« Les gestes de l’orateur sont des métaphores » Paul Valéry.
Comprendre les véritables intentions de notre interlocuteur grâce à son comportement, détecter le mensonge, capter les non-dits, voilà tout l’enjeu lié au déchiffrage du langage non verbal. Reconnaître les signaux émotionnels est une thématique séduisante. Conçue pour comprendre l’humain à partir de l’organisation de sa gestuelle, la synergologie est une discipline fondée en 1994 par Philippe Turchet, docteur et chercheur en sciences du langage. Il décide de former un néologisme en mixant le préfixe de « synergie » (être ensemble) et le suffixe « logie » (relatif aux sciences). La spécialité a mis au point un tableau qui recense environ 1 200 signaux corporels classés en 6 grandes familles : les boucles, les réactions, l’auto-contact, les gestes, la préhension et la stature du corps. Les gestes intentionnels ne représentent que 5 % de nos mouvements, faisant de nous des êtres énigmatiques qui suscitent chez nos semblables l’envie de démasquer toute velléité.
Langage non verbal : étape 1, découvrir comment votre corps révèle vos émotions
Tout d’abord, pour reconnaître les signaux émotionnels, il faut considérer que les comportements non verbaux sont bien entendu des réactions inconscientes. Notre gestuelle, c’est un peu le braille de nos pensées, elle traduit nos paroles refoulées : le corps s’exprime lorsque les mots demeurent silencieux.
L’Homme est un « être social » en permanence confronté à « la société du paraître ». Pour réussir, face au collectif, il se censure ! Cependant, ses mouvements inconscients prouvent qu’il n’aspire qu’à s’exprimer authentiquement. Le conflit d’intention transparaît à travers un regard, l’intonation d’une voix, un geste symbolique involontaire…
La communication gestuelle trahit les véritables émotions emprisonnées dans le diktat de la bienséance.
Le saviez-vous ? Quand une pensée arrive, avant de pouvoir être formulée par les mots, elle doit passer par la zone du cerveau qui contrôle les mains. Ainsi, lorsqu’on veut verbaliser une idée, ces dernières se mettent en action. Ce phénomène n’intervient pas uniquement dans le seul but de communiquer, mais aussi pour nous aider à réfléchir. Nous le faisons au téléphone même si notre interlocuteur ne nous voit pas !
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La proxémie étudie les mouvements de recul ou d’attrait envers notre interlocuteur, ce qui nous pousse à nous éloigner ou nous rapprocher de l’autre. Il s’agit de pulsions, presque imperceptibles, mais visibles pour un observateur aguerri. Le corps traduit ainsi sa volonté, son désir ou son rejet.
Des réminiscences de nos ancêtres
Certains comportements non verbaux sont profondément ancrés en nous, dans notre cerveau reptilien. Cela fait partie du lointain héritage de notre évolution, tandis que d’autres sont liés au contexte auquel nous sommes confrontés. Qui ne connaît pas cette sensation de chair de poule lorsqu’un ami vous fait part d’une histoire tragique ? La matière grise adresse les informations et notre organisme lui répond grâce au système nerveux sympathique.
C’est le même mécanisme qui agit lorsque nous ressentons des perceptions concrètes qu’on traduit par des métaphores évocatrices telles que «la boule dans la gorge », «le poids sur la conscience » ou «le cœur léger ».
L’analyse des micro-expressions faciales
Le visage est composé de 43 muscles faciaux qui déterminent environ 10 000 expressions, celui-ci est également connecté à 12 nerfs crâniens. Lorsque les mains touchent le visage, elles ne le font pas par hasard sur telle ou telle zone. En présence, d’une émotion, les nerfs s’activent et les musclent bougent. Quand on est mal à l’aise, nos muscles faciaux émettent des mouvements difficiles à contrôler, il s’agit de micro-expressions, révélatrices de notre état interne.
En cas de forte sensibilité, une lutte neuronale est déclenchée pour contrôler le visage et dissimuler le trouble. Tous les mouvements de notre visage ont été étudiés, analysés et répertoriés dans un système de codage appelé FACS (facial action coding system), mis au point en 1978 par deux psychologues américains, Paul Eckman et Wallace Friesen. Ils ont répertorié chaque activité musculaire avec un numéro précis et identifié 7 expressions universelles : joie, surprise, mépris, tristesse, colère, dégoût, peur.
Entraînez-vous à décrypter les différentes émotions lisibles sur ce visage
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Communication corporelle : étape 2, comprendre les différentes facettes de vos intentions masquées
En para-linguistique, le corps comprend trois niveaux « d’états d’être » qui constituent la communication silencieuse :
- le sentiment, élaboré car la personne a pris le temps de réfléchir à ses ressentis et son être en porte une trace durable.
