Plaisir pour les uns, corvée pour d’autres, lire ne laisse pas indifférent. C’est l’un des apprentissages fondamentaux à l’école primaire. Les chercheurs en neurosciences se sont, eux aussi, intéressés à cette pédagogie. Ils ont ainsi mis en évidence l’importance du décodage pour la lecture. Vous souvenez-vous de vos découvertes de lecteur débutant ? Quelle fierté pour un enfant de 6 ans de déchiffrer ses premiers mots ! Mais comment faciliter le développement de cette compétence ? Savez-vous qu’elle se prépare bien en amont ? Apprendre à lire est un véritable parcours stratégique. Avec cet article, plongez au cœur de l’acquisition incroyable du code alphabétique.
Pourquoi les neurosciences valident l’apprentissage du décodage ?
Une définition du décodage
Dans le domaine de l’écrit, décoder les mots, c’est être capable de les identifier pour in fine, leur donner un sens. Le code qu’il faut maîtriser pour cela est celui des correspondances graphèmes-phonèmes. Il s’agit des liens entre les lettres ou des groupes de lettres (graphèmes) et les sons de la langue (phonèmes). Le décodage est donc l’une des toutes premières étapes de la lecture.
Faites un léger bond dans le temps et imaginez que vous retournez au cours préparatoire. Quand vous voyez le mot « banane » à l’écrit, vous identifiez la première lettre comme étant le graphème qui code le phonème [B] à l’oral. Vous faites de même avec les autres sons, que vous apprenez au fur et à mesure en classe : c’est le fameux « b…a, ba ». Bien sûr, au fil du temps, vous devenez un lecteur de plus en plus entraîné : les correspondances graphèmes-phonèmes s’automatisent. Cela vous permet de lire plus précisément et plus rapidement. Vous pouvez vous consacrer pleinement à la compréhension du texte.
Les avancées des neurosciences
D’importants débats ont existé concernant la meilleure façon d’enseigner la lecture. Deux visions s’opposent. L’approche phonologique s’appuie sur les correspondances graphèmes-phonèmes que nous venons de décrire. Au contraire, une autre perspective, globale, privilégie la reconnaissance générale des mots.
Cette controverse a moins lieu de perdurer aujourd’hui. La recherche scientifique internationale tend à accumuler les preuves en faveur de la vision phonologique. En France, les travaux de Stanislas Dehaene, vulgarisés par l’ouvrage sur Les neurones de la lecture, tendent à apporter des éléments sur le fonctionnement du cerveau pendant la lecture. Un fonctionnement où les correspondances graphèmes-phonèmes ont une place centrale !
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Comment travailler le décodage pour la lecture ?
« Heureux ceux qui aiment à lire. » Fénelon
Booster les pré-requis à la lecture
Le langage oral est le pilier sur lequel l’enfant bâtit ensuite ses compétences en lecture et orthographe. En CP, il possède normalement déjà un solide bagage. Ses parents ont pu l’aider, tout au long des années de maternelle, à développer son vocabulaire, ses facultés à construire des phrases correctes et à raconter des histoires.
Dans la continuité, la conscience phonologique est la capacité à manipuler les sons de sa langue. Parmi les premiers jalons de cette compétence, on retrouve : le découpage des mots en syllabes, l’identification de rimes ou l’inversion de deux syllabes. Peu à peu, l’enfant pré-lecteur affine ses connaissances. L’entraîner à segmenter et fusionner les phonèmes lui permet de mieux entrer ensuite dans la lecture. Ainsi, on l’encourage à repérer le premier son, puis tous les sons d’une syllabe, d’un mot, etc. Très vite, on peut introduire l’écrit dans ces exercices.
Craquer le code alphabétique
Le principe du code alphabétique doit être enseigné de manière explicite aux apprentis lecteurs. En l’associant progressivement aux exercices de fusion-segmentation phonémique, on ouvre la porte à l’intégration des correspondances graphèmes-phonèmes. Il existe des recommandations scientifiques en matière de progression, comme celles proposées par Sprenger-Charolles en 2017.
