Vous avez sans doute déjà entendu parler de Pygmalion, ce légendaire sculpteur tombé fou amoureux de sa statue au point de la voir prendre vie. Mais saviez-vous qu’un concept clé en psychologie sociale tire son nom de ce récit issu de la mythologie grecque : l’effet Pygmalion ? Un phénomène selon lequel les attentes d’une figure d’autorité influencent inconsciemment le comportement et la performance d’un individu. Lorsqu’un enseignant ou un manager a foi dans les capacités d’un élève ou d’un collaborateur, ce dernier est plus enclin à déployer son potentiel. On parle alors de prophétie autoréalisatrice. Décryptons ensemble ce pouvoir invisible qui va, à n’en pas douter, vous faire de l’effet !

Définition de l’effet Pygmalion : de quoi parle-t-on exactement ?

Des croyances qui façonnent la motivation et les performances

« Pouvoir » , « prophétie autoréalisatrice » ? D’emblée, soyez rassuré : nous n’avons pas versé dans les sciences occultes et les arts divinatoires. Bien au contraire, l’effet Pygmalion, appelé également effet Rosenthal et Jacobson, est un phénomène qui repose sur des bases on ne peut plus scientifiques. Mis en lumière dans les années soixante par le psychologue américain Robert Rosenthal et la directrice d’école Lenore Jacobson, il s’appuie sur des expériences reconnues. Quel en était le postulat de départ ? Rien de moins qu’un principe qui semble tomber sous le sens, mais dont les ressorts psychologiques sont plus subtils qu’il n’y paraît : les attentes positives qu’une personne nourrit à l’égard d’une autre personne vont façonner la motivation et les performances de cette dernière. Quand on parle « d’attentes positives », on fait référence au fait de croire en l’autre, de lui faire confiance et de penser qu’il est capable de bien faire.

Pour saisir parfaitement de quoi il retourne, deux précisions méritent d’être apportées à ce stade de la lecture :

  • Dans ce face-à-face singulier, une figure d’autorité est toujours présente (enseignant, manager, parent).
  • Les processus internes en jeu se déclenchent, la plupart du temps, sans que nous en ayons conscience.

« Les attentes que nous avons des autres influencent leurs performances plus que nous ne l’imaginons. »

Robert Rosenthal

Le revers de la médaille

Côté pile, cet effet souligne l’importance du regard que nous portons sur les autres. L’influence des attentes positives sur la perception de soi est un levier puissant qui favorise l’épanouissement personnel. À l’inverse, côté face, les doutes, les préjugés et autres croyances limitantes sont de nature à étouffer les potentiels. C’est ce que l’on appelle l’effet Golem. Mais avant de nous pencher sur le pendant négatif de l’effet Pygmalion, faisons un voyage express dans le temps, pour renouer avec les origines de ce concept.

Les expériences choc de Robert Rosenthal sur la réussite : du laboratoire aux bancs de l’école

Les rats de Rosenthal

Riverside, Université de Californie, 1964.
Robert Rosenthal, professeur de psychologie, est sur le point de mener l’une de ses expériences les plus célèbres. Son laboratoire est le centre de son monde et ses sujets expérimentaux, des rats. Des rats entraînés par des étudiants à naviguer dans un labyrinthe. Les rongeurs sont répartis en deux groupes, soi-disant « de niveaux ».

Les premiers sont censés avoir été rigoureusement sélectionnés pour être plus rapides et plus intelligents. En toute logique, les expérimentateurs s’attendent à ce qu’ils obtiennent d’excellents résultats lors des tests. Les seconds, quant à eux, sont supposés être plus lents. Leurs coachs sont avertis : la traversée du labyrinthe s’annonce laborieuse. Or, ce que les étudiants ne savent pas, c’est qu’en réalité tous les rats ont les mêmes capacités. Leur répartition dans les groupes s’est faite de manière totalement aléatoire !

Pourtant, les animaux qualifiés de « plus doués » ont montré de meilleures performances. Pourquoi ? Parce que les étudiants du premier groupe se sont vu influencer par leurs attentes. Sans le savoir, ils ont adopté une attitude plus encourageante et empreinte de bienveillance envers leurs petits protégés, améliorant ainsi leurs résultats.

Pygmalion à l’école

effet pygmalion ecole

L’effet Pygmalion, un formidable levier pour développer le potentiel des élèves.

Fort de ses conclusions, Robert Rosenthal décide de reproduire l’expérience dans un contexte humain. En 1968, il mène, au sein de l’école élémentaire où travaille Lenore Jacobson, une étude qui restera dans les annales. Il fait passer un test de QI à des élèves, mais cette évaluation n’est qu’un prétexte pour conduire l’observation. En effet, le psychologue néglige délibérément les scores. Il choisit ensuite, au hasard, quelques enfants qu’il présente à l’équipe pédagogique comme ayant un potentiel intellectuel prometteur. Bien entendu, les professeurs ignorent tout de la supercherie.

