À l’heure où le septième continent étend ses frontières plastifiées, le consommateur continue de se familiariser avec la loi « Anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) » de 2020. Et bien que les « 3 R » (réduction, réemploi, recyclage) obligent l’industrie agroalimentaire à réduire ses emballages, une question perdure. Celle de l’over-packaging dans les supermarchés. Qu’est-ce que le suremballage alimentaire ? Se limite-t-il à sa nature, papier, plastique ? Ou bien est-il, au-delà des préoccupations environnementales, un symptôme de notre société de consommation ? Vente de vide, tromperie à l’emballage, pouvoir d’achat impacté, traitement des déchets et émission de gaz à effet de serre, autant de retombées qui méritent le déballage.
1. Packagings surdimensionnés : le client achète du vide
Des provisions réduites de moitié
60 % de vide, voilà ce que contiennent certains emballages. C’est la déplorable expérience vécue par les consommateurs de grande surface lorsqu’ils découvrent une fois déballée la quantité réelle de produit consommable. S’ensuit le sentiment d’avoir été floué. Une pratique que l’association Foodwatch France avait déjà dénoncée en 2020. À l’époque, elle avait épinglé plusieurs marques agroalimentaires : Lipton (43 % de vide), Sojasun (34 %), Barilla (60 %). Les distributeurs, Monoprix, Carrefour, Leclerc, avec un pourcentage avoisinant les 68 % pour ce dernier, étaient également concernés par ces exemples de suremballages qualifiés de « trompeur ».
Si les sachets plastiques participent à une meilleure conservation des aliments, la technique n’en reste pas moins abusive lorsque l’emballage n’est plus proportionné. Même combat pour les enveloppes de cellulose qui empaquettent les marchandises. S’ils facilitent le transport et la manutention, dans quelles mesures leur taille exagérée y contribue-t-elle ? L’article R. 543-44 du code de l’environnement stipule d’ailleurs :
« L’emballage doit être conçu et fabriqué de manière à limiter son volume et sa masse au minimum nécessaire pour assurer un niveau suffisant de sécurité, d’hygiène et d’acceptabilité ».
Ambiguïté du stratagème de vente
Les associations de défense des consommateurs ont été les premières à relever cette pratique commerciale déloyale. Aujourd’hui encore, elles insistent sur le défaut de transparence du procédé et concluent qu’il biaise l’acte d’achat. Autrement dit, qu’il trompe le client. Le code de la consommation dans son article L. 121-1 réprouve les tactiques visant « à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur (…) ».
« Non seulement certains fabricants créent des déchets inutiles avec des emballages beaucoup trop grands, mais ce faisant, ils font miroiter une plus grande quantité d’aliments que celle réellement présente dans les paquets », pointait Foodwatch.
Pourquoi parler de tromperie ? Notamment, parce que des industries agroalimentaires concurrentes remplissent raisonnablement leurs contenants. Ce qui laisse donc penser qu’il y a intention d’induire en erreur la clientèle. Et bien qu’en parallèle la récurrente question : « Comment limiter ses emballages plastiques ? » alimente le débat écologique, la problématique demeure. Lors d’une enquête réalisée en 2022 sur plus de 250 produits alimentaires, l’association nationale des consommateurs et usagers (CLCV) rapportait à son tour ce gaspillage. Elle appelait à davantage de sobriété.
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2. De la « shrinkflation » dans le caddie : autant d’emballage, mais moins de produit
Qu’est-ce que la « shrinkflation » ?
Un anglicisme doublé d’un néologisme. Soit l’utilisation du verbe shrink (rétrécir) auquel a été accolé le mot inflation. En français, ce terme se traduit par « réduflation ». C’est un mot-valise formé à partir des premières syllabes de réduction et des dernières d’inflation. Dans les faits, cela signifie que des entreprises diminuent la quantité de leur produit sans en avertir le consommateur. De la tranche de jambon rétrécie au fond de tarte qui ne garnit plus le moule, les posts sur les réseaux sociaux ont largement commenté ces arnaques à la consommation.
En 2022, l’organisation Foodwatch mettait déjà en cause certains grands groupes de l’industrie agroalimentaire. Ces derniers, omettant toute forme de communication, avaient revu à la baisse le contenu de leurs produits-phares. À défaut d’augmenter leurs prix pour suivre l’inflation, ils réduisent discrètement les portions, 2 grammes de moins chez Kiri. Un artifice qui passe plus facilement inaperçu aux yeux de l’acheteur et qui évite un switch vers la concurrence.
Une pratique cependant légale si la diminution du poids est notifiée sur l’étiquette. Foodwatch déplore tout de même l’opacité du système. Pour elle, il est susceptible d’abuser le consommateur. L’association a d’ailleurs interpellé les pouvoirs publics qui doivent légiférer dans ce sens début avril 2024.
