Nous prenons en moyenne 35 000 décisions par jour dont 99,74 % ne sont pas conscientes. C’est ce que nous révèlent les neurosciences au travers d’une étude de 2017 menée dans 10 pays européens par Lightspeed Research. La conscientisation est une action énergivore pour le cerveau humain, qui, à lui seul, requiert 20 % de notre apport en calories. Ce dernier cherche donc à limiter ses efforts. Décider de mettre un pied devant l’autre pour marcher est, par automatisme, un acte inconscient.  À contrario, lorsque nous sommes confrontés à une situation nouvelle, comme faire un choix « conscient » entre 2 options, nous faisons appel à notre rationalité. Ce processus décisionnel repose sur plusieurs critères pris en considération par différentes zones de notre organe cérébral. Quels sont ces critères et pouvons-nous prendre une décision de manière rationnelle ? Cela serait sans compter sur la puissance des biais cognitifs et de nos systèmes de croyances, traduits par notre langage verbal ; mais aussi sans compter sur la fabrication d’hormones par notre organisme et l’impact de nos émotions.

Comment les biais cognitifs et les systèmes de croyances nous empêchent-ils de prendre une décision de manière rationnelle et comment les détecter ?

Prendre une décision rationnelle-Image à l'envers d'un pont au travers d'une loupe

Un biais cognitif est un mode de pensée, souvent inconscient, dans le traitement d’informations. Construits sur la base de notre carte interne (nos croyances), ces types de jugements sont en fait des raccourcis de la pensée.

Daniel Kahneman, psychologue et prix Nobel d’économie en 2002, parle de 2 systèmes de pensée :

  • le « système 1 » rapide, intuitif et émotionnel ;
  • le « système 2 » plus lent, plus contrôlé et plus logique.

Daniel Kahneman expose les facultés de la pensée rapide mais aussi les conséquences parfois délétères des partis pris cognitifs associés au « système 1 ». Les biais cognitifs ont pourtant leur raison d’être. Ils donnent à notre cerveau la capacité de trier l’information, d’attribuer du sens, de mémoriser l’essentiel et d’agir vite. Les biais cognitifs (sensori-moteurs, attentionnels, mnésiques, de jugement, de raisonnement ou liés à la personnalité) agissent comme des filtres sur la réalité. Ils induisent un mode de pensée, traduit dans notre langage verbal. Notre mental analyse la situation selon ce qu’il sait déjà, ou croit savoir, mais aussi en fonction de qui nous fait plaisir.  La PNL (programmation neurolinguistique) identifie 3 manières de détecter nos biais cognitifs :

La généralisation

C’est le fait de créer des principes ou des règles à partir d’éléments isolés en utilisant des mots comme « tout », « toujours » etc. La citation d’Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour illustre cette définition :

« Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées. »

La généralisation est néanmoins utile au cours de l’apprentissage. Ainsi un enfant s’initie à ouvrir une porte et sera capable ensuite de le faire avec toutes.

L’omission ou la sélection

C’est le fait de se concentrer sur certains aspects de l’expérience en occultant d’autres. Les travaux de Georges Miller de 1956 ont révélé que nous ne pouvions garder notre attention consciente que sur 5 à 9 éléments simultanément. Nous choisissons une petite quantité de renseignements parmi tous ceux disponibles. Nous prêtons intérêt à ce qui nous semble important, et faisons abstraction du reste.

Ainsi, nous aurons tendance à tirer des conclusions hâtives sur l’attitude d’une personne en pensant : « Il ne m’a pas regardé, il est fâché ». L’omission ou la sélection est néanmoins utile pour pouvoir agir rapidement. En triant les données, nous allons à l’essentiel, à ce qui est bon pour nous. C’est un gain de temps, d’efficacité et de confort.

La distorsion

C’est le fait d’établir des liens de cause à effet ou d’équivalence entre les éléments d’une expérience et des règles ou des principes. Ainsi, face à une situation qui nous rappelle une expérience précédente, nous aurons tendance à penser : « Je sais comment cela se passe dans ces cas-là ». La distorsion est pourtant utile dans un processus créatif ou artistique pour imaginer ce qui n’existe pas à partir de ce que l’on connaît.

Comment les hormones et nos émotions nous jouent-elles des tours dans nos prises de décision ?

Prendre une décision rationnelle-Image des circuits électriques de neurones

Une hormone (appelée aussi neurotransmetteur) est une molécule chargée de transmettre des messages (substances) chimiques à notre corps. À chaque expérience vécue, nous attribuons une valeur associée au niveau d’hormones sécrétées. Le mécanisme chimique relie les informations reçues par notre organisme à des valeurs de plaisir ou de rejet, en fonction de nos besoins. Ces besoins primaires (instincts) sont ancrés dans notre biologie : se nourrir, se protéger et se reproduire. Le cerveau reptilien s’assure d’y répondre en produisant des substances agréables. La dépendance addictive à ces neurotransmetteurs biaise l’analyse du néocortex et nous empêche de prendre une décision de manière totalement rationnelle. Notre esprit cherche inconditionnellement à générer les hormones attribuées au plaisir, appelées « hormones du bonheur ». Ces 4 hormones de bien-être sont la dopamine, la sérotonine, l’ocytocine et l’endorphine.

