Nous avons tous été influencés par nos parents pour faire un choix, ou eu peur de contredire notre hiérarchie. En psychologie, nous parlons de biais cognitif lorsque notre raisonnement est tronqué et prend des raccourcis. Le biais d’autorité repose sur la crédibilité que nous accordons spontanément à une personne en fonction de son statut ou de son métier au détriment de son argumentation. Selon notre environnement, et le contexte social et culturel, nous déterminons différents types de figures d’autorité capables de persuasion. Découvrez l’essentiel à savoir sur ce biais.

« Les peuples adorent l’autorité. »

Charles Baudelaire, dans « Journaux intimes », 1887.

1 – Décrypter le biais d’autorité

Définition du biais d’autorité

À ce jour, les experts estiment qu’il existe entre 200 et 300 biais cognitifs répartis entre trois et six catégories. Celui d’autorité fait partie de celle liée à notre capacité de raisonnement et au jugement qui influence fortement notre prise de décision. Il se déclenche lorsque nous sommes aveugles et crédules face aux discours d’une figure d’autorité. Et ces dernières sont nombreuses ! Que le type d’autorité soit parental, professoral ou bien encore hiérarchique, nous y sommes soumis dès l’enfance. Nous apprenons à obéir à nos aînés, à l’uniforme ou à notre manager. Si cette obéissance sert avant tout à nous protéger, à nous éduquer et à vivre en société, elle peut dans certains cas devenir néfaste. Elle se transforme alors en biais d’autorité.

« Les 20 premières années d’un jeune sont passées à fonctionner comme un élément subordonné dans un système d’autorité ».

Stanley Milgram

Découverte du biais

expérience panneau danger électrique pour tester l'influence dans les choix

Expérience électrique pour tester l’influence – Source : Jewel Tolentin pexel.com

Avez-vous déjà entendu parler de l’expérimentation de la chaise électrique ? Tout commença dans les années 60, lorsque Stanley Milgram (expérimentateur et psychologue) la mena pour comprendre le niveau d’obéissance d’un individu. Dans son livre « Soumission à l’autorité », il partage avec nous ses conclusions. M. Milgram donne l’ordre à des personnes d’en électrocuter d’autres, et augmente progressivement le voltage. Il découvre que 62,5 % des sujets conduisent l’expérience à son terme en infligeant trois décharges de 450 volts malgré les supplications des « victimes ». Rassurez-vous, personne n’a été blessé, les électrocutés étaient tous des acteurs. Le psychologue ouvre ainsi la voie à de nombreuses recherches pour mieux comprendre le fonctionnement de la prise de décision. Notamment celles d’Amos Tversky et Daniel Kahneman (prix Nobel d’économie en 2002) sur les différents schémas de pensées et l’apparition de l’expression « biais cognitif ».

À travers l’histoire

Nous l’avons vu, nous sommes soumis à l’autorité dès la naissance, et ce, depuis la nuit des temps. Afin de survivre, l’homme s’est réuni en groupe et a créé des nations. Parmi les grandes figures de l’autorité, nous pouvons citer nos rois ou nos représentants religieux. Ils ont façonné notre histoire en instaurant des lois et des croyances, parfois jusqu’à l’absurde ! Pensons par exemple aux procès des animaux au Moyen Âge. Les pouvoirs décidèrent un jour que les animaux étaient responsables de leurs actes. Ou l’histoire de Galilée, savant italien du XVIIe siècle, qui défendait la thèse de Copernic sur les mouvements célestes, mettant en évidence que la terre n’était pas le centre de l’univers. L’inquisition a qualifié ses propos d’hérétiques et il fut, entre autres, condamné à abjurer sa doctrine.

 « Les spécialistes admettent généralement que la Terre est immobile au centre de l’Univers et considèrent l’opinion contraire comme inconcevable, et même ridicule. Cependant, on peut montrer, par une étude plus approfondie, que la question n’est pas tranchée. »

Nicolas Copernic, « Des révolutions des orbes célestes », 1543

2 – Détecter l’argument d’autorité dans notre quotidien

Les publicitaires, les grands consommateurs du biais

Maintenant, veuillez ouvrir vos placards. Que l’on me jette la première pierre si vous n’en avez pas au moins un produit vantant la préconisation d’un expert : une crème conseillée par un dermatologue ou des céréales recommandées par des nutritionnistes ! L’argument d’autorité est la spécialité de nos publicitaires. En marketing, il est roi ! Après tout, nous ne remettons pas en cause les conclusions de notre dentiste ! Même quand il nous explique que nous avons une carie, alors que nous n’avions pas mal aux dents. Pourquoi aurait-il tort à propos de ce dentifrice ? Il s’agit ici de l’utilisation consciente du biais. Clément Viktorovitch, dans son livre « le pouvoir rhétorique », défini l’argument d’autorité en disant qu’il consiste « à fonder la validité d’une proposition sur la crédibilité d’une personne ou d’une institution. »

Les influenceurs, les nouvelles figures d’autorité

L'expression « fake new » est écrite manuellement en rouge sur un document ressemblant à un rapport. Cette image fait référence aux fausses informations véhiculées par les figures d'autorité.

