Vous parlez français, votre mari allemand. Entre vous, vous optez pour l’anglais. Et votre enfant dans l’histoire ? Couples mixtes, familles expatriées ou parents immigrés… L’idée de transmettre votre langue maternelle à votre bébé vous tient à cœur. Surtout, vous aimeriez lui offrir une éducation bilingue, mais vous ne savez pas comment vous y prendre. Comment favoriser le bilinguisme à la maison ? Quelle attitude adopter ? Élever un enfant dans deux langues vous amène à faire des choix linguistiques et à mettre en place des initiatives. Découvrez dans cet article 5 actions à mener pour soutenir l’apprentissage des langues de votre enfant bilingue.
1. Déconstruire les idées reçues sur le bilinguisme
Le bilinguisme est-il un avantage ou un handicap ? Parler deux langues à un bébé cause-t-il des troubles du langage ? Ces questions vous préoccupent et c’est normal. Ces craintes sont cependant infondées, car elles reposent sur des idées reçues. Pour élever un enfant dans deux langues avec confiance, il faut d’abord démystifier les mythes sur le bilinguisme :
Mythe n°1 : mon enfant est bilingue seulement s’il possède une maîtrise parfaite de ses langues.
Réalité : votre enfant est bilingue dès qu’il utilise plusieurs langues au quotidien, peu importe le niveau de compétence. Il est aussi normal qu’il n’ait pas les mêmes capacités dans chaque langue.
Mythe n°2 : il faut consolider la première langue avant d’en apprendre une deuxième.
Réalité : plus tôt l’enfant développe ses facultés langagières, plus facile sera l’assimilation des règles grammaticales. Jusqu’à ses 6 ou 7 ans, il adopte une approche intuitive du langage, surtout au niveau phonétique. Après cet âge, ses capacités linguistiques diminuent et savoir parler une langue étrangère sans accent devient difficile.
Mythe n°3 : le bilinguisme précoce, c’est-à-dire l’apprentissage de plusieurs langues durant l’enfance, cause un retard de langage.
Réalité : le développement du langage chez l’enfant bilingue suit le même rythme que chez l’enfant monolingue. S’il paraît plus lent, c’est parce qu’il apprend deux systèmes linguistiques en même temps.
Mythe n°4 : mon enfant confond les langues, car il passe d’une langue à l’autre dans une même phrase.
Réalité : les spécialistes montrent qu’un bébé différencie les langues dès ses premiers mois. Ce mélange, aussi appelé alternance codique, est une preuve d’ingéniosité de sa part.
2. Stimuler l’apprentissage des langues au quotidien
Le secret pour devenir bilingue ? La pratique ! Plus l’enfant entend et utilise les langues, plus il a des chances d’acquérir un bilinguisme fort. Selon une étude réalisée sur des enfants bilingues anglais-espagnol, la richesse du vocabulaire dans une langue est proportionnelle au temps d’exposition à celle-ci.
Il existe de multiples manières de favoriser le bilinguisme à la maison au quotidien. Si vous avez un bébé en bas âge, parlez-lui dès que vous en avez l’occasion. Décrivez tout ce que vous faites durant la journée. Par exemple, pendant que vous lui donnez le bain, expliquez chaque étape du lavage : « Nous allons mettre du shampoing sur la tête maintenant.»
Pour un enfant plus âgé, vous pouvez l’impliquer dans les tâches ménagères comme la cuisine ou le linge et lui confier des petites missions. Il est aussi important de le pousser à s’exprimer en lui posant des questions ouvertes.
Les enfants apprennent mieux en jouant. Faites des activités qu’ils adorent, comme dessiner ou assembler un puzzle. Les jeux de rôle comme jouer au docteur sont aussi une excellente façon de stimuler leur imagination et d’entraîner leur vocabulaire. Profitez-en pour décompresser tout en vous occupant des petits.
Ces jeux doivent faire partie d’une routine. Pourquoi ne pas lire une histoire tous les soirs avant de dormir ? N’hésitez pas à répéter certaines activités. Bien sûr, les encouragements et les félicitations sont indispensables pour élever un enfant dans deux langues de manière favorable.
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3. Créer un besoin de parler la langue minoritaire
Un enfant est terriblement pragmatique. S’il ne ressent pas le besoin d’apprendre une langue, il ne le fera pas. C’est souvent le cas de la langue minoritaire, celle parlée par une minorité de locuteurs dans une société. Elle est souvent restreinte au cercle familial. Quant à la langue dominante d’une région, c’est celle à laquelle l’enfant est le plus exposé.
En France par exemple, la langue dominante est le français tandis que l’arabe ou le polonais sont des langues minoritaires. Un jeune garçon d’origine portugaise qui vit dans ce pays ne voit pas l’intérêt de maîtriser le portugais s’il ne l’utilise qu’avec ses parents.
Ainsi, il faut créer des situations où la langue familiale est nécessaire pour prouver son utilité. Dans la sphère familiale :
- Laissez les grands-parents s’occuper des jeunes une à deux fois par semaine.
- Rendez-vous chez des proches qui appartiennent à votre communauté linguistique.
