Vous est-il déjà arrivé d’entendre un mot étranger s’imposer dans le langage courant ? Qu’ils évoquent un sentiment complexe ou une conception propre à chaque culture, certains mots n’ont pas d’équivalent d’un pays à l’autre. Ils dévoilent la manière dont les différentes sociétés abordent la sérénité, la philosophie de vie ou encore le passage du temps. Partez à la rencontre des secrets de ces mots intraduisibles dans cet article !
Les expressions scandinaves et japonaises d’une sérénité intemporelle
Le bien-être s’élève au rang d’art de vivre
Les terres scandinaves, souvent citées parmi les plus heureuses au monde, trouvent dans leur vision du bien-être une des clés de leur sérénité. Le hygge, centré sur la simplicité et l’intimité, guide la vie des Danois. Ce qui compte, c’est d’être entouré de ses proches dans une ambiance chaleureuse, en se réconfortant à la lueur d’une bougie. Avec le lagom, Les Suédois recherchent l’approche la plus équilibrée dans tous les aspects de leur existence. C’est un style de vie qui prône le « ni trop, ni trop peu ». Cela peut se traduire, par exemple, par une consommation raisonnée d’objets ou encore, par des interactions brèves mais efficaces.
De même, le Japon accorde une place importante au bien-être par le biais de l’ikigai, une profonde quête de sens. Plus précisément, le concept est originaire de l’île d’Okinawa. Cet endroit est réputé pour être une des cinq zones bleues, ces régions du monde qui comptent le plus de centenaires. C’est une méthode qui a pour but de définir sa raison d’être. Pour le découvrir, il suffit de croiser trois éléments : ce qui vous passionne, ce qui est utile aux autres, et ce qui subviendra à vos besoins. Quand ces trois cercles s’unissent, alors vous obtenez l’essence de votre ikigai !
Renouer avec la nature grâce à des concepts inspirants
Les Suédois célèbrent le rituel du gökotta, une coutume matinale qui invite à se lever dès l’aube pour écouter le chant des oiseaux. Cette habitude leur permet de démarrer la journée sur une note inspirante qui procure une bonne dose d’énergie ! Néanmoins, ils ne sont pas les seuls à apprécier ces balades dans la nature. Du côté du Japon, elles sont aussi propices à la contemplation du komorebi, cet instant où la lumière du soleil filtre délicatement à travers les feuilles des arbres.
Loin de cette quiétude, les Norvégiens ont choisi une autre manière de vivre l’harmonie avec la nature. Ils ont en effet adopté le friluftsliv, que l’on pourrait traduire par « la vie au grand air ». Il s’agit de pratiquer un maximum d’activités en plein air, de sortir de chez soi au quotidien, tout en respectant l’environnement. Le principe est tellement ancré dans leur mode de vie qu’il est enseigné de la crèche à l’université !
Les mots intraduisibles : une fenêtre ouverte sur les philosophies de vie
Des concepts empreints de sagesse qui dépassent les frontières
C’est à nouveau dans la culture japonaise que l’on identifie des notions impossibles à traduire, cette fois à propos de la sagesse. Le Wabi Sabi voit l’esthétique dans l’imperfection et l’éphémère. C’est dans cette philosophie que s’inscrit le kintsugi, une méthode qui sublime les porcelaines et les céramiques cassées grâce à de la poudre d’or. L’important est de réparer les objets. Dans le même registre, il existe une notion japonaise pour exprimer un sentiment de regret lié au gaspillage alimentaire : mottainai. Ces pratiques soulignent la volonté de préserver les ressources.
La sagesse résonne également dans la philosophie africaine de l’ubuntu, un terme bantou. D’abord popularisée par Nelson Mandela, Desmond Tutu en a donné sa définition : « Quelqu’un d’ubuntu est ouvert et disponible pour les autres […] car il ou elle possède sa propre estime de soi, qui vient de la connaissance qu’il ou elle a d’appartenir à quelque chose de plus grand. Il se sent diminué quand les autres sont diminués ou humiliés, quand les autres sont torturés ou opprimés. » Cette philosophie humaniste prône la connexion entre les individus et l’importance de l’empathie.
Enfin, les contrastes entre les approches occidentales et orientales de la joie révèlent des nuances intéressantes. Alors que la schadenfreude allemande évoque une satisfaction teintée de jalousie face au malheur d’autrui, le concept de muditā, issu de la langue pāli, incarne une joie purement désintéressée, ressentie devant le bonheur des autres. Cette dernière, considérée comme l’une des quatre qualités suprêmes du bouddhisme, inspire un idéal de bienveillance universelle.
