Vous aimez la lecture et le polar nordique ? Vous savez donc que ce sous-genre du roman policier mêle histoire tragique, ambiance inquiétante, personnages forts et questions sociétales. Le Journal de ma disparition en constitue un parfait exemple. On peut le considérer comme le meilleur livre de Camilla Grebe. Comment cette romancière suédoise s’est-elle imposée dans ce domaine depuis une dizaine d’années ? Quels autres ouvrages a-t-elle écrits ? Zoom sur l’une des plus pertinentes auteures de thrillers scandinaves !

Le parcours atypique de cette romancière suédoise

Camilla Grebe est née en 1968 à Älvsjö, dans la banlieue sud de Stockholm.

À 8 ans, elle découvre les livres de Maj Sjöwall et Per Wahlöö, grands inspirateurs des auteurs scandinaves d’aujourd’hui, à travers les enquêtes du détective Martin Beck. Vous vous souvenez peut-être de ce célèbre personnage de fiction suédois, héros de dix histoires toutes adaptées à de multiples reprises à l’écran. Il a sans conteste contribué à éveiller l’attrait de la jeune Camilla pour le polar.

Après des études en administration des affaires, elle fonde la maison d’édition de livres audio Storyside.

Son aventure dans l’écriture débute en 2004, quand, sans aucune formation littéraire, elle compose le premier chapitre d’un roman policier. Elle l’envoie à sa sœur, Åsa Träff, en lui demandant de rédiger la suite. Celle-ci, psychiatre, ne se fait pas prier. De fil en aiguille, ce qui a commencé comme un jeu finit par donner un livre, Ça aurait pu être le paradis (Någon sorts frid), publié en 2009. Quatre autres histoires naîtront de leur collaboration jusqu’en 2015.

En parallèle, elle écrit de 2013 à 2015 la trilogie à suspense Moskva Noir avec Paul Leander-Engström, qui a abouti à la série télévisée Moscou Noir avec Adam Pålsson dans le rôle principal.

Elle se lance alors en solitaire et Un cri sous la glace sort en 2015. La critique salue unanimement ce galop d’essai. La carrière de Camilla est engagée.

Le Journal de ma disparition, le meilleur livre de Camilla Grebe

Le Journal de ma disparition paraît en 2017.

Le livre raconte l’histoire de Hanne, talentueuse profileuse criminelle qui souffre de démence précoce. Elle et son partenaire Peter se rendent dans la petite cité endormie d’Ormberg, où un camp de réfugiés a été installé. Ils enquêtent sur un cold case. Dix ans plus tôt, on a découvert dans un cairn près de la ville les restes d’une fillette de cinq ans. Très vite, les problèmes de Hanne s’aggravent. Comme certaines personnes qui commencent un journal créatif dans un but thérapeutique, elle se trouve contrainte de tenir le sien, dans lequel elle doit noter tout ce qu’elle est susceptible d’oublier.

Un soir d’orage, on la retrouve errante dans les bois d’Ormberg, perdue, blessée et confuse. Peter s’est volatilisé. Elle ne se souvient pas des événements de ce soir-là. Jake, un adolescent introverti des environs, récupère son journal et commence sa propre enquête sur l’affaire, en parallèle des collègues de Peter et Hanne.

Les personnages se situent toujours au centre du roman policier scandinave. Le Journal de ma disparition ne fait pas exception à cette règle. Ainsi, Hanne se trouve en proie à des réflexions glaçantes. Peut-elle être soignée ? Au-delà des bribes de mémoire qui s’évanouissent dans le brouillard, que va-t-il lui rester, mis à part un néant terrifiant ? Est-on vraiment encore soi quand on n’a plus de souvenirs ?

Le jeune Jake, lui, s’interroge sur son identité. Il aime s’habiller discrètement avec les vêtements de sa sœur…

Leurs deux portraits s’inscrivent dans une atmosphère sociale, typique elle aussi des polars nordiques. Car même si l’on chante les louanges du lagom, le secret du bonheur à la suédoise, et si l’Europe du Nord est en tête des endroits où il fait bon vivre, tout n’y est pas rose ! Dans Le Journal de ma disparition, la description du chômage et de la misère en milieu rural saisit en effet le lecteur par son réalisme. Elle est ici teintée du racisme presque ordinaire que ressentent les habitants du cru envers les immigrés. Ceux-ci sont installés dans la principale usine désaffectée du village : tout un symbole.

