Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes, elles sont six fois plus meurtrières que le cancer du sein. Avec près de 200 décès par jour en France, la population féminine subit une évaluation insuffisante des symptômes et un retard de prise en charge comparativement aux hommes. Elles ont par conséquent moins de chance de survie, puisque 56 % d’entre elles en meurent contre 46 % pour le sexe masculin. Depuis 20 ans, le risque d’arrêt cardiaque dans ce contexte pathologique diminue pour les hommes. À l’inverse, celui des femmes est en augmentation, surtout pour celles de moins de 55 ans. Comment expliquer les difficultés au diagnostic de l’infarctus chez la femme ? Découvrez ces éléments de réponse qui peuvent sauver votre vie et celle de vos proches.
Connaître les inégalités de santé cardiovasculaire entre les hommes et les femmes
« Il faut arrêter de croire que quand un homme s’effondre il fait un arrêt cardiaque, mais que, quand c’est une femme, c’est un malaise vagal. » Pr Claire MOUNIER-VÉHIER, cardiologue au CHU de Lille et cofondatrice du fond de dotation Agir pour le cœur des femmes.
Contrairement à ce que vous pouvez penser, l’infarctus du myocarde n’est pas une maladie « masculine » réservée aux hommes stressés par leur travail. En ayant adopté son même rythme de vie, la femme a aujourd’hui les mêmes facteurs de risque cardiovasculaire. Cependant, le symptôme de douleur thoracique a trois fois plus de risques d’être attribué à des raisons émotionnelles qu’à des troubles cardiaques. Cette sous-estimation amène à une prise en charge inégale entre les deux sexes, où les femmes sont deux fois plus nombreuses à décéder en unité de soins à cause d’un retard de diagnostic.
Par manque de sensibilisation du public concerné, la population féminine minimise les signes lors d’un malaise cardiaque et prévient plus tardivement les secours. Le service de cardiologie de l’hôpital Lariboisière à Paris a mené une étude, révélant que les femmes victimes d’une crise cardiaque appellent le SAMU en moyenne 15 minutes plus tard que les hommes. Ce délai est déjà trop long lorsque nous savons que chaque minute compte pour réduire le risque de séquelles et améliorer le pronostic de la patiente.
Les inégalités de genre dans la santé cardiovasculaire ne s’arrêtent pas seulement aux préjugés sur le sexe féminin. Malheureusement, les professionnels de santé sont aussi insuffisamment formés au diagnostic de l’infarctus chez la femme qui présente des particularités. En effet, au fil des décennies, les savoirs médicaux se sont construits autour du corps masculin vu que les femmes étaient sous-représentées dans les essais cliniques. Elles le sont à parts égales avec les hommes depuis 15 ans seulement. En France, chaque faculté de médecine choisit ou non de dispenser un enseignement sur les disparités des genres en santé, mais cette approche reste assez rare. Pourtant, elles manifestent des symptômes atypiques qui sont importants à connaître pour mieux diagnostiquer une maladie des artères du cœur.
Identifier les symptômes atypiques de la crise cardiaque chez le sexe féminin
Une femme sur deux ne ressentira pas les symptômes typiques de l’infarctus du myocarde, à savoir une douleur thoracique irradiante dans le bras gauche et la mâchoire. Voici cinq signes atypiques de la crise cardiaque au féminin qui doivent impérativement vous alerter :
- l’épuisement – fatigue extrême et anormale qui dure même après plusieurs jours ;
- l’essoufflement – respiration difficile pendant un effort physique, mais aussi lors de gestes de la vie quotidienne comme passer l’aspirateur, monter un escalier, tondre la pelouse, etc. ;
- l’indigestion – sensation désagréable de distension abdominale, de brûlure gastrique, de nausées et/ou de vomissements ;
- l’inconfort – malaise dans l’épaule ou dans le haut du dos, quelquefois douloureux ;
- l’anxiété – angoisse avec oppression sans raison particulière ou plus que d’ordinaire.
Ce dernier symptôme, associé aux autres, est un très bon signal d’alarme, alors écoutez-vous !
Ces manifestations peuvent révéler un infarctus silencieux chez la femme : une artère du cœur s’est totalement bouchée sans pour autant provoquer la douleur caractéristique du syndrome coronarien. Avant d’en arriver à de graves séquelles irréversibles, comme l’insuffisance cardiaque, consultez rapidement votre médecin traitant ou appelez le 15. Sachez aussi qu’en cas d’arrêt cardiaque, les femmes sont moins massées que les hommes par pudeur de toucher leur poitrine ou par peur de mal faire.
Nous pouvons vite perdre nos moyens lorsque nous sommes témoins d’un malaise, surtout lorsqu’il s’agit d’un proche. Si toutefois, vous ne savez plus comment débuter les gestes de premiers secours, retenez qu’il n’y a aucun danger à masser une personne inconsciente dont le cœur bat toujours.
En revanche, ne pas initier le massage cardiaque jusqu’à l’arrivée des secours à quelqu’un qui vient de perdre connaissance, peut lui être fatal. Lors d’un arrêt cardiorespiratoire, les chances de survie diminuent de 10 % chaque minute sans la réalisation de compressions thoraciques. Soyez donc rapide dans la mise en place de la chaîne de survie !
