L’océan, gardien de mystères, recèle des étendues inexplorées aussi inaccessibles que les étoiles. La fosse des Mariannes, par exemple, telle une sentinelle océanique se protège farouchement sous des mètres d’eau, maintenant les hommes à distance. Et pourtant, des aventuriers intrépides et d’inlassables scientifiques s’aventurent dans ses profondeurs, bravant l’inconnu à bord de leurs bathyscaphes, cherchant à percer les secrets de ce monde inconnu. Ils nous invitent à percevoir des choses étranges et inimaginables, un univers merveilleux, un réel qui nous échappe.

Tel James Cameron, cinéaste plongeant au cœur du royaume des abysses, explorons ensemble ce monde profond, mystérieux et d’une extrême vulnérabilité.

Fosse des Mariannes, description d’un endroit secret

#01 : Où se trouve la fosse des Mariannes ?

La fosse des Mariannes se dissimule bien loin des regards indiscrets au plus profond de l’océan Pacifique. Quelques indices : elle est nichée à l’est des Philippines et se déploie silencieusement entre le Japon et la Nouvelle-Guinée. Invisible à la surface de la mer, elle murmure à l’oreille des côtes est des îles Mariannes, d’où elle tire son nom. Elle étend ses bras, tels des serpents abyssaux, sur 2 550 kilomètres de long et 70 kilomètres de large. Mais ce n’est que l’apparence d’une profondeur insondable qui éveille les esprits curieux.

#02 : Quelle est la profondeur record du Challenger Deep, le point le plus profond de l’océan ?

10 991 ± 6 mètres sous le niveau de la mer… Telle est l’estimation la plus précise de cet abysse incommensurable. Situé à l’extrême sud de la mystérieuse fosse des Mariannes, le Challenger Deep se dresse comme le point le plus profond de notre planète Terre. Cette profondeur record a été obtenue en 2020 par l’analyse des réflexions du son généré par l’implosion d’un instrument scientifique.
Imaginez un instant : les sommets de l’Everest, qui culminent à 8 849 mètres, pourraient être engloutis dans cette cavité océanique abyssale. Une révélation qui éveille l’étonnement, non ?

#03 : Comment s’est créée cette fosse océanique ?

Les fosses sont des tranchées profondes et ténébreuses qui résultent du mouvement de deux plaques tectoniques créant une zone de subduction. Dans le cas de la fosse des Mariannes, la plaque lithosphérique Pacifique sombre sous la plaque Philippine et l’entraîne avec elle dans les confins illimités du manteau terrestre, à la vitesse de 3,5 centimètres par an. Comme tirée dans les profondeurs de la terre, une étroite dépression topographique du fond marin se crée et constitue une zone appelée zone hadale. Ce nom résonne tel un écho des enfers, évoquant l’influence d’Hadès, le dieu de la mythologie grecque régnant sur le monde souterrain.

Les fosses océaniques, leurs explorations profondes et risquées

#04 : Qui a été au fond de la fosse des Mariannes ?

Au cœur de l’abîme des Mariannes, seulement quelques élus ont bravé les dangers insidieux pour plonger dans ses profondeurs énigmatiques.

année de l’expédition explorateur bathyscaphe
1960 Don Walsh et Jacques Piccard Trieste
2012 James Cameron Deepsea Challenger
2019 Victor Vescovo Limiting Factor
2020 trois scientifiques chinois Fendouzhe

Et là, surprise, tous furent témoins d’un spectacle inattendu : la vie, dans toute sa splendeur, s’épanouissait même dans ces profondeurs insoupçonnées.

#05 : Comment explore-t-on les profondeurs de l’océan ?

À bord de vaisseaux high-tech résistants à une pression titanesque, tels les bathyscaphes Triestes, Archimède et autres submersibles, l’exploration humaine s’ouvre vers ce nouveau biotope. Dotées de caméras, bras articulés et capteurs, ces véritables prouesses technologiques brisent les barrières jadis infranchissables. Les engins télécommandés (ROV) et drones sous-marins télé-opérés (AUV) se joignent à l’exploration autonome des fonds marins, réduisant les risques. Ainsi, les profondeurs mystérieuses deviennent accessibles, permettant une rencontre extraordinaire avec le peuple des abysses. Une symbiose d’ingénierie et d’audace qui élargit les horizons et révèle les secrets enfouis dans les profondeurs inexplorées.

#06 : Pourquoi est-il important d’étudier la zone hadale ?

On connaît bien plus sur l’univers spatial que sur nos fonds marins. L’intégralité de la surface de la lune a été cartographiée ; c’est seulement 24 % pour le plancher océanique. Et, moins de 1 % des grandes fosses abyssales a été visité.
Et pourtant, l’étude des fonds marins sur notre planète Terre est essentielle pour :

  • combler les lacunes scientifiques existantes sur ce milieu inexploré ou la pression est colossale ;
  • permettre l’extraction des minerais et des terres rares enfouis dans la plaque tectonique au fond des océans en vue de satisfaire la demande mondiale ;
  • stimuler l’innovation technique notamment dans le domaine des drones sous-marins, des capteurs et des bouées acoustiques ;
  • découvrir de nouveaux organismes, recélant d’utiles vertus thérapeutiques, sources possibles pour l’élaboration de nos futurs vaccins et médicaments.