L’utilisation de trois points de vue narratifs différents est un procédé qui accentue nettement le parallèle entre les protagonistes. L’intrigue s’avère quant à elle solide et pleine de suspense. L’ambiance est froide et oppressante, presque poisseuse. Les sapins sous la neige incarnent autant de silhouettes inquiétantes dans une forêt pas vraiment accueillante !

C’est un livre très sombre, qui a obtenu le Prix du meilleur roman policier suédois, et le Prix Clé de verre un an plus tard. Ce dernier constitue un gage de qualité décerné chaque année à une œuvre de littérature noire scandinave. Ces récompenses sont deux raisons supplémentaires de considérer Le Journal de ma disparition comme le plus abouti des livres de Camilla Grebe. N’attendez plus pour l’ajouter à votre pile à lire !

Si l’atmosphère de la Suède vous attire, consultez notre article Visiter Göteborg et son archipel.

Les autres romans policiers de l’auteure scandinave

Camilla Grebe a écrit cinq autres romans depuis le début de sa carrière solo. Tous font partie de la veine typique des polars suédois et bénéficient de l’excellente traduction d’Anna Postel.

Un Cri sous la glace, 2015

Une jeune vendeuse suédoise voit son fiancé, qui est aussi son patron, disparaître mystérieusement. Il n’a laissé derrière lui qu’un cadavre féminin inconnu… Peter est mandaté pour l’enquête et doit travailler avec Hanne, profileuse de talent, qu’il a déjà rencontrée dix ans auparavant… Dans ce premier thriller, l’auteure creuse particulièrement la psychologie de ses personnages. Notons que ce roman est en cours d’adaptation au cinéma avec Daisy Ridley (Star Wars) dans le premier rôle.

L’Ombre de la baleine, 2018

Malin et son supérieur, Manfred, sont désignés pour enquêter sur des hommes retrouvés morts échoués sur les côtes de l’archipel de Stockholm. On suit en parallèle l’histoire de Samuel, un jeune rebelle en rupture avec sa famille et la société. Cette réflexion sur la fragilité de l’adolescence et de la filiation est servie par une narration triple passionnante. En effet, on se focalise d’abord sur les investigations criminelles et la vie de policier expérimenté de Manfred, qui se trouve aussi en proie à un problème personnel grave. D’autre part, les chapitres du récit de Samuel sont contrebalancés par ceux dans lesquels sa mère Pernilla expose son point de vue.

l’Archipel des larmes, 2019

De 1944 à nos jours, on suit à travers les yeux de différentes enquêtrices la traque d’un tueur en série. La répétition d’une violence criminelle similaire à des dizaines d’années d’intervalle apporte sa force à cette histoire. Les failles du célèbre « modèle suédois » sont mises en avant, par exemple l’intégration des femmes dans une police très misogyne. Camilla Grebe a une nouvelle fois obtenu le doublé du prix du meilleur polar suédois et du prix Clé de Verre pour ce roman.

l’Horizon d’une nuit, 2021

La fille aînée d’une famille recomposée disparaît. Les soupçons se portent sur le père. Son épouse le connaît-elle vraiment ? Ce livre constitue une description à la limite de la sociologie d’un foyer suédois, dans une société en pleine mutation. Comme dans les autres romans de Camilla Grebe, la narration est éclatée entre plusieurs personnages. Les dégâts dévastateurs de la culpabilité, le racisme latent de la population suédoise, la violence envers les femmes sont autant de sujets de nouveau abordés dans ce roman.

l’Énigme de la Stuga, 2022

Lors d’une soirée dans son manoir de campagne, une éditrice renommée se trouve mêlée au meurtre de la meilleure amie de ses fils. L’intrigue fleure bon les huis clos et les enquêtes classiques à la Agatha Christie. Mais on retrouve cette alternance entre plusieurs personnages qui a fait le succès de l’auteure. Et en prime, celle-ci se permet un petit règlement de comptes avec le monde de l’édition.

En résumé, Camilla Grebe a écrit six romans en solo depuis le début de sa carrière. Même si Le Journal de ma disparition demeure la quintessence de son style et de son propos, les autres ouvrages se révèlent tout autant recommandables. Laissez-vous tenter !

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Frédéric Renversez pour e-Writers
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Jade, tutrice de formation chez FRW.

Sources :