Les mots qui symbolisent l’indescriptible
Le mot portugais saudade évoque un sentiment mêlant, entre autres, nostalgie et espoir d’un avenir meilleur. Ce mot intraduisible est largement considéré comme l’un des plus complexes. Au-delà d’un simple regard sur le passé, cette douce mélancolie devient une émotion enveloppante, teintée de poésie. La saudade s’exprime notamment dans le fado, genre musical typiquement portugais. Chaque note sert le récit des douleurs, des amours perdues et des rêves inaccessibles.
Cette danse entre les émotions ne se limite pas à un seul coin du globe. Lors d’un voyage, avez-vous déjà ressenti ce décalage perturbant avec le pays que vous visitiez ? Cette perte de repères paraît irréelle et vient se confondre avec l’excitation de l’inconnu. C’est ce que nous appelons en français le dépaysement, un terme dont on ne perçoit pas d’équivalence dans d’autres langues. Au contraire, les allemands traduisent une tout autre facette du voyage. Ils qualifient de fernweh une irrépressible envie de voyager, presque un « mal du lointain ». Cette soif de découverte provoque un petit pincement au cœur.
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L’écoulement du temps capturé par des formules uniques
Moments de partage et de convivialité autour de la gastronomie
Dans le sud de l’Europe, certaines expressions illustrent l’art de faire bonne chère tout en profitant de l’instant présent. L’abbiocco, en Italie, désigne une sorte de somnolence agréable après un repas copieux partagé en famille ou entre amis. Ce n’est pas une simple fatigue soudaine, mais un état de plénitude après un festin. Dans le même esprit, en Espagne, c’est le concept de sobremesa qui prolonge l’expérience. Il est utilisé pour nommer le temps passé à converser à table après avoir fini de manger.
Cependant, l’importance de se rassembler et des plaisirs de la table ne se cantonne pas à la Méditerrannée. Les Suédois chérissent le fika. Bien plus qu’une simple pause-café, c’est une parenthèse de détente et de discussion. L’aspect social a autant d’importance que la brioche à la cannelle qui accompagne le café. Le fika fait partie intégrante de leur culture, si bien qu’il est institué dans la routine de travail. Les Néerlandais s’attachent, quant à eux, à cultiver la convivialité avec le gezelligheid, une philosophie axée, elle aussi, sur la sociabilité. Que ce soit pour savourer un repas, participer à des jeux, ou tout simplement profiter de la compagnie de ses proches, cette tradition vénère les événements chaleureux et collectifs.
Des nuances révélant diverses perspectives sur les loisirs
Vous connaissez ce stress de ne pas pouvoir faire tout ce que vous voulez de votre temps libre ? Nos voisins allemands ont imaginé le freizeitstress pour nommer cette idée paradoxale. Cette expression sans équivalent reflète la pression de vouloir optimiser chaque moment de détente, au risque de ressentir de la frustration en renonçant à certains loisirs.
Le Japon offre également des termes originaux liés au rapport aux loisirs. Tsundoku désigne cette tendance à accumuler les livres avant même d’avoir pu lire ceux que vous possédez déjà. C’est une version poétique de notre « pile à lire ». Cette image traduit l’amour des livres autant qu’elle interroge sur le besoin de consommation.
Enfin, dans une perspective ludique, Adam Jacot de Boinod publie en 2005 The Meaning of Tingo. Il y compile tout un lexique de mots sans équivalents dans d’autres cultures. L’un des mots phares de son ouvrage, tingo, provient de la langue de l’île de Pâques. Il signifie « emprunter les affaires d’un ami jusqu’à ce qu’il n’ait plus rien ». Ce comportement témoigne d’un lien d’affection et de confiance, où le partage prime la possession.
Les mots intraduisibles peuvent faire appel à des sentiments universels ou bien révéler des visions du monde très différentes. Ils témoignent de la richesse des langues et peuvent permettre de mieux les appréhender.
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Sources :
- Rapport mondial sur le bonheur
- Lexique du Dr Tim Lomas
- https://www.geo.fr/voyage/en-quoi-consiste-le-friluftsliv-cette-expression-qui-designe-la-passion-norvegienne-pour-la-vie-au-grand-air-212229
- https://www.courrierinternational.com/article/indefinissable-au-portugal-le-mot-saudade-plus-vivant-que-jamais
- https://www.geo.fr/voyage/tsundoku-komorebi-kawaakari-15-mots-japonais-intraduisibles-203581
- https://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/08/03/etes-vous-ubuntu-un-peu-beaucoup-passionnement_4709614_3212.html
Crédit photo : Pixabay
Apolline Paing, pour e-Writers
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Cécile, tutrice de formation chez FRW.