- Visitez des membres de la famille dans votre pays d’origine. Ces séjours permettent de développer un rapport culturel et affectif avec la langue de la maison.
Dans le quartier :
- Inscrivez votre enfant à une garderie ou à des ateliers où la langue est parlée.
- Choisissez des services publics offerts dans cette langue comme les bibliothèques ou les hôpitaux.
Le but est de multiplier le nombre d’interlocuteurs et de varier les interactions pour mettre en avant l’utilité de la langue minoritaire.
4. Valoriser la culture minoritaire pour élever un enfant dans deux langues
Le bilinguisme familial n’est pas toujours bien perçu dans la société. Si vous ressentez un sentiment de honte vis-à-vis de votre langue minoritaire, l’enfant risque de la rejeter pour ne pas paraître différent des autres. À l’inverse, si vous montrez de la fierté et adoptez une attitude positive à l’égard de celle-ci, il aura plus envie de l’apprendre.
Autrement dit, il est capital de valoriser votre culture minoritaire pour élever un enfant dans deux langues. S’exprimer dans une langue, c’est adhérer à l’identité sociale associée à celle-ci. Elle joue donc un rôle affectif et identitaire. N’hésitez pas à montrer votre attachement pour votre nation en racontant des anecdotes sur votre enfance par exemple.
« Le langage est la feuille de route d’une culture. Il vous indique d’où vient et où va son peuple » – Rita Mae Brown
Aujourd’hui, on a accès à toutes sortes d’informations. De nombreuses ressources telles que les livres ou Internet sont à votre disposition. Pour que votre enfant s’ouvre à la culture minoritaire, vous pouvez :
- regarder des films ou des dessins animés cultes du pays ;
- lire des contes populaires de votre région ;
- participer à des ateliers de cuisine traditionnelle ;
- assister à un spectacle culturel ;
- écouter des chansons célèbres de vos artistes préférés sur YouTube.
À l’école, proposez aux professeurs un cours sur la diversité des langues et demandez aux élèves de présenter leur(s) langue(s) familiale(s).
5. Définir une stratégie adaptée à la situation familiale
Pour apprendre à un enfant une deuxième langue, il faut faire des choix linguistiques. Attention, chaque famille est différente et présente ses propres spécificités. La méthode adoptée doit convenir à tout le monde. Évitez de vous surmener et n’hésitez pas à changer d’approche si elle ne correspond pas à votre enfant. Il est d’ailleurs préférable d’utiliser la langue dans laquelle vous êtes le plus à l’aise.
Il existe trois stratégies les plus courantes. Avec la méthode « une personne, une langue », les parents parlent chacun une langue différente avec l’enfant. Cette démarche peut paraître parfois artificielle et difficile à maintenir. Surtout, ne soyez pas trop dur avec votre petit s’il mélange les langues !
La stratégie « langue minoritaire à la maison » convient aux parents issus d’une même communauté linguistique. Ici, on fait une séparation claire entre la langue de l’école et celle de la famille. Si l’un des parents parle la langue dominante, mais se débrouille dans la langue de la maison, il peut appliquer cette méthode pour soutenir l’apprentissage de cette dernière.
Selon les critères de temps et de lieu, les parents peuvent également répartir les langues entre :
- la semaine et le week-end ;
- la journée et le soir ;
- la maison et les activités en extérieur ;
- des moments spécifiques comme le repas ou la lecture.
Les parents isolés ou séparés adoptent en général cette approche.
La chose la plus importante à garder à l’esprit, c’est que votre enfant bilingue est avant tout un enfant. Votre garçon ou votre fille possède une personnalité propre, avec ses capacités, ses besoins et ses envies. Élever un enfant dans deux langues n’est pas facile, mais apprendre plusieurs langues en même temps ne l’est pas non plus. Soyez donc patient et clément avec votre petit !
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Lei Léa Chi, pour e-Writers Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW. Article relu par Périne, tutrice de formation chez FRW.
Sources :
Bongaerts, Theo. « Effets de l’âge sur l’acquisition de la prononciation d’une seconde langue », Acquisition et interaction en langue étrangère, no. 18, 2003, pp. 79-98.
Couëtoux-Jungman, Francine, et al. « Bilinguisme, plurilinguisme et petite enfance. Intérêt de la prise en compte du contexte linguistique de l’enfant dans l’évaluation et le soin des difficultés de développement précoce », Devenir, vol. 22, no. 4, 2010, pp. 293-307.
De Houwer, Annick. « Le développement harmonieux ou non harmonieux du bilinguisme de l’enfant au sein de la famille », Langage et société, vol. 116, no. 2, 2006, pp. 29-49.
Grosjean, François. « Ȇtre bilingue aujourd’hui », Revue française de linguistique appliquée, vol. xxiii, no. 2, 2018, pp. 7-14.
https://bilingualfamily.eu/fr/ressources-pour-les-parents/
http://developpement-langagier.fpfcb.bc.ca/index.html
Guide à l’usage des parents d’enfants bilingues de Barbara Abdelilah-Bauer