Fake news ! (source = Cottonbro)

Avec l’apogée des réseaux sociaux, nous avons vu l’émergence d’un nouveau métier : les influenceurs ! Si la majorité d’entre eux bénéficient de l’effet de halo, parmi eux se cachent des spécialistes. Nous trouvons par exemple des diététiciens qui recommandent la consommation de compléments alimentaires et qui mettent en avant une marque. Mais rappelez-vous que c’est aussi le terrain de jeux des fake news, et qu’elles peuvent être relayées par ces figures d’autorité. Ce fut par exemple le cas pendant la pandémie, avec l’affaire Didier Raoult. Ce médecin avait twitté en décembre 2020 sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine, allant contre les conclusions des recherches du CHU d’Angers.

Les intelligences artificielles génératives (IA), figures de demain

Bien sûr, nous ne pouvons pas passer à côté des IA. Leur usage depuis 2022 est exponentiel et leur progrès fulgurant. Mais, aussi bon que soit ChatGPT, rappelons-nous qu’il base toutes ses réponses sur les informations qu’il a reçues de son utilisateur ou qu’il a trouvées sur Internet. En s’intégrant dans nos systèmes informatiques et nos processus, il serait facile et reposant de confier nos prises de décision à l’IA pour nous déresponsabiliser et alléger notre charge mentale. Mais elle est un outil créé par l’homme pour l’homme. Par conséquent, l’IA peut avoir ses propres biais et être faillible !

👉À lire aussi, une autre dérive du biais d’autorité : Gare aux gourous : une analyse en 4 dimensions de l’emprise fanatique

3 – Dominer l’influence de ces fortes personnalités sur nos décisions

« Nullius in verba » (ne croyez personne sur parole)

devise de la Royal Society (académie scientifique indépendante britannique), 1662

Prendre conscience de son existence

Pour réduire l’impact de ce biais cognitif, il faut commencer par le connaître, puis le comprendre afin de l’accepter. Notre cerveau cherche des moyens pour faciliter la prise de décision, et c’est normal. Dans la majorité des cas, se fier à une figure d’autorité est sans risque. Il n’y a pas forcément de mauvaise intention de sa part quand elle émet une opinion ou transmet une information. Elle est humaine et peut se tromper en toute bonne foi. Elle se base sur les éléments en sa possession à cet instant-là. Nous devons alors prendre du recul, et nous rappeler que « autorité » ne veut pas dire « exactitude ». Les sciences et les technologies évoluent sans cesse. Cela amène parfois à contredire ou corriger des vérités que nous pensions acquises. Eh non, Pluton n’est finalement pas une planète dans notre système solaire !

Développer son esprit critique

Ne prenez plus pour argent comptant les dires des figures puissantes ou expertes. Prenez le temps d’analyser, d’écouter et d’observer. Vous pouvez développer votre esprit critique en améliorant votre culture générale et en cultivant votre curiosité. Pas d’inquiétude, vous ne deviendrez pas anarchistes en remettant absolument tout en cause. Osez simplement poser des questions pour approfondir le sujet avant de choisir. Si votre médecin vous annonce une maladie grave et préconise un traitement, vous avez le droit de demander un second avis. Fiez-vous à votre voix intérieure, et en cas de doute, consulter plusieurs sources d’informations est toujours une bonne solution !

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Le biais d’autorité consiste donc à ne pas remettre en cause les propos tenus par des personnalités que nous qualifions de supérieurs ou d’experts sur un domaine. Mais vous l’aurez compris, vous ne pouvez pas toujours vous fier à l’uniforme, derrière celui-ci se cache un être humain capable de faire des erreurs. Vous devez garder l’esprit ouvert ! Avoir un statut ou un métier ne rend pas omniscient. Maintenant, ce qui pourrait vous mettre le cerveau en ébullition, c’est de vous dire que ces études sur les biais cognitifs ont été réalisées par des chercheurs. Ces derniers font office de figures d’autorité dans le domaine de la psychologie. Donc, je vous pose la question : ont-ils raison ?

Tiphaine BOUYAHY, pour e-Writers.

Article rédigé lors du cursus en formation rédaction web chez FRW.

Article relu par Andrée, tutrice de formation chez FRW.

Sources :

Académie de Normandie / Philosophie : l’expérience de Milgram

Larousse / Bibliographie : Galilée

Le Monde / Société : Affaire Didier Raoult

CNES / Actualité : Pluton perd son statut de planète

Vidéo de présentation des biais cognitifs, Patricia LEMARCHAND, professeur en biologie moléculaire, Université de Nantes

Visioconférence sur les biais cognitifs, Albert MOUKHEIBER, Docteur en Neuroscience et psychologue clinicien

Codex des biais cognitifs, travaux de John Manoogian III et Buster Benson

Vulgarisation des biais cognitifs

Raccourcis – Guide pratique des biais cognitifs

Bibliographie :

« Système 1 / Système 2 : les deux vitesses de la pensée » de Daniel KAHNEMAN.

« Votre cerveau vous joue des tours » d’Albert MOUKHEIBER

Images : banque d’images pexel.com