professeurs formés à la pédagogie Freinet remplacent l’ancienne équipe. En 5 ans seulement, les résultats à l’entrée au collège montraient un niveau nettement supérieur à la moyenne nationale en français et au moins équivalent en mathématiques. De plus, le climat s’était fortement apaisé.

Une faculté d’adaptation renforcée

Une autre crainte largement répandue porte sur l’avenir des enfants qui décident de rejoindre l’éducation traditionnelle. Rebecca Shankland, professeure des universités en psychologie du développement, a suivi pendant plusieurs années des adolescents issus des pédagogies alternatives. Elle indique que 40 % d’entre eux ont rencontré des difficultés à l’entrée au collège, contre 28 % des écoliers du système classique. Mais cette différence s’estompe très vite. Dès le deuxième trimestre, ils rattrapent leurs camarades puis les devancent dans les évaluations. Ils sont également moins stressés et ont une vision plus claire de leurs perspectives professionnelles.

Les alternatives à l’enseignement traditionnel existent. Les pédagogies Freinet, Montessori, Steiner et bien d’autres ont montré les preuves de leur efficacité ces dernières années. Le nombre d’élèves concernés reste toutefois dérisoire par rapport au total des écoliers français. Mais les pratiques évoluent et tendent à s’inspirer davantage de ces méthodes innovantes.

Vous vous posez des questions concernant la parentalité ou l’éducation de vos enfants ? Consultez nos articles sur le thème de la famille.

Aurélien barbier, pour e-Writers
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Jade, tutrice de formation chez FRW.

Sources :
https://www.montessori-france.asso.fr/page/156818-accueil
https://www.icem-pedagogie-freinet.org/
https://www.pedagogie-waldorf.fr/
Marie-Anne Hugon et Marie-Laure Viaud (dir.), Les établissements scolaires « différents » et la recherche en éducation. Problèmes méthodologiques et épistémologiques, Arras, Artois Presses université, 2016.
Yves Reuter (dir.), Une école Freinet. Fonctionnements et effets d’une pédagogie alternative en milieu populaire, Paris, L’Harmattan, 2007.
Rebecca Shankland, Pédagogies nouvelles et compétences psychosociales, Paris, L’Harmattan, 2009.