Discret et quasi invisible, le lynx boréal est le plus grand félidé autochtone de France issu de la faune sauvage. Disparu de notre territoire depuis le début du 20e siècle, ce chasseur méconnu est de retour dans nos forêts grâce à de récentes réintroductions. Sa population s’est développée malgré la concurrence des activités humaines. Difficile à observer et moins médiatisé que le loup ou l’ours, il s’est fait oublier en matière de préservation. Il est sur la liste rouge des espèces menacées de l’IUNC, classé en danger. À présent, un grand plan d’action est lancé afin de protéger ce prédateur vulnérable en voie de disparition.

 

L’histoire de la présence du lynx boréal en France d’hier à aujourd’hui

Ce carnassier silencieux et solitaire hante les forêts européennes depuis le paléolithique. Sur notre territoire, la cohabitation avec l’homme lui a été pourtant fatale.

Une espèce ancestrale qui disparaît au début du 20e siècle en France

Dès la préhistoire, la présence du fauve est attestée quasiment partout en Europe, autant dans les massifs montagneux que dans les plaines. Les Pyrénées forment une limite à son développement, et c’est une autre espèce, le lynx pardelle, qui peuple la péninsule ibérique.

Familier des forêts rocheuses, il chasse les ongulés de petite taille (chamois, chevreuil…), les oiseaux, les mustélidés… Son pelage gris-brun tacheté de noir et ses oreilles en panache en font un prédateur redoutable, qui entre peu en concurrence avec l’humain. Pourtant, c’est à ces derniers qu’il doit sa disparition en France et ailleurs en Europe.

À partir du Moyen-âge, et durant des siècles, sa population décroit, étroitement liée à l’expansion de nos sociétés. Les déboisements nécessaires à l’installation des villages et à l’agriculture réduisent pas à pas son habitat naturel. Ses proies habituelles, également chassées par l’homme, voient leurs effectifs diminuer à leur tour. Acculés, les derniers survivants sont progressivement refoulés dans les forêts montagneuses qui fournissent encore refuge et nourriture suffisante. Mais à ces deux facteurs, s’ajoutent les éradications régulières, pour évincer ce rival injustement craint. En effet, il s’attaque peu aux animaux d’élevage, et rarement aux personnes. Le braconnage pour prélever leur fourrure complète ce triste sort.

Repoussé vers les hauteurs, dans des espaces qui s’amenuisent, soumis à la pression humaine, le félin disparaît des Vosges dès le 17e siècle. Quelques individus persistent dans le Jura jusqu’au 19e siècle, jusqu’au début du 20e siècle dans les Alpes et les Pyrénées. Durant les décennies suivantes, plus aucune trace de sa présence ne sera attestée sur notre territoire. Dans le reste de l’Europe, les effectifs sont alors tout près de l’extinction.

 

La réapparition du lynx boréal depuis les années 70 jusqu’à aujourd’hui

Après 1950, des mesures favorables au retour du prédateur sont appliquées en Europe du Nord et de l’Est (reforestation, politique en faveur des ongulés, législation…). Les effectifs des groupes résiduels augmentent alors. Des prélèvements sont envisagés pour une réintroduction dans les territoires qu’il a désertés.

Ainsi, dans les années 70, 20 spécimens sont relâchés dans les Alpes suisses. Dès 1974, leur présence est repérée en France. À partir des versants français du Jura, ils se répandent dans toutes les forêts jurassiennes propices à leur reproduction. Leur nombre progresse et ils s’y ancrent solidement. Ce foyer, de 76 à 121 individus, peut servir de réservoir pour la colonisation d’autres espaces.

L’unique programme de réintroduction du carnassier naîtra dans les Vosges entre 1983 et 1993, libérant 21 félins dans le massif. Finalement, seule une dizaine seront à l’origine de l’établissement d’une petite population vosgienne. Les autres seront victimes de braconnage ou incapables de s’adapter. Environ 19 à 30 individus y survivent difficilement. Leur situation reste très inquiétante.

Dans les Alpes, plusieurs réintroductions ont eu lieu en Suisse, Autriche et Slovénie de 1971 à 1979. Pourtant, ce voyageur furtif a probablement suivi d’autres voies, en empruntant des corridors depuis le nord du Jura. Puis il s’est sans doute répandu vers le sud, jusque dans les Alpes. La population y évolue très lentement, de 13 à 21 individus seulement.

Le lynx vit sur de grands espaces, dans de petits groupes fragmentés. Très discret, sa géolocalisation est compliquée. Généralement, c’est par des signes indirects (traces, empreintes, restes de proies) qu’il est repéré. Le nombre total d’animaux est donc difficilement estimable, environ 200 individus actuellement en France. Les chiffres récents semblent indiquer une légère et préoccupante diminution de sa population.

 

Les menaces et le plan d’action pour préserver le plus grand félin sauvage de notre territoire

Le lynx boréal demeure une espèce en danger, protégée au niveau européen et français. Récemment, une prise de conscience se manifeste face aux menaces qui pèsent sur lui.

