L’avionneur slovène Pipistrel avait fait sensation en 2020 avec le premier avion électrique certifié au monde : Velis Electro. La jeune pousse française Aura Aero s’apprête à rejoindre ce club très fermé avec un deuxième biplace nommé Integral E. Ces appareils sont précurseurs de toute une industrie en mutation pour réduire son impact sur l’environnement. Les émissions de CO2 du secteur aérien ont augmenté de 85 % depuis 1990, et pourraient croître de 50 % d’ici 2050 si aucune mesure n’est prise ! Il est devenu impératif de diminuer l’empreinte carbone des vols et développer des moyens de transport durable. Faisons ici le point sur des avancées technologiques prometteuses.

 

Enjeux environnementaux du transport aérien

Commençons par une note positive : les émissions de CO2 par passager et par kilomètre ont été divisées par cinq en 60 ans. Et chaque nouvelle génération d’appareils produit 20 % en moins que la précédente ! La dernière consomme environ 2 litres par passager pour 100 km. Mais après la parenthèse COVID, le volume des vols est largement reparti à la hausse. Selon l’Association internationale du transport aérien, les compagnies prévoient un nombre doublé de voyageurs d’ici 20 ans !

En résumé, les émissions risquent d’augmenter à cause de la croissance à long terme. Face à l’urgence climatique, décarboner l’aviation est crucial. Le secteur a pour objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

« Les émissions de CO2 des vols au départ de la France peuvent être réduites d’environ 75 % entre 2019 et 2050 en mobilisant trois leviers majeurs », selon l’ADEME :

  • à plus court terme : la maîtrise et la réduction du trafic ;
  • à plus long terme : l’amélioration de l’efficacité énergétique des aéronefs et le recours aux carburants durables.

Les technologies innovantes ont ainsi un rôle à jouer. On dénombre actuellement plus de 100 projets de recherche en propulsion électrique ou hybride.

 

💡 L’innovation et l’écologie vous intéressent ? Lisez l’article Innovation et Écologie : La Recette des Villes de Demain

 

L’avion électrique : Zoom sur une nouvelle technologie en plein développement

 

Silence dans le ciel

Pipistrel a ouvert la voie des avions électriques avec le Velis Electro dont il a vendu une centaine d’exemplaires à ce jour. Il sera très bientôt concurrencé par Integral E de la start-up française Aura Aero. Ce biplace zéro émission, destiné aux écoles de pilotage et aéro-clubs pour du vol à vue, est en cours de certification. Le lancement est prévu en 2026. Il dispose d’une autonomie d’une heure, c’est-à-dire 45 minutes dans les airs. Les riverains d’aérodrome peuvent se réjouir. La raison ? Les moteurs électriques sont silencieux : 60 décibels, soit le volume d’une conversation. Exit les essais bruyants avant décollage ! Il convient simplement de vérifier l’autonomie de la batterie, dont la recharge dure environ 30 min. Les élèves pilotes peuvent effectuer près d’un tiers de leur formation sur ce type d’engin pour passer une licence de pilote privé (PPL). Le marché est mondial et ce sont 20 000 machines thermiques vieillissantes à remplacer !

 

Vers plus de mobilité

Mais qu’en est-il du transport de passagers ? À ce stade, il est plutôt question de trajets régionaux. Citons par exemple le Lilium Jet, un engin à décollage et atterrissage vertical en cours de développement. Comme le CityAirbus NextGen, il fait partie des initiatives pour transformer la mobilité et décongestionner les grandes agglomérations. L’autonomie annoncée à 250 km peut lui permettre de relier des villes en région. L’objectif à terme est d’étendre cette distance à 500 km avec une vitesse allant jusqu’à 300 km/h.

 

Un avion décolle à la verticale

Décollage vertical du Lilium Jet. Crédit : Lilium N.V.

 

Les moteurs hybrides ont fait également leur apparition sur le marché des jets privés. Le suédois Heart Aerospace développe notamment l’ES-30, un aéronef régional pour 30 passagers. Son autonomie varie entre 200 km en électrique et 800 km en hybride. La société prévoit une commercialisation en 2028.

 

Un aéronef vole dans le ciel de Finlande

Heart ES-30 over-Åland. Crédit : Heart Aerospace, 2023

 

D’autres solutions pour le long-courrier

L’industrie tend vers une plus grande électrification des systèmes des gros-porteurs avec des gains d’énergie significatifs à la clé. On cherche à limiter l’usage des flux hydrauliques à la fois peu écologiques et gourmands en carburant. Le train d’atterrissage en est un bon exemple. L’optimisation de l’aérodynamisme favorise par ailleurs la réduction des frottements à l’air et la baisse des consommations en conséquence.

