Symphonique, lyrique, complexe : tous ces mots sont rarement associés au rock. « Mais ça, c’était avant », avant le rock progressif. Débarquée à la fin des années 60, cette musique a partagé le devant de la scène avec ses cousins hard rock et pop-rock pendant une quinzaine d’années. Comment cet OVNI de la pop a-t-il vu le jour ? Qu’est-ce qui a fait le succès de ce style si particulier, que certains appelaient « art rock » ? Comment se fait-il que le « prog » ait disparu du jour au lendemain ? À la fin de cet article,  tout cela n’aura plus de secrets pour vous.

Le fils spirituel du rock psychédélique

essprit rock psychédélique

Nous sommes au milieu des années 60. Le rock psychédélique commence à se populariser notamment grâce à la scène californienne (Grateful Dead, Jefferson Airplane ou les Doors).

Pet Sounds et Sergeant Pepper’s Lonely Hearts Club Band : les deux chefs-d’œuvre du rock psychédélique

Mai 1966 : les Beach Boys sortent Pet Sounds. Cet album avant-gardiste est tellement ambitieux, qu’il est assimilé à de la musique baroque.

De leur côté, les Beatles jouent leur dernier concert le 29 août 1966 à San Francisco, épuisés par l’hystérie accompagnant leurs passages sur scène. Les voilà donc affranchis de la contrainte de devoir composer des chansons interprétables en public. Leur créativité ne connaît alors plus de limites, donnant lieu à plusieurs albums incroyablement inventifs.

Le premier de cette série sort le 1er juin 1967 : Sergeant Pepper’s Lonely Heart Club Band.

Avec ce disque, tous les codes de l’industrie musicale volent en éclats. Désormais, la pop entre dans une nouvelle dimension en racontant une histoire et en partageant un univers (Sergeant Pepper est probablement le premier album concept).

Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band, c’est l’idée du concept avant que l’expression album concept ne devienne une insulte. On s’installait pour l’écouter en se disant : « Pendant cinquante minutes, je vais partir ailleurs ». De ce point de vue-là, c’était très nouveau.
(Phil Collins, 1991)

En intégrant différents types de cultures et d’instruments (indiens notamment), les Beatles affirment également leur volonté d’associer au rock d’autres styles musicaux.

Ces deux albums vont être une source d’inspiration intarissable.

La naissance du prog rock

Dès lors, la création musicale entre dans une ère nouvelle. Des artistes aussi novateurs que Frank Zappa ou Procol Harum se révèlent au grand public. Chacun apporte sa pierre à l’édifice de la musique rock (le jazz pour le premier, le lyrisme du classique pour les seconds).

L’âge d’or d’un nouveau genre musical appelé rock progressif arrive à grands pas . Et comme un symbole pour proclamer cet avènement, le 10 octobre 1969, sort  In the Court of the Crimson King, souvent considéré comme un des albums fondateurs du genre.

Les 8 caractéristiques du style si atypique du rock progressif

image concert progAvant d’être un style, le « prog » est une manière de concevoir la musique. En voici les 8 ingrédients principaux.

1. Mélange des influences musicales

À l’instar de leurs précurseurs, beaucoup d’artistes du rock progressif ont intégré des styles très différents à leur musique : du classique pour les Moody Blues jusqu’au free jazz pour King Crimson, en passant par la musique médiévale pour Gentle Giant.

Vous souhaitez apprendre à jouer d’un instrument (sachez qu’il n’est jamais trop tard, cet article va vous le prouver) ? Alors je vous conseille de vous dégourdir les doigts sur le répertoire prog. C’est le meilleur moyen d’élargir votre palette musicale.

2. Utilisation d’instruments inhabituels pour la musique rock

Ce qui est sûr, c’est que l’on sort du traditionnel combo guitare-basse-batterie ! De la flûte traversière, présente sur les premiers albums de Genesis aux synthétiseurs les plus perfectionnés de Pink Floyd, tout est prévu pour surprendre l’auditeur.

3. Compositions affranchies du traditionnel couplet-refrain

Si vous écoutez des albums de rock progressif, attendez-vous à être surpris par les structures des chansons. Longues plages instrumentales (sur lesquelles vous pourrez écouter les plus grands solos de guitare électrique) et enchaînements harmoniques improbables sont monnaie courante.

4. Musiques avec changements de rythme

Il est fréquent d’avoir affaire à plusieurs structures rythmiques au cours d’une même chanson. Regardez cette version live de Dancing with the moonlit knight. Elle vous donnera une idée de ce que ça rend…

5. Chansons interminables

Mais que faites-vous du traditionnel format radio de 3 minutes ? C’est la question qu’on aimerait poser à Peter Gabriel, ancien chanteur de Genesis, et compositeur de Supper’s ready (22 min 58) ou aux Pink Floyd pour Echoes  (23 min 32).

Cela dit, si l’on en croit beaucoup d’études à propos des bienfaits de la musique sur la santé, écouter ce genre de morceaux n’est pas du tout une perte de temps. Voyez plutôt ça comme une triple dose de musicothérapie !