Ses incidences sur le pouvoir d’achat
La « shrinkflation », à sa manière, fait naître dans les chariots, une nouvelle forme de sur-emballage. Elle provoque l’achat de vide, au même titre que les packagings surdimensionnés. Toujours plus de blisters, mais moins de matières premières. Toutefois, sa mise en œuvre ne recouvre pas que cette réalité.
À grand renfort de stratégies marketing, les firmes jouent les illusionnistes. Elles relookent leur emballage et en profitent pour réduire la quantité, voire augmenter leur prix. Le client, téléguidé par ses habitudes de consommation, ne se méfie pas. Et c’est justement l’objet des demandes des associations de défense du consommateur, une plus grande clarté, afin que celui-ci puisse consommer de façon éclairée.
Une vidéo extraite du documentaire Complément d’enquête diffusé le 8 juin 2023 sur France 2 expose clairement les subterfuges utilisés. Une problématique qui va au-delà du suremballage et qui touche au pouvoir d’achat des Français. Le Monde du 7 février 2024 évoque aussi la « cheapflation » et la nécessaire intervention du gouvernement pour encadrer les dérives de cette inflation masquée.
3. Retour de courses, poubelle pleine : conséquence du suremballage alimentaire
Des chiffres problématiques pour la planète
Les consommateurs traînent derrière leurs emplettes au supermarché un piètre cérémonial, celui de remplir leur poubelle aussi vite que leur réfrigérateur. D’après l’éco-organisme CITEO chargé de réduire l’impact environnemental des emballages et des papiers, les conditionnements en plastique et en carton-papier font partie du top 3 de nos déchets. Ils contribuent aux 54 kilos d’ordures ménagères que chaque habitant produit par an. Le Haut conseil pour le climat estime que les répercussions climatiques s’élèvent à environ 4 % de gaz à effet de serre. Un calcul qui n’inclut ni les dégâts environnementaux liés à leur fabrication ni ceux induits par leur dégradation au sein de nos écosystèmes.
Or, acheter des compotes ou des yaourts sans cartonnette relève d’une certaine gageure. Cette « vitrine qui emballe » joue avant tout le rôle de support publicitaire et peut être considérée comme non-essentielle. Une utilité d’autant plus controversée puisque des fabricants de produits de grande consommation font le choix de vendre leurs crèmes desserts sans manchon de cellulose.
Visionnez cette enquête sur la surenchère des emballages alimentaires, une vidéo très concrète de ce que contient notre panier.
Le consom’acteur, un modèle durable ?
Bien sûr, la population peut adopter des gestes éco-responsables, choisir des aliments sans habillage superflu, acheter en vrac ou revenir à la consigne. L’étude de CITEO « Comment les consommateurs perçoivent-ils les emballages ? » confirme d’ailleurs cette nouvelle façon de consommer. 23 % des sondés souhaitent peu d’empaquetage, 22 % ne veulent pas de suremballage. Cependant, il est également à noter que de fortes attentes se dessinent vis-à-vis des producteurs et des industriels. D’après 71 % des personnes interrogées, c’est avant tout aux marques de diminuer leurs conditionnements.
Une requête importante vu que dans les communes inférieures à 3 500 habitants, la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM) se calcule en fonction du service rendu. Concrètement, cela signifie que le montant est en partie corrélé au volume des ordures et des déchets collectés au sein du foyer. L’usager a donc tout intérêt à éviter les cavaliers, ces accessoires de carton plié destinés à caler les pots de produits laitiers. Il s’organise alors en consom’acteur et s’inscrit dans une politique de développement durable. Seulement, s’il est permis d’opter pour du non-emballé et de pratiquer le zéro déchet, la négation du consumérisme ne concerne qu’une strate de la population.
Face à l’augmentation des prix, aux injonctions du « manger sainement », « consommer responsable », « ne pas polluer », la plupart des Français s’épuise, culpabilise. La sociologue Sophie Dubuisson-Quellier s’en explique dans le podcast du journal Le Monde : « Climat : peut-on sauver la planète avec des petits gestes ? » Une problématique qui dépasse les écogestes du quotidien et réinterroge les fondements de notre système basé sur la richesse et la production. Un sujet non-biodégradable.
📌 Si vous souhaitez approfondir la question, consultez cet article : Comprendre l’éco-anxiété et la convertir en énergie positive pour le climat
Marilyne Mercier, pour e-writers
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Agathe, tutrice de formation chez FRW.
Sources :
Taxe ou redevance d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM ou REOM) | Service-Public.fr
La réduflation est une pratique malhonnête où les entreprises réduisent discrètement les quantités tout en gardant les mêmes emballages, trompant les consommateurs. Cela porte atteinte au pouvoir d’achat et a un impact environnemental néfaste. Les associations ont raison de dénoncer fermement cette tromperie. Des contrôles et sanctions renforcés sont nécessaires pour y mettre fin.