Comment préserver les papyrus, fragiles témoins de l’Histoire, de la menace des bactéries et des champignons ? Dans une récente publication, des chercheurs du Grand Musée Égyptien (GEM) préconisent un traitement insolite : le wasabi ! Découvrez comment les propriétés antifongiques de ce condiment japonais, apprécié pour relever sushis et sashimis, pourraient bien sauver de la détérioration les précieux manuscrits.

La conservation des papyrus : un enjeu patrimonial complexe

En raison de leur âge et de leur composition, ces archives inestimables sont vulnérables aux attaques des micro-organismes.

De la plante au manuscrit : un support d’écriture millénaire

Dès 3 000 ans avant notre ère, le souchet à papier (Cyperus papyrus), plante semi-aquatique originaire de la vallée du Nil, fournit un matériau de choix. Sa tige fibreuse, habilement transformée, sert à confectionner des objets de vannerie, des barques légères et des supports d’écriture. Le papyrus sera largement employé dans les empires romain et byzantin, avant de conquérir l’Europe où son utilisation perdurera jusqu’au XIe siècle.

La nature périssable du papyrus : un défi pour sa conservation

Ce matériau organique, sensible à l’humidité, est la cible privilégiée des moisissures. Elles causent des dommages tant esthétiques que structurels (taches, craquelures, fissures, dépigmentation, désagrégation des colles et liants), entraînant « la séparation de la couche de peinture de son support ».

Un traitement non invasif et respectueux de l’environnement

Afin de préserver les feuillets peints sans mettre en péril leur intégrité, les scientifiques du GEM, menés par la microbiologiste Hanadi Saada, ont développé une solution biologique originale à base de… wasabi !

Le wasabi : un rempart naturel contre les agents pathogènes

Oubliez la pâte verte composée de raifort, vendue en grande surface ou servie dans votre restaurant japonais préféré. Vous savez, celle qui monte au nez avant de vous arracher une grimace… 🥵
Dans son pays d’origine, le Japon, où le poisson cru est largement consommé, le wasabi « authentique » agit comme un bouclier contre les intoxications alimentaires. À l’instar d’autres épices aux vertus notoires, il est reconnu pour ses qualités antibactériennes et antifongiques. Ce produit de luxe est obtenu à partir du rhizome de Wasabia japonica. Dès qu’il est coupé, une réaction chimique provoque la formation d’isothiocyanates, les composés responsables du goût piquant et des vapeurs caractéristiques du wasabi.

Un protocole expérimental simple et ingénieux

L’équipe du GEM crée d’abord des « répliques » de papyrus. Colorées avec divers pigments, elles sont ensuite vieillies artificiellement, puis contaminées avec différentes souches de champignons. Une fois préparés, ces feuillets factices rejoignent une chambre sous vide, sorte de spa pour papyrus ! Ils profitent alors des exhalations d’une « boulette » de wasabi placée à proximité.

Résultat ? Trois jours après l’exposition des échantillons, les chercheurs constatent :

  • la disparition des moisissures ;
  • une amélioration de 26 % de l’élasticité des spécimens traités ;
  • l’absence d’altération des supports et des peintures.

Une bonne nouvelle pour les vestiges d’origine organique

Des analyses approfondies confirment l’arrêt total de la prolifération fongique. Comparée aux techniques traditionnelles basées sur l’usage de produits toxiques, l’intervention n’affecte pas le support dans le temps. Autre atout : elle est parfaitement inoffensive pour les humains.
Cette étude conforte les résultats d’une découverte antérieure menée sur des papyrus non peints : la procédure adoptée s’avère abordable, écologique et durable. Elle pourrait profiter à d’autres matériaux vulnérables tels le bois, le papier et les textiles.

Si la méthode reste à valider sur des papyrus antiques, le recours au wasabi constitue déjà une avancée significative vers des pratiques de conservation moins polluantes.

🍄 Les champignons n’ont pas toujours le mauvais rôle… Voyez comment ces ennemis du papyrus pourraient contribuer à préserver notre planète !

Adeline Marck, pour e-Writers
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Anne, tutrice de formation chez FRW.

Sources :

MENAPACE, Luc. Le papyrus. Le Blog Gallica [en ligne]. Disponible sur : https://gallica.bnf.fr/blog/20072022/le-papyrus?mode=desktop (Consulté le 27/04/2024).

RENNOTTE, Johan. Du wasabi pour sauver les papyrus égyptiens. RTBF actus [en ligne]. Disponible sur : https://www.rtbf.be/article/du-wasabi-pour-sauver-les-papyrus-egyptiens-11337275 (Consulté le 27/04/2024)

SAADA, Hanadi ; OTHMAN, Moamen ; ATTIA, NOUR ; et al. A safely treatment of bio-deteriorated painted archaeological papyri by Wasabi. Journal of Archaeological Science, vol. 163, March 2024 [en ligne]. Disponible sur : https://doi.org/10.1016/j.jas.2024.105936 (Consulté le 27/04/2024).

Illustration générée avec l’aide d’une IA (Dall-E).