Les enfants s’étonnent sans cesse face au monde qui les entoure en se posant toutes sortes de questions, parfois métaphysiques ! Vous arrive-t-il d’être décontenancé par l’acuité de certaines interrogations enfantines ? J’étais où avant de naître ? C’est quoi être normal ? Eh oui, ces philosophes en herbe expriment, à leur manière, un besoin profond de réflexion et de compréhension ! Justement, la philosophie dès l’enfance offre un cadre idéal pour étayer ces questionnements universels et faire naître des réponses empreintes de sagesse. Bien sûr, il ne s’agit pas d’étudier Socrate ou encore Nietzsche, mais plutôt d’éveiller la pensée réflexive grâce à la parole, à l’écoute et au débat d’idées. Envie d’en savoir plus sur cette pratique éducative où réfléchir rime avec grandir ? Voici 4 bonnes raisons de philosopher avec les enfants !

🎦 La philosophie, c’est quoi ? La parole aux Petites Lumières.

1. Stimuler le questionnement et la réflexion naissante des plus petits

Aristote nous dit : « L’étonnement, c’est le commencement de la philosophie ». Dès l’âge de 3 ans, nos bouts de chou s’émerveillent en passant par l’observation et le questionnement ! Ensuite, vers l’âge de raison, 6-7 ans, nos bambins commencent à développer une pensée abstraite, un raisonnement plus structuré et une meilleure capacité à argumenter.

Mais cette curiosité mérite d’être saisie pour permettre à ces regards neufs d’avancer sur certaines grandes questions de la vie. À cet égard, la philosophie pour les plus jeunes s’inscrit pleinement dans cette démarche. Car, l’idée n’est pas d’apprendre la philosophie, mais bien d’apprendre à philosopher avec les enfants, c’est-à-dire :

  • entamer une discussion ;
  • s’interroger sur des problématiques essentielles ;
  • réfléchir sur son rapport au monde, aux autres et à soi-même.

De cette façon, nos petits esprits curieux découvrent le plaisir de penser par et pour eux-mêmes à travers trois processus de réflexion exigeants.

  • La conceptualisation : définir des notions abstraites. « Qu’est-ce que tu entends par liberté ? ».
  • La problématisation : remettre en question certaines affirmations pour soulever leur complexité. « Est-ce que c’est toujours vrai ? ».
  • L’argumentation : illustrer, démontrer, expliquer. « Peux-tu donner un exemple, un contre-exemple ? ».

Alors, oui ! Cette science humaine permet à nos enfants de construire une pensée complexe et d’installer durablement leurs habiletés de réflexion.

2. Développer la pensée critique et l’ouverture d’esprit de l’enfance à l’adolescence

Penser de façon critique et nuancée signifie être en mesure de démêler le vrai du faux.

En ce sens, les ateliers-philo se révèlent particulièrement utiles, car ils permettent de vivre l’expérience du débat et d’exercer sa capacité de discernement. Véritables oasis de pensée, chacun y exprime ses idées, les remet en question, et les enrichit de l’expérience des autres à travers les échanges. Et les enfants adorent débattre sur un thème, l’approfondir et le triturer dans tous les sens pour tenter de mieux le comprendre.

En philosophie, on cultive l’art du doute ainsi que la différence entre croire et savoir. Des notions essentielles dans une société où les fake news, informations parcellaires ou théories du complot pullulent. Notre monde a besoin d’individus capables d’opposer une résistance à la pensée toute faite et de faire preuve d’autonomie intellectuelle face à l’obscurantisme.

En définitive, en jouant avec les « si… », les préjugés, les utopies, les alternatives, nos petits raisonneurs délaissent leurs écrans pour aiguiser leur sens critique tout en apprenant le dialogue et la tolérance !

💡 Pour en savoir plus sur les effets néfastes des écrans : comprendre les risques pour mieux les éviter

Affiche PhiloJeunes : éducation aux valeurs démocratiques grâce au dialogue philosophique de 5 à 16 ans.