Utiliser des ressources numériques
Certains jeux vidéo se révèlent une aide précieuse dans l’apprentissage de la lecture. Tout comme ils peuvent booster nos performances cognitives, ils savent accompagner les enfants vers les livres. C’est le cas de l’application GraphoLearn, conçue par une équipe de chercheurs et disponible gratuitement. Il suffit de créer son avatar à sa guise et de se laisser guider dans les différents niveaux. Voici une façon ludique et progressive de renforcer sa maîtrise du code alphabétique !
Une autre application, Corneille, propose un parcours au pays des phonèmes, des syllabes, des mots puis des textes. Dans un univers au joli graphisme, les étapes préconisées par les approches cognitives récentes sont respectées. On peut ainsi, dès 3 ans, exercer ses habiletés à décoder le langage écrit.
S’entraîner régulièrement à déchiffrer des textes
La lecture est comme un sport : seul un entraînement régulier permet d’accéder à une automatisation et à une certaine performance. Lire tous les jours, en dehors des devoirs, offre la possibilité de gagner en fluidité et en ressources pour mieux comprendre. Cela devient aussi une occasion de passer un moment ludique en famille autour d’une lecture-plaisir.
Et si apprendre à lire est difficile ?
Des difficultés variées pour décrypter les mots
Vers 6/7 ans, des difficultés en lecture peuvent être identifiables chez certains élèves. Chez d’autres, elles ne se manifestent que plus tard. Parmi les signes d’alerte, on retrouve une conscience phonologique fragile et une lenteur à mémoriser le nom des lettres. Ensuite, des erreurs récurrentes en lecture et en orthographe sont observables, comme des confusions de lettres, des omissions de graphèmes ou de mots, des ajouts, etc.
Les interventions pédagogiques ciblant la lecture
Les enseignants repèrent les élèves ayant des difficultés à entrer dans le décodage dès les premières semaines de cours. Du soutien scolaire au sein de l’école est proposé afin de renforcer les apprentissages menés en classe. Il peut être pertinent d’utiliser des méthodes pédagogiques telles que Borel-Maisonny. Grâce à des gestes associées à chaque phonème, l’enfant prend davantage conscience du code alphabétique. L’intervention d’un enseignant spécialisé du RASED (réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté) est préconisée si les difficultés persistent.
💡 Si les pédagogies innovantes vous interpellent, plongez-vous dans cet article sur l’apprentissage de la lecture en maternelle.
L’aide de professionnels de santé en langage écrit
On considère généralement que 4 à 5% des élèves d’une classe d’âge présentent un trouble spécifique du langage écrit, anciennement appelé dyslexie-dysorthographie (synthèse du comité scientifique de la FFDys). Si les difficultés en lecture persistent au-delà de 6 mois, malgré une pédagogie adaptée et renforcée, un médecin peut orienter l’enfant et sa famille vers un orthophoniste. Celui-ci réalise alors un bilan et détermine si une prise en soin est nécessaire, assortie d’un projet thérapeutique. Avec, en ligne de mire, l’objectif d’un décodage efficace pour permettre ensuite une bonne compréhension.
Une lecture fluide et rapide, fonctionnelle, ouvre la porte de bien des mondes : celui de la littérature, mais aussi du travail, de l’univers numérique, etc. Décoder ses premiers graphèmes n’est que le début d’une longue suite de découvertes qui mènent vers une certaine liberté.
➡️ À parcourir : des idées de lectures pour les enfants dyslexiques, qui correspondent aussi aux apprentis-lecteurs.
Gersende D., pour e-Writers
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Périne, tutrice de formation chez FRW.
Sources :
- Cours de Stanislas Dehaene au Collège de France sur la lecture.
- Sprenger-Charolles, L. Une progression pédagogique construite à partir de statistiques sur l’orthographe du français (d’après Manulex-Morpho) : pour les lecteurs débutants et atypiques. ANAE, vol. 148, 2017, pp. 247-256,
- Site de la Fédération Française des Dys.
- Site de l’application GraphoLearn.