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Une vie mystérieuse dans les abysses : ce que l’on sait…

« L’entre deux eaux, c’est vraiment pour un primate, un peu inquiétant : tant d’eau, tant de nuits, et dans toutes les directions… » Théodore Monod, Plongées profondes.

#07 : À quoi ressemble ce monde extrême ?

Visualisez un habitat ou règne un froid glacial et saisissant, une pression colossale et écrasante. Pas de frontière, ni d’horizon. Aucune lumière, pas de jour, ni de nuit. Un lieu angoissant où règne l’insupportable silence des mondes souterrains. Un univers suspendu dans l’immensité.
Et pourtant, d’énigmatiques flashs lumineux rayonnent dans cet espace obscur. Environ 75 % des animaux benthiques émettent leur propre lumière, une bioluminescence fascinante. Ces créatures scintillent de mille feux grâce à une réaction chimique, utilisant cette lumière pour effrayer les prédateurs, communiquer, fuir ou se reproduire. Des éclats mystérieux qui brisent l’obscurité, révélant une beauté cachée dans les profondeurs les plus sombres de notre planète Terre.

#08 : Quels sont les animaux qui vivent dans les abysses ?

Telles des créatures fantastiques échappées d’un récit de Jules Verne, les habitants des abysses marins fascinent par leur étrangeté.

  • le vampire des abysses et sa silhouette rougeoyante,
  • le revenant et son étrange tête,
  • le requin lutin et ses dents acérées,
  • le poisson ogre,
  • les siphonophores et autres créatures piézophiles,
  • polychètes et nématodes

Ces animaux fantastiques presque fantomatiques, peuplent le monde des abysses. Mais quelle ignorance ! Seule 5 % de la biodiversité abyssale est explorée, laissant une grande part de mystère et d’inconnu. Ce trésor caché, invisible à nos yeux, représente une richesse inestimable, attendant patiemment d’être révélée et de nous émerveiller par sa diversité insoupçonnée.

poisson lanterne dans les abysses

Poisson lanterne abyssal. Crédit : Istock

poisson vipère des abysses

Poisson vipère des abysses. Crédit : Istock

#09 : Comment se nourrissent les espèces des profondeurs ?

Le mystère des abysses s’intensifie lorsque l’on découvre l’absence de végétaux, base habituelle de la chaîne alimentaire. L’explorateur William Beebe, à bord de sa bathysphère, lève cette interrogation en observant une pluie de flocons tombant comme par magie de la surface vers les profondeurs de l’océan. Baptisées « neige marine », ces particules organiques nourrissent les invertébrés filtreurs et les poissons abyssaux et constituent la base alimentaire des grands fonds. Et parfois, un cadavre de baleine s’échoue, offrant une manne providentielle de nourriture pour les charognards pendant plusieurs décennies.

Fosse des Mariannes, une zone énigmatique à protéger

« Ça a été de toute évidence désespérant de constater une contamination humaine au point le plus profond des océans ». Victor Vescovo.

#10 : Y a-t-il des traces d’une présence humaine à -10 991 mètres de profondeur ?

Lors de sa plongée dans la fosse des Mariannes en 2019, Vescovo filme pendant des heures des créatures magnifiques, mais aussi des monstruosités créées par les Hommes, des déchets comme des sacs plastiques et des emballages. Triste constat ! D’autant plus affligeant que 100 % des espèces prélevées dans cette cavité profonde contiennent des microparticules de plastique dans leur estomac. Ne serait-il pas temps d’arrêter cette pollution plastique avant qu’elle ne se déverse dans la mer ? Barrière à bulles, Jellyfishbot, des solutions de dépollution du plastique existent.

#11 : Quelles sont les mesures de protection mises en place pour ce lieu si précieux ?

Le 6 janvier 2009, le président des Etats-Unis George W. Bush a proclamé la fosse des Mariannes comme « monuments nationaux marins ». Ainsi, la fosse, mais également les volcans de boue associés et les trois îles Mariannes les plus septentrionales sont protégés. Le NOAA, l’U.S. Fish Wildlife Service et le CNMI gèrent la conservation de ces fonds fascinants. Cette préservation permettra d’en apprendre plus sur ce qui se trouve dans ces profondeurs mystérieuses et qui pourrait bénéficier à l’humanité.

👉 De la même manière, protégeons la réserve marine aux Galápagos.

Entre imaginaire, peur et fascination, la fosse des Mariannes dévoile un monde énigmatique et inexploré dont l’homme n’en a effleuré qu’une fraction. Et pourtant, elle nous questionne déjà quant à notre propre impact sur l’océan. Restons sensibles à notre environnement et agissons pour notre planète Terre.

Stéphanie Bondu pour e-Writers.

Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Thibaut Huertas, tuteur de formation chez FRW.

Sources :

La France lance une cartographie génétique de ses milieux marins – Janvier 2023
Comptes rendus du Sénat sur la MI fonds marins – Janvier 2022
Marianas Trench Marine National Monument – Unesco
Scott Loranger et al, 2020, nouvelle mesure de la profondeur de l’océan, J Acoust Soc Am, 148, 2443
Séverine Martini et Steven Haddock, 2017, quantification de la bioluminescence de la surface à la mer profonde, Scientific Reports, 7, 45750
Sanae Chiba et al, 2018, l’empreinte humaine dans les abysses : 30 ans d’enregistrement de débris plastiques en haute mer, Marine Policy, 96, 204