6. Vision artistique dépassant le cadre musical

Souvent qualifié de musique intello , le prog rock fait parfois allusion à la littérature. Ainsi, l’album Animals de Pink Floyd est un clin d’œil à La Ferme des animaux de George Orwell. La chanson Advent of Panurge de Gentle Giant, quant à elle, évoque Pantagruel et Gargantua de Rabelais.

image qui donne une bonne idée de l'importance accordée aux visuels dans le rock progressif

L’aspect visuel est également très soigné chez les artistes du genre. Quelques pochettes d’albums comme celle de In the court of  the Crimson King, à votre droite, sont des références dans la culture pop.

7. Mesures parfois complexes

Vous cherchez un tube qui ne se joue pas en 4/4 ? Allez donc fouiller dans la discographie du rock progressif. Avec Money de Pink Floyd, ou encore Solsbury hill de Peter Gabriel, toutes deux en 7/4, vous trouverez votre bonheur.

8. Albums concept

Dans la lignée de Sergeant Pepper’s Lonely Hearts Club Band, la plupart des artistes prog se sont approprié le modèle. Il est pratiquement devenu une norme de ce style musical avec des références du genre telles que Thick as a brick de Jethro Tull ou The Wall de Pink Floyd.

Ces huit ingrédients clés peuvent être déroutants. C’est pourquoi je vous recommande ceci : choisissez un disque parmi cette liste des 50 meilleurs albums de rock progressif que vous ne connaissez pas et écoutez-le trois fois. C’est à ce prix que vous l’apprécierez à sa juste valeur.

Un mouvement majeur de la culture rock des seventies

33 tours années 70

Au cours des années 70, beaucoup de groupes anglais enregistrent les meilleurs albums du rock progressif : Close to The Edge de Yes, Red de King Crimson, sans oublier The Dark Side of the Moon. Sorti en 1973, ce bijou de Pink Floyd reste à ce jour le troisième disque le plus vendu dans le monde. Il incarne à lui tout seul l’apogée de ce style.

L’autre pays du rock progressif

Si le « prog » doit surtout son succès aux artistes anglais, l’Allemagne connaît aussi en engouement pour le genre appelé là-bas « Krautrock ».

Les chefs de file de ce mouvement sont Tangerine Dream et Kraftwerk. Leur musique est souvent instrumentale et électronique.

En France, seuls trois groupes de ce style ont connu le succès : Ange, Magma et TaÏ Phong, formation dans laquelle a joué un certain Jean-Jacques Goldman.

Une influence dépassant la scène prog

Vous avez déjà entendu Stairway to heaven de Led Zeppelin ou Bohemian Rhapsody de Queen ?  Ces deux chansons, comptant parmi les meilleures de tous les temps, ont certes été composées par des groupes assimilés à d’autres styles.

Toutefois, vous avez là deux classiques du rock :

  • dépassant allègrement les 5 minutes ;
  • mélangeant plusieurs styles ;
  • présentant une structure avec plusieurs changements de rythme et sans alternance couplet-refrain.

N’y aurait-il pas là les ingrédients d’un bon morceau de rock progressif ? L’exemple de ces deux tubes planétaires vous donne une idée de l’impact de ce genre musical à l’époque.

Un style musical condamné par les codes de l’industrie du disque

À l’aube des années 80, le monde de la pop est en plein changement. Après le punk, voici le temps de la new wave et du rock FM.

Sale temps pour le rock progressif

Jamais l’industrie du disque n’aura été aussi florissante, au point de devenir toute-puissante. Le format radio devient la norme. Avec lui, tout l’esprit subversif des seventies est mis à mal. Voici le temps des compositions calibrées sur mesure pour les premières places des hit-parades.

Déjà affaibli  par la déferlante punk, le style prog ne se remettra pas des diktats de l’industrie musicale de l’époque. Ceux-ci vont trop à l’encontre de son esprit. Les années 80 proclament donc la fin de cette musique devenue brutalement indésirable.

Vers un second souffle ?

Quelques dinosaures du genre parviendront néanmoins à survivre.  Ils le devront à leur notoriété, mais aussi à quelques concessions faites aux grosses majors (entendez quelques tournées à guichets fermés ou quelques tubes bankables tels que Land of confusion ou Sledgehammer).

Pendant ce temps, le néo-prog et le metal progressif débarquent sur la scène musicale.  Ces deux styles se revendiquent comme les descendants du rock progressif. Néanmoins, ils n’ont jamais connu le succès de leur illustre aîné.

Le prog s’en est donc allé, faute de dignes successeurs. Pour autant, la discographie de ce genre unique vous est toujours accessible. Que ce soit en MP3, ou dans un vide-greniers près de chez vous, l’héritage du rock progressif est à portée de main.
Ainsi, les plus nostalgiques pourront toujours se passer un bon vieil album de Yes ou de King Crimson en se disant : « ça, c’était de la musique ! » Et pour vous, rêvant de réveiller votre « Phil Collins intérieur », apprenez avec cet article  comment bien chanter. Quant à ceux qui partent de vraiment loin, ils peuvent aussi découvrir comment progresser rapidement en intégrant une chorale.

Sources :
Vidéo de la chaîne YouTube Vague Noire « le Rock Progressif | Partie 1 : La Génèse »
Le site internet passionprogressive.fr
Ma passion et ma curiosité inaltérables pour la musique rock des années 70

Philippe Navarro, pour e-writers.
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Charlotte, tutrice de formation chez FRW.