- l’émotion précède le sentiment, elle est plus fugace, c’est un état interne qui permet de lire notre état de stress ou de bien-être.
- la pulsion liée à l’immédiateté des besoins primaires, elle s’exprime par des mouvements rapides.
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Les micro-mouvements sont la soupape du corps, en corrélation avec les non-dits du cerveau. Les adaptations posturales qui en découlent se déclinent en trois formes distinctes :
- la micro-fixation exprime la concentration, l’être est immobile, totalement happé par l’objet de son attention.
- la micro-caresse révèle les effets de séduction produits par le discours du locuteur, il s’agit d’un signal de bien-être.
- les micro-démangeaisons, signe de travestissement, l’Homme dissimule sa désapprobation ; cela correspond à une réponse sensitive, la vasodilatation des muscles ou parties du corps que nous souhaiterions actionner.
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Le body language : étape 3, s’exercer à déchiffrer vos signaux émotionnels
Il n’est pas envisageable de prendre l’interprétation des mouvements de façon isolée. Hors contexte, il est impossible d’ affirmer qu’ils correspondent strictement à tel ou tel comportement, il s’agit d’une erreur de néophyte. C’est à ce moment qu’intervient ce que l’on nomme le principe du « grand-angle », il est nécessaire de prendre du recul et de coordonner la perception des indices pour en tirer une conclusion.
Prenons l’exemple d’une main posée à plat sur la bouche, ce geste est une micro-fixation, synonyme de concentration, mais aussi signe de rupture. Cependant, avec cette action prise de manière isolée, il est impossible de discerner le motif du désaccord. Plusieurs cas de figure sont envisageables : si notre interlocuteur met sa main à plat sur sa bouche tout en ayant le corps reculé, il se coupe de vous, dans une attitude agressive, il renonce à échanger. A contrario, si l’auditeur est avachi sur sa chaise, les jambes vers l’avant, l’attitude correspond davantage à un état de mépris ou de détachement.
Souvent, pour décrypter les intentions cachées, il faut avant tout se focaliser sur les zones du corps non visibles, par exemple l’orientation des pieds. En effet, la position de ceux-ci trahit la direction dans laquelle on veut aller… Des pieds bien droits et alignés face à son interlocuteur signalent une attitude d’ouverture, tandis qu’un des pieds présentant un angle plus marqué vers l’extérieur symbolise une aversion, une envie de fuite.
Faisons une tentative d’analyse de comportement de fuite ou d’approche. Lors d’un entretien professionnel, il est souvent déconseillé de croiser les bras, cette lecture est erronée, car ce sont plutôt les paumes des mains qui révèlent notre attitude intérieure.
Si les bras croisés avec la paume des mains refermée vers l’intérieur signent effectivement un état de fermeture, les bras croisés avec la paume et les doigts visibles sur les avant-bras déterminent plutôt une attitude d’assurance.
Heureusement, pour rester serein face aux situations éprouvantes et savoir comment diminuer le stress, il existe des astuces à mettre en pratique pour rester zen.
Beaucoup d’expressions populaires ont été construites selon les ressentis du langage non verbal. Lorsque quelqu’un ne veut effectivement pas voir ce qu’il se passe, les yeux démangent réellement alors que ceux qui ne s’entendent pas seront plus enclins à se gratter les oreilles…
En somme, décrypter le langage corporel est une affaire complexe, nécessitant un vaste réseau de connaissances. Il faut parvenir à maîtriser et à associer la psychologie, la sociologie, la neurologie ou encore l’ethnologie.
Il est hasardeux de s’improviser apprenti synergologue après la lecture de quelques articles ou le visionnage de vidéos. Pour mieux comprendre la synergologie : son origine, son utilité, son fonctionnement, vous pouvez approfondir le sujet : ⏩ Le site officiel de la synergologie
L’art de communiquer par l’image de soi remonte à l’antiquité. Au fil des siècles, la maîtrise de cette spécialité en sciences humaines est devenue un fantasme récurrent pour assouvir une quête de toute-puissance envers son prochain. Afin de prédire sans failles les intentions de nos semblables, pour améliorer nos performances communicatives, pour garantir la paix sociale, peut-être que l’intelligence artificielle nous sera-t-elle d’une aide précieuse ?
Corinne GUILLOU, pour e-Writers
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Nicolas, tuteur de formation chez FRW.
Sources :
article : Santé Magazine Comment interpréter le langage corporel ?
vidéo : Dailymotion Quand le corps s’exprime ARTE
livre : La synergologie ; comprendre son interlocuteur à travers sa gestuelle