Et ce qui devait arriver, arriva… Bis repetita. Comme dans l’expérience avec les rats, les écoliers mis en avant montrent une amélioration significative de leurs performances scolaires. Pourtant, leur potentiel initial était comparable à celui des autres.

Alors, qu’ont bien pu faire les enseignants pour influencer à ce point la motivation et les capacités de leurs élèves ? Dans quels autres domaines l’effet Pygmalion peut-il avoir des répercussions ? Et est-il dénué de risques ?

Applications et limites de l’effet Rosenthal et Jacobson : un pouvoir invisible à double tranchant

L’art de créer, sans le savoir, un environnement favorable

Avant de poursuivre, faisons un point d’étape afin de récapituler les éléments clés dont nous disposons :

  • Un enseignant croit qu’un élève a un fort potentiel.
  • Cette croyance repose sur une information erronée ou arbitraire.
  • Il modifie inconsciemment son comportement envers cet élève.

Mais que se joue-t-il réellement dans cette relation éducative ? Comment le professeur va-t-il interagir avec son élève ?

Concrètement, il va :

  • lui accorder plus d’attention ;
  • lui poser plus de questions ;
  • lui donner plus de feedback constructif, en l’encourageant et en l’amenant à cerner et à corriger ses erreurs grâce à une reformulation adaptée ;
  • lui fournir des explications plus précises, convaincu qu’il est capable de comprendre ;
  • lui confier des tâches plus stimulantes, car il estime qu’il peut les réussir ;
  • adopter un ton plus chaleureux et rassurant.

Naturellement, à la faveur de ces signaux, l’élève gagne en confiance et fournit plus d’efforts. Il progresse alors réellement, confirmant ainsi les attentes initiales de l’enseignant, même si celles-ci sont biaisées au départ.

« Chaque enfant que nous élevons est un reflet de ce que nous croyons qu’il peut devenir. »

Maria Montessori, dans L’Enfant , 1936.

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Relations scolaires, professionnelles, familiales, amicales, amoureuses : vive les attentes positives

effet pygmalion amitie

L’effet Pygmalion se manifeste aussi au cœur des relations amicales.

Aujourd’hui, l’effet Pygmalion a su trouver un écho favorable dans le domaine de l’éducation. En revanche, il reste plus confidentiel dans le monde du travail et la sphère familiale alors que ses effets bénéfiques s’y manifestent tout autant.

Prenons deux situations en exemple :

  • Un manager, convaincu du potentiel d’un collaborateur, lui offrira davantage d’opportunités, ce qui favorisera le développement professionnel de l’heureux élu.
  • Un parent qui croit en les capacités de son enfant, l’encouragera plus, l’aidant par là même à gagner en confiance et en autonomie. C’est d’ailleurs l’un des piliers de la parentalité positive.

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Le champ des possibles semble illimité tant les domaines d’application sont nombreux. Pourtant, tout n’est pas parfait au royaume de Pygmalion. Cet effet a ses limites et peut même devenir problématique. Voici quelques pistes pour nourrir votre réflexion.

Effet Golem, biais cognitifs et manipulation : le trio inquiétant

Les attentes positives sont à l’effet Pygmalion, ce que les attentes faibles sont à l’effet Golem. Quand l’un dope les performances et l’estime de soi, l’autre exerce une influence négative qui peut se révéler potentiellement délétère.

Par ailleurs, l’effet Pygmalion peut entraîner des biais cognitifs, comme l’effet de halo. Dans ce cas, l’impression générale (positive ou négative) que nous allons avoir d’une personne va fortement influencer notre appréciation de ses autres caractéristiques. Si l’apparence physique de quelqu’un nous apparaît comme agréable, nous serons plus enclins à lui prêter, par exemple, des valeurs morales. Or, l’honnêteté, la gentillesse ou encore l’altruisme n’ont rien à voir avec la beauté.

Un autre risque majeur est lié au biais d’autorité. Il se manifeste dans les phénomènes d’emprise. L’individu contrôlant peut alors manipuler les émotions, les pensées et le comportement d’autrui, les détournant à des fins douteuses et contraires à l’éthique.

Si l’effet Pygmalion est un puissant levier de développement personnel et professionnel, il est essentiel d’encadrer son application pour prévenir toute dérive. Quel que soit le contexte, principes moraux et bienveillance restent donc définitivement de mise ! Mais la bonne nouvelle qu’il faut retenir, c’est que nos croyances peuvent nous conférer un super pouvoir. À nous de les orienter positivement !

🎤 L’effet Pygmalion vous parle ? Racontez-nous ce que vous en pensez ou ce que vous avez vécu à ce sujet. Nous avons hâte de vous lire !

Sandra Tortorici, pour e-Writers

Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.

Article relu par Cécile, tutrice de formation chez FRW.

Sources :

Rosenthal, R., & Jacobson, L. (1971). Pygmalion à l’école : L’attente du maître et le développement intellectuel des élèves. Casterman.​

La Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente

École nationale supérieure de formation de l’enseignement agricole de Toulouse-Auzeville

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