La dopamine

C’est l’hormone du plaisir et de la satisfaction. Une étude de l’Université du Texas à San Antonio (présentée dans les Cell Reports) indique que la dopamine a un rôle clé dans la prise de décision en fonction de la quantité de neurotransmetteurs. Le délai d’attente de la récompense est un critère qui intervient également dans le processus décisionnel. Ainsi, plus le signal suivant la récompense est court, plus la dopamine est importante. « Plus vite, c’est mieux ».

L’ocytocine

C’est l’hormone de l’attachement. L’histoire de l’humanité a démontré que l’union fait la force. De tout temps, on constate que les perspectives de survie augmentent lorsque nous nous regroupons. Tisser des liens avec les autres provoque le sentiment d’appartenance en associant des sensations agréables à la production d’ocytocine par notre cerveau. « Ensemble, on est plus fort. »

La sérotonine

C’est l’hormone de l’ego et de la reconnaissance. L’évolution de l’humanité nous a amenés à penser que la prédominance sociale contribue au succès de la reproduction. L’effet « chef de meute » : pour plaire, il faut se démarquer. En produisant de la sérotonine, le cerveau nous informe que notre instinct de reproduction est comblé. « Par le pouvoir, j’existe ».

L’endorphine

C’est l’hormone du plaisir après la difficulté, la douleur ou la peur. L’efficacité anxiolytique de l’endorphine est reconnue. Ce neurotransmetteur possède également des propriétés antalgiques en bloquant les signaux d’inconfort. L’endorphine masque la souffrance pendant un bref moment, ce qui contribue à la survie en occultant le ressenti douloureux, le temps de se mettre à l’abri. « Après l’effort, le réconfort ».

Prendre une décision rationnelle-Image d'émoticônes sur les différentes émotions

Les hormones sont ainsi les messagères de nos émotions. Ces dernières sont des états réponses à un élément déclencheur (une réaction face à une situation). Elles sont le fruit de l’analyse effectuée souvent de manière inconsciente par le cerveau limbique. Elles ont une mission importante dans le processus de décision, qui peut être très court et devancer la réflexion rationnelle du néocortex. Antonio Damasio dans son livre L’Erreur de Descartes, la raison des émotions indique que les émotions font partie des fonctions cognitives. Le raisonnement et la prise de décision ne peuvent pas se faire sans elles. Daniel Kahneman explique également le rôle de l’émotion dans nos choix et nos jugements. Il parle de leur puissance dans notre capacité d’adhésion à une décision et de motivation dans le passage à l’action.

👍Si vous souhaitez en savoir davantage au sujet des émotions, voici un article sur les émotions dites « désagréables ».

Prendre une décision rationnelle-Image d'un mur avec 2 affiches YES et NO

👉A retenir : nous pouvons comprendre que notre mental rationnel logé dans le néocortex n’est pas le seul acteur dans le processus qui nous amène à prendre une décision. Nos systèmes de croyances construisent notre réalité. Les biais cognitifs associés influencent notre vision personnelle, qui ne saurait être identique à celle d’autrui. Les hormones, quant à elles, sont le résultat chimique provoquant une réaction émotionnelle de notre cerveau limbique. Celui-ci a pour objectif de répondre aux besoins primaires du cerveau reptilien en nous permettant de ressentir ce qui est bon pour nous.

Blaise Pascal, bien avant les neurosciences, faisait déjà référence à ce concept de l’influence des émotions dans l’aphorisme philosophique de son ouvrage Pensées :

« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. »

💡La bonne nouvelle est qu’il existe néanmoins des principes qui peuvent nous aider à faire appel à un maximum de rationalité lors de décisions importantes :

  • envisager toutes les options possibles et mesurer les conséquences de chacune;
  • ressentir ce que la décision va induire pour soi;
  • prendre du recul avant de décider;
  • laisser passer une bonne nuit de sommeil.

👍Si vous avez aimé cet article, pensez à le partager.

Carole Landelle pour e-Writers

Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW

Article relu par Nicolas, tuteur de formation chez FRW

BIBLIOGRAPHIE & SOURCES :

Kahneman (2011), Système 1, Système 2 : les deux vitesses de la pensée, Flammarion.

Damasio (1994), L’Erreur de Descartes, la raison des émotions, Odile Jacob.

Biais cognitifs : comment notre cerveau nous manipule-t-il ? – Sciences et Avenir

The 5 Biggest Biases That Affect Decision-Making (neuroleadership.com)

PRISE de DÉCISION : La dopamine, hormone de l’impatience | santé log (santelog.com)

https://popsciences.universite-lyon.fr/le_mag/ce-que-nos-decisions-doivent-a-nos-emotions/