À mesure qu’elles évoluent et croissent en nombre, les technologies de la santé s’imbriquent et s’intègrent en un seul système : l’e-santé. Il est difficile, aujourd’hui, de distinguer le domaine de l’Intelligence artificielle du Big Data (ou données massives), et de celui, en apparence éloigné, du séquençage du génome humain. On ne peut pas parler de la télémédecine sans évoquer la m-santé (mobile-santé) qui englobe les objets connectés et autres appareils d’automesure parfois appelés Internet des Objets Médicaux. L’innovation technologique dans la santé n’est donc pas un ensemble de nouveautés dont on pourrait établir un inventaire exhaustif et définitif, mais un mouvement, une dynamique. En voici quatre axes.

1. Télémédecine et Covid-19 : le beau cadeau de la crise sanitaire

Le terme e-santé décrit l’utilisation des nouvelles technologies dans la santé et le bien-être. Dans le contexte du système de santé français, l’e-santé se divise en deux segments : le Système d’Information de Santé (SIS) et la télésanté.

Le SIS est le fondement de l’e-santé. Invisible pour l’usager ordinaire, il gère, entre autres, le Système d’Information Hospitalier (SIH), l’exploitation du dossier médical partagé (DMP), le système de la carte Vitale, etc.

La télésanté regroupe la télémédecine et la m-santé (smartphones, applications pour mobiles et autres objets connectés liés à la santé). En France, la télémédecine est le seul domaine de l’e-santé à avoir une existence légale. Le décret du 19 octobre 2010 relatif aux soins à distance fixe les conditions de son exercice et identifie les cinq actes réalisables à distance :

  1. la téléconsultation (la consultation donnée par un médecin) ;
  2. la télé-expertise (la collaboration entre professionnels médicaux) ;
  3. la télésurveillance (surveillance d’un patient par un professionnel médical) ;
  4. la téléassistance (l’assistance apportée par un professionnel médical à un autre) ;
  5. la régulation (le premier diagnostic établi par les médecins du SAMU).

Concernant les téléconsultations, il y a l’avant et l’après-Covid-19. Ainsi, durant le mois de février 2020, 40 000 téléconsultations ont eu lieu. Deux mois plus tard, suite à l’état d’urgence sanitaire instauré le 23 mars 2020, leur nombre est passé à un million par semaine !

Nombre de teleconsultations suite a la crise sanitaire

Évolution du nombre des téléconsultations en France. Source : assurance-maladie.amelie.fr

 

Avec la Covid-19, usagers et professionnels ont observé les avantages de l’innovation technologique en santé (accès aux soins, désengorgement des établissements médicaux, économies, etc.) Mais des lacunes sont également apparues. Par exemple, il s’est avéré que les déserts médicaux (où la télémédecine est le plus utile) sont aussi des zones blanches (où l’Internet fait défaut). Ce sont, néanmoins, des obstacles surmontables grâce, entre autres, à l’Internet par satellite et à la démocratisation de la m-santé.

2. M-santé et Internet des Objets Médicaux : l’ère du patient connecté 

Après le logement et les transports, la santé est le domaine le plus impacté par les objets connectés. Il s’agit essentiellement d’appareils grand public (smartphones, montres et bracelets connectés, traqueurs d’activité, tensiomètres, etc.). Leur nombre devrait atteindre les 50 milliards d’ici 2025.

Articles de bien-être ou outils médicaux ?

La plupart de ces objets ne sont pas reconnus comme des appareils médicaux. Leur but étant de donner de simples informations telles que le rythme cardiaque, ils sont considérés comme des objets connectés et rien d’autre.

 Telemedecine et les objets connectes

L’Internet des objets connectés est en train de réinventer la santé. Source : Eurasanté.com

En revanche, certains appareils sont définis comme étant des outils médicaux à part entière. Il s’agit de dispositifs capables d’interpréter les données qu’ils collectent, donc de fournir un diagnostic sur l’évolution d’une maladie chronique (diabète, asthme, hypertension artérielle, etc.).  L’EchOpen (ou echostéthoscope), une sonde d’échographie branchée sur smartphone développée par la start-up française du même nom, en est un exemple. Connectés en réseau autour du patient, ces objets forment l’Internet des Objets Médicaux (IOM), souvent désigné sous le nom de « Internet of Medical Things » ou « IoMT ».

Les objets connectés : une source de données intarissable 

Ces objets génèrent d’énormes quantités de données (Big Data). Exploitée dans la recherche, la Big Data accélère le développement d’une médecine préventive, en partie prédictive, plus personnalisée et moins coûteuse. Considérées comme la matière première de l’innovation technologique à venir, ces données massives suscitent d’autant plus d’enthousiasme qu’elles sont inépuisables !

Pour l’instant, ces dernières sont principalement stockées par les géants du Web (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Ils s’en servent dans l’élaboration de systèmes d’intelligence artificielle toujours plus puissants et novateurs. Google Health, un système d’archivage de dossiers médicaux est un exemple.

En France, les données fournies par la m-santé sont peu exploitées. Produites sans encadrement médical, elles sont considérées comme étant peu fiables. Selon certains spécialistes, ce désintérêt est une erreur à rectifier d’urgence. C’est l’avis, entre autres, de l’équipe de cardiologie de l’hôpital européen Georges Pompidou et des médecins initiateurs du site automesure. D’après eux, Big Data et IA sont en train de refonder la médecine et toute hésitation à prendre la vague pourrait coûter cher.