De nombreux périls essentiellement d’origine humaine

Les dangers varient selon les régions, mais l’humanisation des territoires entraîne l’essentiel des insécurités que subit le carnivore. Elle engendre, localement, de nombreux conflits. Ce grand chat bénéficie d’une image plutôt positive chez les citadins peu impactés, ce qui est moins le cas dans les campagnes.

Les destructions illégales

Le braconnage représenterait 32 % des décès dans le Jura suisse. Des enquêtes en France suggèrent plus de 20 cas depuis 1970 (chasse, pièges…). La recherche des coupables aboutit rarement et les peines encourues demeurent peu dissuasives.

Les collisions avec des voitures ou des trains

Souvent fatales, elles s’élèvent à plus de 140 depuis 1970. C’est la première cause de mortalité du lynx boréal en France. Les plus jeunes, inexpérimentés, sont les plus exposés.

La fragmentation de l’habitat

Les animaux sont dispersés sur de petits territoires, entourés de routes à franchir pour trouver partenaire et subsistance. Les différents groupes se rencontrent difficilement, limitant le brassage génétique, à long terme, préjudiciable à l’espèce.

La coexistence avec l’élevage

Moins de 100 attaques annuelles sont recensées en France sur des troupeaux domestiques, chiffre variable selon ces dernières années. Malgré quelques contestations, le climat s’est récemment apaisé. L’indemnisation des pertes subies et les aides préventives tempèrent les conflits. Le fauve demeure cependant un problème pour les éleveurs.

La coexistence avec la chasse

L’animal est un concurrent. Pourtant, les chasseurs reconnaissent sa place naturelle dans nos massifs. Ils revendiquent une régulation des populations de félins, responsables selon eux, de la baisse du nombre de certains ongulés dans nos forêts. Ils regrettent d’être peu consultés alors qu’ils estiment avoir toute légitimité à intervenir dans la gestion des forêts, et donc du lynx.

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Le plan d’action pour protéger le lynx boréal en France

De 2022 à 2026, dans le cadre du Plan national d’action (PNA), différentes dispositions seront adaptées selon les massifs montagneux. Elles doivent permettre au félin de s’installer durablement dans les espaces colonisés, sans régulation humaine.

L’amélioration des relations entre le prédateur et les activités de chasse et d’élevage

Les divers acteurs doivent être informés et sensibilisés aux mesures de protection de l’espèce. La médiation, l’indemnisation financière en cas d’attaque de bétail, la résolution rapide des problèmes contribuent à cette réduction des conflits. Les chasseurs participeront davantage à sa sauvegarde. Éclairés et sensibilisés, ils interviendront dans le comptage et le suivi des individus.

La limitation des collisions sur les axes routiers et les voies ferrées

L’aménagement du territoire doit progressivement tenir compte des aires de répartition et des échanges d’animaux entre elles. L’identification des lieux de passage meurtriers permettra d’envisager des ouvrages de sécurisation : pont de franchissement entre 2 zones au-dessus d’une route, grille de protection… Le public sera informé des espaces qu’il habite afin de favoriser une conduite plus prudente. Des recherches approfondies de leurs déplacements assureront un meilleur suivi des flux migratoires.

Des études sur la perception des lynx par le grand public

Elles guideront les stratégies développées pour soutenir son acceptation et diminuer les comportements qui dérangent l’espèce.

Des investigations pour enrichir les connaissances

L’étude de la génétique, le régime, la prédation de la bête apporteront les données nécessaires pour optimiser la surveillance ou articuler les différentes actions.

Des évaluations régulières mesureront les effets de ce plan afin de l’améliorer et de le poursuivre.

 

Symbole de la faune sauvage et d’une cohabitation possible avec les hommes, le félin jouit d’une certaine popularité. Son image de gros chaton sympathique œuvre pour sa préservation, contrairement aux autres grands prédateurs. Il peut jouer le rôle d’ambassadeur de toutes les espèces menacées en France. Régulation des ongulés, développement du tourisme des grands carnivores et retombées économiques potentielles sont à inscrire à son tableau de chasse. Les populations se maintiennent et progressent lentement. Ces premières victoires sont à confirmer et à poursuivre par les générations futures. Elles devront s’appuyer sur une coopération entre les pays d’Europe Centrale, car le territoire et l’expansion du lynx boréal n’ont pour seules frontières que celles que l’humain lui impose.

 

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Virginie Chamas pour e-Writers

Article rédigé lors de la formation en rédaction web chez FRW.

Article relu par Anne, tutrice de formation chez FRW.

 

Sources :

https://theconversation.com/mieux-connaitre-le-lynx-boreal-grace-a-lecologie-statistique-147241

https://www.ferus.fr/lynx/le-lynx-conservation-et-presence-en-france

https://www.geo.fr/environnement/un-plan-national-daction-pour-le-lynx-boreal-parent-pauvre-des-grands-predateurs-en-matiere-de-preservation-207571

https://www.plan-actions-lynx.fr/