Comprendre les causes spécifiques d’un malaise cardiaque féminin
L’anatomie cardiaque des femmes ainsi que sa physiologie diffèrent de celles des hommes : elles ont un cœur de plus petite taille et des artères coronaires plus fines. Trois stades de vie propres au sexe féminin doivent appeler à votre plus grande vigilance :
- La prise d’un contraceptif à base d’œstrogène de synthèse, associée à la consommation de tabac et/ou de cannabis, forment un cocktail hautement dangereux. Il est propice aux pathologies coronariennes chez la femme.
- La grossesse, au-delà de 35 ans, multiplie le risque d’hypertension et de diabète gestationnel. Aussi, le muscle cardiaque d’une femme enceinte pompe jusqu’à 10 L de sang par minute. C’est comme si vous courriez un marathon nuit et jour pendant neuf mois !
- La ménopause et sa chute de production naturelle d’œstrogène (une hormone avec un effet cardioprotecteur) favorisent la calcification des artères et le développement des plaques de cholestérol.
Si certaines jeunes femmes s’imaginent encore protégées grâce à la sécrétion physiologique d’œstrogène, ce n’est plus tout à fait vrai au XXIe siècle ! Les facteurs de risque cardiovasculaire liés à notre époque moderne, amenuisent les impacts bénéfiques de cette hormone sexuelle. C’est ainsi que des causes environnementales se greffent à celles d’origines biologiques :
- Le tabagisme actif leur est davantage néfaste, avec +25 % de risque de cardiopathie ischémique que les hommes, à consommation égale.
- Le stress chronique est l’autre premier facteur avec le tabac : le cœur d’une femme est particulièrement réceptif aux hormones du stress. Entre gérer leur vie professionnelle et celle du foyer, avec la charge mentale qui leur incombe, elles sont aussi plus sujettes à la précarité financière.
- Les maladies telles que l’hypertension artérielle, le diabète et l’hypercholestérolémie ont une incidence plus forte sur l’altération de leurs artères coronaires.
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Prévenir le diagnostic de l’infarctus chez la femme
Il y a tout de même une bonne nouvelle : l’infarctus du myocarde est une maladie liée à l’environnement à 70 % contre 30 % d’hérédité familiale. Concrètement, cela signifie qu’en adoptant une hygiène de vie saine, il est tout à fait possible d’éviter un accident cardiaque. Alors, vos habitudes de vie doivent changer le plus tôt possible pour protéger les artères de votre cœur.
Lors d’une conférence, la Pr Claire MOUNIER-VÉHIER explique que « les plaques de lipides peuvent commencer à se former dans les coronaires dès l’âge de 20 ans, et que la mise en place de huit bonnes pratiques, avant 40 ans, permet aux femmes de gagner 21 années supplémentaires », comme :
- pratiquer une activité physique quotidienne, même si vous manquez de temps ;
- maîtriser votre poids pour vous préserver de l’embonpoint ;
- manger sain et varié ;
- gérer votre stress avec la cohérence cardiaque par exemple ;
- consommer l’alcool de manière raisonnée et occasionnelle ;
- arrêter la cigarette si vous êtes fumeuse ;
- avoir un sommeil de qualité ;
- prendre soin de son bien-être psychosocial pour se sentir épanouie.
Aussi, pour une prévention optimale, un dépistage précoce devrait être effectué à des moments clés de notre vie :
- de 18 à 25 ans, si association d’une contraception à base d’œstrogène avec le tabac ;
- de 45 à 50 ans en pré-ménopause, c’est fondamental ;
- de 60 à 65 ans, puis de 70 à 75 ans pour la surveillance des facteurs de risque.
Si vous êtes déjà porteuse de stents coronariens à la suite d’une ischémie myocardique, il est encore temps d’adopter de bons comportements pour prévenir toute récidive. Combinés à la prise de vos médicaments, ils ralentiront la progression de la maladie, voire diminueront les autres plaques d’athérome existantes. Encourageant, vous ne trouvez pas ?
Suite à l’hospitalisation, seulement une femme sur cinq va en rééducation cardiaque contre un homme sur trois. Cependant, cette continuité des soins est indispensable pour apprendre à vivre avec sa maladie et repartir sur de bonnes bases pour être actrice de sa santé. Acceptez-la lorsqu’elle vous sera proposée. Sinon, demandez-la à votre médecin !
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Retenons que les maladies cardiovasculaires concernent aussi les femmes, mais surtout qu’elles les touchent de plus en plus jeunes. Le diagnostic de l’infarctus chez la femme est complexe à cause de préjugés, d’un manque d’informations et d’une symptomatologie atypique. En renforçant la prévention et le dépistage précoce, il est certain que des centaines de vies seront préservées. Alors n’attendez plus et parlez-en autour de vous !
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Clarisse Lecigne, pour e-Writers.
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Daphné, tuteur de formation chez FRW.
Sources :
Institut Montaigne. Inégalités de santé entre femmes et hommes : comment agir concrètement ? Publié en septembre 2022.
Public Sénat. Documentaire de Sénat en action. Santé des femmes, une inégalité ignorée. Publié en mai 2023. Disponible jusqu’en mai 2026.
Centre canadien de santé cardiaque pour les femmes
Pr Claire MOUNIER-VÉHIER, Pr André VACHERON, Thierry DRILHON, Marc LADREIT DE LACHARRIÈRE. Conférence : Mon combat pour le cœur des femmes ; le 23 novembre 2023 ; au Ministère de la Santé et de la Prévention à Paris ; France.