Le projet PhiloJeunes : comment la philosophie constitue-t-elle une école de liberté. Source : Chaire UNESCO

3. Favoriser l’écoute et le respect grâce à la philosophie dès l’enfance

Ces espaces-temps dédiés à l’expression des plus jeunes s’organisent principalement en groupe sous l’œil bienveillant d’un adulte. Avec, au programme, des attitudes positives à cultiver :

  • l’empathie et la collaboration ;
  • la qualité de l’écoute et de l’attention ;
  • l’acceptation de l’autre dans sa différence.

De cette manière, la petite assemblée installée le plus souvent en cercle de parole devient une agora démocratique. Philosopher avec les enfants c’est aussi respecter une « éthique de la discussion » :

  • demander la parole ;
  • accueillir les émotions sans jugement ;
  • écouter les autres sans se moquer ;
  • donner la priorité à celui qui ne s’est pas encore exprimé ;
  • accepter de ne pas être d’accord avec les autres ;
  • apprendre des différences ;
  • s’en tenir au thème.

Chaque participant a le droit de dire ce qu’il pense et l’on ne coupe pas la parole. On n’affirme pas : « c’est faux », mais plutôt « je ne suis pas d’accord avec toi ». Chacun prend conscience que sa parole a de l’importance, au même titre que celle des autres, et que son point de vue n’est pas universel.

Vous l’avez compris, le savoir-être et vivre ensemble sont au cœur des compétences visées par l’exercice de cette discipline aussi inspirante que rigoureuse !

« Nous devons enseigner aux enfants comment penser, et non quoi penser. »
Margaret Mead

4. Renforcer la confiance et l’estime de soi des acteurs de demain

L’éveil précoce à la philosophie permet de se construire comme un être singulier, à la fois unique et semblable. Voilà pourquoi, en donnant du sens à ce qu’ils sont et ce qu’ils font, les jeunes esprits s’épanouissent progressivement et développent une meilleure :

  • connaissance d’eux-mêmes ;
  • confiance en eux ;
  • éloquence et capacité à communiquer.

L’enfant, reconnu comme un interlocuteur valable, se sent valorisé auprès de ses pairs et des adultes. Cela renforce sa confiance et ses facultés contributives. Ces petits orateurs, y compris les plus timides, en prenant la parole en public gagnent en assurance et en maturité. Sans compter qu’ils affinent leur langage et enrichissent leur vocabulaire.

Par ailleurs, nos débatteurs nourris par tous ces échanges adoptent les bases d’une communication sans violence. Ensemble, ils bâtissent une relation saine et constructive laissant de côté toutes idées de compétition ou de domination.

Enfin, nos apprentis penseurs profitent de ces moments privilégiés pour se forger leur identité et affirmer leur personnalité en déterminant ce qu’ils aiment et ce qui les anime.

💡 Soyez curieux ! Lisez cet article sur la parentalité positive : comment éduquer nos enfants sans cris ni violence ?

 

Philosopher avec les enfants : petit bonus

Qui a eu cette idée folle d’inviter la philo à l’école ? Retour aux origines

Tout commence dans les années 70 grâce aux travaux du philosophe américain Matthew Lipman (1923-2010). Persuadé que l’éducation doit contribuer à l’émergence d’une société meilleure, le pédagogue élabore un programme pour apprendre aux enfants à penser en créant les Communautés de Recherche Philosophique (C.R.P.).

Figure : les communautés de recherche philosophique de Matthew Lipman.

Les communautés de recherche philosophique. Source : philoenfant.org

Autrement dit, une méthode qui entend développer une pensée à la fois critique, attentive et créatrice.

Ainsi, la philosophie remaniée pour les enfants voit le jour et, avec elle, un mouvement éducatif adopté dans les écoles du monde entier. Aujourd’hui, la philosophie dès l’enfance est préconisée dans certains programmes pédagogiques et proposée par l’ONU pour l’éducation à l’horizon 2030.

Rien d’étonnant à ce qu’une chaire UNESCO « Pratiques de la philosophie avec les enfants : une base éducative pour le dialogue interculturel et la transformation sociale » existe depuis 2016. Edwige Chirouter, maîtresse de conférences à l’Université de Nantes et titulaire de la chaire, nous en parle sur le site créé par l’UNESCO.