3. Intelligence artificielle et Big Data : le moteur et le carburant de l’innovation technologique en santé

L’intelligence artificielle décrit tout système exploitant un certain nombre de technologies pour réaliser des opérations qui, d’ordinaire, nécessitent l’intervention humaine. Pour être exploitable, un tel système doit garantir un degré de fiabilité comparable à celui d’un jugement humain.

Dans la pratique, l’IA peut accomplir des tâches dont l’homme ne serait jamais capable. Le logiciel de diagnostic Rayvolve de l’entreprise française AZmed peut ainsi détecter en moins de 0,2 seconde des anomalies qui seraient passées inaperçues autrement. En médecine prédictive, l’IA apporte aux professionnels des outils de travail qui vont multiplier leur performance dans des domaines comme :

  • l’anticipation des épidémies ;
  • le diagnostic précoce et fiable de certaines pathologies (cancer de la peau, rétinopathie diabétique, etc.) ;
  • la prise de décision thérapeutique rapide, précise et personnalisée ;
  • la fabrication de prothèses intelligentes ou encore de robots compagnons destinés à assister les personnes âgées, malades ou souffrant de handicap ;
  • l’exécution rapide et peu coûteuse de tâches routinières ;
  • la recherche ;
  • etc.

L’impression 3D est une autre illustration des possibilités offertes par la Big Data et l’IA. Cette technique consiste à fabriquer, à partir d’un fichier informatique, un objet tridimensionnel en superposant des couches de matière. En médecine, l’impression 3D n’utilise pas des matières synthétiques, comme dans l’industrie, mais une « encre biologique » constituée de cellules vivantes et de biomatériaux. Cartilages et tissus de foie vascularisés ont ainsi été réalisés. Il est permis, désormais, d’envisager la fin du lancinant problème du don d’organes, mais aussi celui du rejet de greffe. En effet, les cellules des greffes seront adaptées ou proviendront du patient lui-même.

4. Séquençage ADN et édition génomique : dérives en vue ?

L’autre segment de la recherche médicale que la Big Data et l’IA sont en train de réinventer est celui de la génomique. En ce sens, l’achèvement en 2003 du projet Human Genome Project, qui avait abouti au premier déchiffrement de l’ensemble des lettres de l’ADN humain, constitue un moment historique. C’est aussi un repère qui permet d’évaluer les progrès réalisés par la suite.

Séquençage ADN

Ce programme a nécessité 13 années de travail, un investissement de 3 milliards de dollars et la collaboration de 20 000 spécialistes internationaux. En 2021, des sociétés privées réalisent la même opération en quelques jours et pour un coût bien inférieur à 1 000 dollars !

Cout du sequencage humain

Évolution du coût du séquençage du génome humain. Source : National Human Genome Research Institute (États-Unis)

Le séquençage ADN de millions d’individus génère des données qui permettront des soins adaptés. Le séquençage de tumeurs cancéreuses a déjà montré qu’il n’existe pas un seul, mais plusieurs gènes du cancer. Désormais, les spécialistes considèrent cette pathologie comme une multitude de maladies exigeant chacune un traitement différent.

De même, les médecins peuvent aujourd’hui d’établir un diagnostic génomique complet du fœtus à partir d’une simple prise de sang chez la mère. Cela est possible grâce à de puissants algorithmes capables de distinguer les séquences ADN de la maman de celles du fœtus.

Édition génomique

La démocratisation du séquençage du génome est d’autant plus déterminante qu’elle a lieu dans un contexte où les spécialistes de l’ADN multiplient les exploits spectaculaires. On peut citer les techniques d’édition génomique permettant d’introduire un gène sain ou de corriger une mutation dans les cellules d’un patient. La plus médiatisée de ces techniques est sans doute celle appelée CRISPR-CAS9. Connue sous le nom de « ciseaux moléculaires », elle consiste à couper une partie d’un brin d’ADN pour la remplacer par une autre.

Toutes ces percées suscitent des espoirs, mais aussi des inquiétudes. Certains s’alarment déjà de voir l’eugénisme revenir au galop, cette fois sous les oripeaux du droit à un corps parfait. Mais la révolution en cours dans la santé fait craindre bien d’autres effets comme :

  • la fragilisation des rapports entre médecin et patient par la télémédecine et la m-santé ;
  • l’exploitation abusive des données de santé à des fins commerciales ou autres ;
  • la déshumanisation du corps par un recours injustifié aux prothèses, aux implants électroniques, aux organes conçus en laboratoire, aux modifications de l’ADN ;
  • la pollution numérique due à une surconsommation de dispositifs connectés, etc.

En clair, ces avancées pourraient avoir un coût bien plus élevé que prévu en matière de liberté, d’éthique et d’écologie. Pour ne pas être pris de court, nous devons, dès à présent, savoir quel prix nous serons prêts à payer. Aussi, pensez-vous qu’apprendre à vivre avec les limites de notre corps soit, à terme, le meilleur gage d’une authentique bonne santé ?

 

Mohammed Saïd Medjoudj pour e-writers

Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.

Article relu par Agathe, tutrice de formation chez FRW.

Sources principales :

https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/38509-nouvelles-technologies-sante

https://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/9500/2016_29_23.pdf?sequence=1

https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_final_Telemedecine.pdf?