Passer sous une échelle vous angoisse ? Selon une étude IFOP de 2022, plus de la moitié des français seraient superstitieux. Le monde du spectacle vivant ne fait pas exception. Qu’il s’agisse de conjurer le mauvais sort ou d’attirer la bonne fortune, il existe de nombreuses superstitions au théâtre, sur scène comme en coulisses. Fruits de l’histoire, ces croyances et rituels spécifiques trouvent souvent leur origine dans des réalités anciennes. Découvrez six erreurs à ne pas commettre pour éviter d’être chat noir dans une salle de spectacle !
1- Souhaiter « bonne chance » à un comédien
Rien de mieux pour miner le moral d’artistes de théâtre que de leur adresser un « bonne chance » avant leur entrée en scène. En effet, cette formule d’encouragement, apparemment anodine et pleine de bons sentiments, porterait malheur.
Mais alors que dire ? Optez donc pour un tonitruant « Merde ! », qui ravira son ou sa destinataire. Cette surprenante tradition remonte au 19e siècle. Les spectateurs arrivaient alors en voitures à cheval. Ainsi, plus la pièce avait du succès, plus les calèches étaient nombreuses à stationner dans la rue. Voir le crottin s’amonceler était donc un très bon signe.
Même si le public a depuis longtemps délaissé les diligences, souhaiter symboliquement à une troupe de théâtre le maximum d’excréments possible est toujours reçu comme un excellent présage. Mais ne vous attendez pas à ce que l’on vous en remercie, car cela risquerait de briser la spirale positive et de convoquer le mauvais œil.
2- Dire « corde » dans un théâtre
Cet interdit trouve sa source dans le domaine de la navigation. Aux 18e et 19e siècles, il devint en effet courant de recruter d’anciens marins aux postes de machinistes de spectacle. On actionnait alors les lourds mécanismes de changements de décor à la main grâce à des systèmes de poulies. Les hommes d’équipage en quête de reconversion, habitués à cet exercice à force de hisser les voiles, réalisaient parfaitement ce travail. Ils apportèrent là les superstitions de leur ancien métier, où le mot « corde » était banni.
Sur un bateau, les cordages sont nombreux et portent chacun un nom particulier : on parle de drisse, d’écoute, de filin. On ne qualifiait de « corde » que ceux utilisés pour pendre les mutins et sonner la cloche pour les marins défunts. On comprend aisément que ce mot, synonyme de mort, ait été blacklisté.
Si toutefois il venait à vous échapper, vous devriez offrir une tournée à toute la troupe ! Cela dit, déguster du vin blanc en bonne compagnie est une sanction plus que supportable.
3- Siffler lors d’une représentation théâtrale
La croyance selon laquelle siffler dans un théâtre porterait malheur renvoie elle aussi à l’univers de la mer. Devenus machinistes, les marins conservèrent l’habitude de communiquer entre eux en sifflant. Cela leur permettait par exemple de se coordonner lors des manœuvres techniques. Qu’un acteur sifflote et toute la mécanique de la pièce risquait d’être perturbée ! Bien que ce langage codé ait disparu, la superstition a perduré.
Une autre explication remonte à l’époque où les veilleuses à gaz remplacèrent les bougies pour éclairer la scène. Lorsque ces lumières s’éteignaient accidentellement, laissant le gaz s’échapper, elles produisaient une sorte de sifflement. Associé à la peur d’une explosion, ce son est resté signe de malchance dans les salles de spectacle.
Notez qu’en règle générale et en dehors de toute superstition, les artistes de théâtre redoutent les sifflets qui, lorsqu’ils viennent du public, n’annoncent rien de bon pour leur carrière !
4- Porter du vert, sans doute la plus tenace des superstitions au théâtre
Si de nombreux comédiens et comédiennes rêvent de se mettre au vert pour créer et répéter leurs rôles, aucun n’acceptera de porter sur scène un costume de cette couleur.
D’où vient ce tabou ? La légende veut que Molière ait, le jour de sa mort, interprété Le Malade imaginaire vêtu d’un habit vert.
Les acteurs jouant le rôle de Judas dans les pièces religieuses du Moyen Âge portaient également une tunique de cette teinte : associée à la traîtrise, celle-ci attirait sur eux la haine, voire les coups des spectateurs.
Au-delà du symbole, il existe une explication scientifique à cette phobie. En effet, au 16e siècle, l’oxyde de cuivre utilisé pour fixer les pigments verts sur les tissus était très toxique. Lors d’un contact prolongé avec la peau, il pénétrait dans l’organisme et pouvait causer la mort par empoisonnement.
Cette croyance ne vaut toutefois qu’en France, puisque la couleur interdite sur scène est le bleu en Angleterre, le jaune en Espagne et le violet en Italie.
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5- Offrir des œillets aux artistes de théâtre
L’une de vos connaissances triomphe sur scène et vous souhaitez lui témoigner votre admiration ? Un conseil : oubliez le bouquet d’œillets. Cette fleur a mauvaise presse au théâtre depuis près de deux siècles. À cette époque, les directeurs de salles de spectacle faisaient appel à une troupe pour une saison entière. À la fin de la période, ils avaient coutume d’utiliser le langage des fleurs pour faire savoir aux comédiennes si leur contrat continuerait l’année suivante. L’actrice qui recevait une gerbe de roses pouvait se réjouir : son engagement était prolongé. En revanche, celle qui se voyait remettre un bouquet d’œillets, beaucoup moins coûteux, devait en conclure que ses prestations n’avaient pas convaincu et que sa présence dans la troupe était suspendue.
Lorsque vous passerez chez le fleuriste, réfléchissez bien au message que vous souhaitez transmettre !
6- Éteindre la « ghost light » sur scène
Lieux de l’illusion par excellence, les théâtres sont emplis de mystère. Ainsi, lorsque le rideau tombe, que les vivants désertent la scène, la salle et les coulisses, d’autres esprits s’emparent de l’espace. Sur le plateau plongé dans le noir, une petite veilleuse reste allumée en permanence : on l’appelle « servante » en français, mais son nom anglais, « ghost light » (lumière fantôme), est beaucoup plus parlant. On raconte en effet qu’une fois les théâtres vides, les spectres qui les hantent prennent possession de la scène et y jouent leurs propres pièces. Cette lumière est supposée les apaiser. D’autres prétendent au contraire qu’elle a pour but de les faire fuir afin qu’ils ne viennent pas déranger les représentations.
De façon plus concrète, la servante permet d’éviter les accidents sur scène : elle empêche les techniciens de trébucher sur les éléments de décor et de tomber dans la fosse d’orchestre. Une utilité plus réelle, mais tellement moins féérique !
« La superstition est la poésie de la vie » J. W. von Goethe
Souvent déconnectées de leur origine historique, les superstitions au théâtre contribuent aujourd’hui encore à la magie qui entoure la représentation. Faut-il y croire ? Une chose est sûre : arriver en sifflotant pour souhaiter bonne chance à une copine comédienne superstitieuse et lui offrir un bouquet d’œillets emballé dans du papier vert accroît considérablement le risque de briser une amitié !
À chacun ses superstitions. Racontez-nous les vôtres en commentaire !
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Sources :
Étude IFOP 2022 – Les Français et la superstition
Radio France – Pourquoi le vert est-il tabou sur les scènes de théâtre ?
Première – Retour sur des siècles de superstitions théâtrales
Et 10 ans à travailler dans le monde du théâtre !
Laurence Cacaud, pour e-Writers
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW
Article relu par Émilie, tutrice de formation chez FRW