« Il ne faut pas seulement lire des livres pour endormir les enfants le soir, mais aussi pour les réveiller le matin. »
Philippe Corentin

Quels outils pour philosopher dès le plus jeune âge ? Aperçu d’un immense potentiel

Couverture de l'album Jean de la Lune de Tomi Ungerer, philosopher avec les enfants grâce à la littérature de jeunesse.

« Pourquoi a-t-on parfois peur des gens différents ? » Tomi Ungerer, Jean de la Lune, l’école des loisirs

 

➡️ Des histoires pour penser !

Vous trouverez dans la littérature de jeunesse un formidable support inducteur pour philosopher avec les enfants, petits-enfants, écoliers ou collégiens ! Tous les grands concepts philosophiques y sont incarnés dans des histoires aussi subtiles que profondes.

Tout d’abord, les récits (albums, romans, poésie, mythes, contes ou fables) avec des auteurs jeunesse prolifiques tels que Tomi Ungerer, Claude Ponti, Maurice Sendak, Anthony Browne ou encore Grégoire Solotareff.

Ensuite, les ouvrages entre le récit et le manuel, par exemple, Les Philo–fables aux éditions Albin Michel ou Les petits albums de philosophie, aux éditions Autrement.

Enfin, les « manuels » pour pratiquer la philo, comme la collection Goûters Philo, chez Milan ou Les petits Platons, chez les petits Platons.

À vous de choisir parmi les ressources pédagogiques foisonnantes à votre disposition.

💡 À lire aussi : Apprendre à lire en maternelle : la mise en place d’une pédagogie innovante

 

➡️ Des ateliers ou goûters philo pour faire naître des idées !

Ces dernières décennies, les ateliers philo de 4 à 17 ans se démocratisent un peu partout dans les écoles, les médiathèques, les bibliothèques, les associations culturelles, etc.

L’association SEVE a déjà formé 4 000 animateurs répartis à travers quatorze antennes sur tout l’Hexagone. Son fondateur Frédéric Lenoir, auteur de l’ouvrage Philosopher et méditer avec les enfants, milite pour la généralisation de cette pratique dès le primaire.

Le projet Les Petites Lumières créé en 2014 par Chiara Pastorini a initié plus de 15 000 enfants et adolescents à la philosophie ! Sa méthode associe la pratique très interactive de l’échange à une activité artistique, mais aussi à des références philosophiques classiques.

Outre la lecture, les supports pour débattre abondent : une image, une vidéo, une affiche, mais aussi à partir d’un fait, d’une question philosophique, d’un dilemme moral, etc. Les formes d’expression aussi ! Les éducateurs peuvent choisir d’aborder les thèmes de façon plus ludique (le jeu, les arts plastiques, le théâtre…). Bref ! Tout est ouvert, vivant, mais aussi construit et réfléchi avec madame Philosophie !

 

Les ateliers philo-art des Petites Lumières avec Chiara Pastorini, comment philosopher avec les enfants

L’atelier philo-art des Petites Lumières. Source : labophilo.fr

🎞️ Pour aller plus loin : un documentaire sur la pratique philosophique en maternelle : Ce n’est qu’un début 👉  la bande-annonce 👈

 

 

« L’imagination est-elle si grande que ça ? », « Pourquoi la vie est-elle cruelle ? », « Est-ce qu’on existe parce qu’on a une mission ? ». De nombreuses questions d’enfants attestent de leur capacité à entrer dans la philosophie, mais aussi à s’émanciper dans une discipline aux multiples vertus. Alors, philosopher avec les enfants, qu’en pensez-vous ? Pourquoi attendre ? Initions-les le plus tôt possible à la pratique philosophique pour encourager l’émergence d’une citoyenneté éclairée ! Donnons aux futurs adultes le temps et l’espace pour mieux penser et donc mieux agir !

💡 Cet article pourrait aussi vous intéresser : Mission détente avec les enfants : 4 activités simples

 

Célia Boccaccini pour e-Writers.

Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.

Article relu par Bérénice, tutrice de formation chez FRW.

Sources :

https://chaireunescophiloenfants.univ-nantes.fr

https://www.philotozzi.com/

https://www.philoenfant.org