Les carburants plus durables, appelés SAF (« Sustainable Aviation Fuel »), font aussi leur chemin. Ils émettent la même quantité de CO2 pendant le vol que le kérosène fossile, avec lequel ils sont mélangés. C’est en fait durant le processus de fabrication que les émissions diminuent significativement. Leur usage est cependant encore marginal, car ils représentent seulement 0,3 % de la production mondiale de carburants d’aviation en 2023.

La révolution pourrait passer par les moteurs à hydrogène. La combustion de ce gaz permet de créer de l’énergie électrique qui alimente les moteurs grâce à une pile à combustion. Pour rappel, il rejette de la vapeur d’eau une fois consumé ! Les sociétés GE Aviation et Safran se sont associées à Airbus pour tester cette technologie dans l’optique de la mise en service d’un aéronef zéro émission en 2035.

 

De nombreux défis à surmonter pour des vols de longue durée en « tout électrique »

Les gros-porteurs fonctionnant uniquement à l’électricité n’existent tout simplement pas. En cause : la limite des batteries actuelles au lithium-ion, proches de celle des voitures, dont la densité énergétique est bien trop faible. Au vu de leurs capacités, il en faudrait des dizaines de tonnes pour faire voler un Airbus A380 ! Un espoir réside dans les progrès des batteries à ultra-haute densité qui devraient permettre de rallonger les distances parcourues. Mais, comme pour le marché automobile, elles posent de nombreux défis écologiques en matière de production et de recyclage. Et c’est aussi toute une infrastructure à développer dans les aéroports pour des recharges rapides.

Les problématiques sont également économiques. Le cas de Lilium est un exemple flagrant. La société a bien failli se brûler les ailes par manque de financement… Elle a finalement conclu en décembre 2024 un accord avec de nouveaux actionnaires pour relancer son programme. Preuve en est que la vie n’est pas un long fleuve tranquille pour cette industrie qui nécessite d’importants investissements à long terme. Les états ont aussi un rôle à jouer. La France va allouer 1,2 milliard d’euros à la recherche et au développement dans le domaine de l’aviation à faible émission de carbone dans le cadre de son initiative France 2030. Aura Aero a été lauréate du programme et a ainsi obtenu une aide de 13,2 millions d’euros pour concevoir « ERA », un aéronef hybride de 19 places avec un rayon d’action de 1 500 km.

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La transition vers une aviation écologique est-elle en vue ?

Vous l’aurez compris, il n’y a pas de solution miracle pour réduire la pollution et la mue vers une industrie aéronautique écoresponsable s’annonce longue ! C’est probablement la somme de toutes les initiatives qui contribuera à rendre le transport aérien plus vert. L’aviation doit encore beaucoup progresser, mais les développements actuels laissent la place à un certain optimisme. Qui aurait cru, dix ans auparavant, voir autant de Tesla sur les routes ? Le leader chinois CATL aurait d’ailleurs récemment testé en vol long une toute nouvelle batterie ultra-dense sur un appareil de quatre tonnes. Restons toutefois prudents, car le fabricant n’a communiqué aucun chiffre au sujet des performances. La société annonce qu’elle pourrait faire voler un jet de huit tonnes sur une distance de 2 000 km, voire 3 000, dans trois ou quatre ans ! À suivre.

 

En attendant, on peut encore rêver avec le projet de Bertrand Piccard qui projette de faire le tour du monde d’ici 2028 en 8 jours à bord de Climate Impulse : un avion à hydrogène vert. Pour mémoire, il avait bouclé en 2016 le premier tour du monde aérien grâce à l’énergie solaire, sans carburant donc, avec Solar Impulse 2 !

 

Joël Bertin, pour e-Writers

Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW

Article relu par Anne, tutrice de formation chez FRW.

Sources principales

https://aura-aero.com/

https://wwws.airfrance.fr/information/developpement-durable/carburants-aviation-durables

https://bigmedia.bpifrance.fr/nos-dossiers/empreinte-carbone-dun-vol-en-avion-calcul-et-compensation

https://www.economie.gouv.fr/france-2030#

https://heartaerospace.com/

https://infos.ademe.fr/magazine-novembre-2022/decryptage/trois-strategies-pour-decarboner-le-transport-aerien/

https://www.lefigaro.fr/societes/l-avion-electrique-francais-integral-pret-a-prendre-son-envol-20231031/

https://lilium.com/

https://www.lunajets.com/fr/nos-conseils/avions-electriques-avenir-aviation-durable

https://www.safran-group.com/fr/espace-presse/airbus-cairbus-cfm-international-sassocient-preparer-combustion-hydrogene-2022-02-22

https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/100-electrique-avion-electrique-chinois-4-tonnes-parcourt-milliers-kilometres-premiere-mondiale-114279/

https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/bilan-annuel-des-transports-en-2023

https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/lavion-decarbone-made-in-france-bientot-pret-pour-le-decollage-117134/