Alors que la France connaît une pénurie de logements, les défis environnementaux auxquels nous faisons face nous imposent de revoir nos modes de construction. Livrer de nouveaux logements et limiter la bétonisation semblent être deux forces contradictoires. D’autant qu’au niveau national, le secteur du bâtiment est responsable de près d’un quart des émissions de gaz à effet de serre (ecologie.gouv.fr). Dans ce contexte, de nouveaux procédés de construction pour un habitat durable voient le jour. Parmi eux, l’architecture réversible. La construction réversible est désormais la norme pour les événements de grande ampleur redessinant la ville, mais reste marginale dans les politiques d’aménagement. Dans cet article, découvrez les nombreux avantages à anticiper l’évolution des usages dès le cahier des charges des bâtiments.

Architecture réversible : de quoi parle-t-on ?

Construction évolutive, adaptable ou encore modulable, plusieurs termes coexistent pour décrire l’architecture réversible en France. Ils partagent tous un même principe fondamental : anticiper l’évolution des usages dès la programmation, et la conception de nouveaux ouvrages. Dans le secteur du bâtiment, la réversibilité est la capacité d’un lieu à être modifié, à l’avenir, pour accueillir d’autres fonctions. Les plateaux des bâtiments sont alors transformables pour leur donner l’opportunité d’avoir une seconde vie. Cela permet d’anticiper les extensions futures d’un logement ou la surélévation de l’immeuble, par exemple. Ces programmes, que l’on nomme non affectés, peuvent alors devenir des parkings, des bureaux ou encore des logements. À l’image du parking Saint-Roch, à Montpellier, dont les hauteurs sous plafond sont plus importantes que la norme pour pouvoir accueillir des logements dans le futur. Construire réversible, c’est aussi anticiper le fait que l’on aura peut-être définitivement plus besoin de la construction d’ici quelques années. Le bâtiment devient alors démontable en fin de vie.

À l’échelle mondiale, l’architecture réversible a gagné en visibilité avec l’organisation des Jeux-Olympiques et la multitude d’infrastructures laissées à l’abandon dès l’événement terminé. Désormais, il n’est plus entendable d’investir autant dans des constructions pour si peu de longévité. Le village Olympique et Paralympique de Paris 2024 a été pensé pour les sportifs du monde entier, en premier lieu, puis pour les habitants de Seine-Saint-Denis (93). Ainsi, les 17 000 lits prévus pour les athlètes seront reconvertis en logements étudiants, familiaux, en bureaux, commerces et services publics dès fin 2024. Cet héritage post-Olympique est rendu possible grâce à la structure poteaux-poutres des bâtiments facilitant des travaux de transformation et d’ouverture des résidences sur le quartier. Autre type d’optimisation facilement aménageable : l’ajout de cuisine dans les futurs logements alors que les chambres des athlètes en sont actuellement dépourvues.

Un mode de construction qui s’adapte aux évolutions de la société

Au-delà de l’exceptionnalité des Jeux Olympiques, la construction réversible reste un véritable atout pour un aménagement public urbain raisonné. Aujourd’hui, les foyers ne ressemblent plus à ceux d’il y a quelques décennies. Les divorces et séparations, le vieillissement de la population, ou encore le « phénomène Tanguy », font que les logements doivent répondre à de nouveaux besoins.

« Nos sociétés ont davantage bâti ces dernières décennies que les siècles auparavant, et les perspectives de transformations à opérer sont immenses. » Patrick Rubin, architecte.

Le développement du télétravail et de l’e-commerce sont également des évolutions sociétales qui obligent à redéfinir les modes de construction des immeubles de bureaux et des commerces. En Île-de-France, 3,3 millions de m² de surface de bureaux seraient vacants tandis que 1,3 million de Franciliens étaient mal logés, en 2022 (Fondation Abbé Pierre). Face à ce déséquilibre, les aménageurs doivent s’inscrire dans une démarche de résilience, c’est-à-dire être en capacité de revenir à la situation initiale après un choc. L’objectif ? Bâtir des constructions facilement transformables pour faire face à des événements perturbateurs et soudains tels qu’une crise sanitaire ou des dérèglements climatiques. Le bâtiment du futur doit faire preuve de flexibilité et de souplesse.

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La construction réversible : une solution écologique et économique

En France, 72 % des déchets sont produits par les activités de construction, réhabilitation et démolition du secteur du BTP (ADEME). 32,5 millions de tonnes de déchets sont générées par an uniquement du fait de la démolition de bâtiments. C’est plus que l’ensemble des déchets ménagers créés à l’échelle nationale. La généralisation des constructions réversibles serait donc la parade au cycle démolition-construction puisqu’elles suppriment l’éventualité de destructions et préservent les ressources grâce à l’économie circulaire. En effet, les matériaux utilisés dans les constructions réversibles ont vocation à être réutilisés. Ce changement de paradigme pour le secteur du bâtiment va de pair avec le développement de matériaux qui tentent de trouver une alternative au béton.

L’impact écologique de l’architecture réversible se mesure également dans la réduction de l’artificialisation des sols. En effet, en brisant la logique actuelle qui est de détruire pour reconstruire, la construction réversible permet de limiter l’étalement urbain. Par exemple, en intégrant la possibilité d’ajouter des étages aux immeubles dès la phase de conception, on limite l’empiétement sur les espaces naturels. La réversibilité des bâtiments présente l’avantage d’apporter une solution écologique et durable à l’échelle de la ville. L’habitat individuel se réinvente également à l’heure de la sobriété énergétique, à l’image des tiny house, des constructions en terre crue ou encore du coliving.

L’architecture réversible est à la fois un procédé écologique, mais également économique. Réhabiliter un ouvrage non réversible, en transformant ses usages, coûte aujourd’hui aussi cher, voire plus cher, que de le détruire et de reconstruire un ouvrage neuf. Construire réversible, permettra de réaliser des économies substantielles lors des futures transformations.

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Les freins réglementaires et techniques

Les freins au développement de ce nouveau mode constructif sont réglementaires avant d’être techniques. Pour que la réversibilité se développe, des contraintes au niveau de la fiscalité, de la collectivité et du permis de construire doivent être encore levées. Le principal enjeu repose sur l’unification des normes de construction et des exigences réglementaires notamment environnementales. Selon la fonction des bâtiments, elles sont aujourd’hui variables. Viennent ensuite les freins techniques liés à l’anticipation en amont du projet de toutes les destinations possibles du bâtiment. Il en découle des contraintes structurelles différentes selon que l’on projette d’y installer une école, des commerces ou encore des logements.

Ce qu’il faut retenir :

Malgré leurs divers avantages, les bâtiments réversibles restent peu nombreux à sortir de terre. À l’heure actuelle, ce mode constructif flexible est encore limité aux événements exceptionnels, et aux réhabilitations majeures. En cause ? La permanence de certains freins réglementaires et techniques. Pourtant, l’architecture réversible semble être l’une des solutions à adopter pour faire face aux défis sociétaux et environnementaux attendus. C’est un nouveau modèle dans lequel s’inscrire pour le secteur du bâtiment. Les constructions ne doivent plus s’imposer dans notre décor, mais être un outil modulable, vivant et polymorphe. L’habitat durable de demain sera évolutif ou ne sera pas.

Camille Primard, pour e-Writers
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Agathe Mourgues, tutrice de formation chez FRW.

Sources :