Dans un contexte de guerre – l’actualité nous le rappelle – la communication est un facteur clé pour remporter une bataille. La Première Guerre mondiale ne fait pas figure d’exception. Les soldats peuvent, selon les circonstances, utiliser des chevaux, des chiens, des ânes et des pigeons pour faire passer des messages, en plus du télégraphe et du téléphone. Comment ce minuscule volatile, que nous avons plutôt tendance à chasser d’un geste de la main, a-t-il pu être servir comme moyen de transmission ? Qui est-ce « Vaillant », ramier soldat, reconnu par la Patrie dans la France d’après-guerre ? Voici 3 points pour en apprendre un peu plus sur le rôle crucial du pigeon voyageur en 14-18.

1. Le pigeon voyageur en 14-18 : un moyen essentiel pour transmettre des informations

Pour mieux comprendre son rôle déterminant pendant la Grande Guerre, revenons sur quelques éléments importants qui en font un compagnon de choix.

  • Le pigeon est fidèle. C’est cette fidélité qui permet l’envoi de messages d’un site à un autre. Séparez un couple de volatiles et ils feront tout pour se retrouver. Ils peuvent parcourir plus de 1 000 km d’un trait !
  • Le pigeon sait se repérer. Le colombophile le laisse se déplacer librement. Au bout de plusieurs heures de vol, l’oiseau est capable de « cartographier » son environnement grâce à son compas solaire et magnétique. Bien équipé, ce petit volatile, non ?
  • Le pigeon suit une formation pour devenir « voyageur ». C’est un animal diurne. Il faut, en premier lieu, l’habituer à voler de nuit.  Il est crucial de changer sa routine pour éviter qu’il soit intercepté par l’ennemi. Ajoutons à cela les gaz, les bombes, les bruits assourdissants… Tout cela n’est pas vraiment le quotidien d’un banal pigeon. Il doit donc être adapté à tous ces éléments nouveaux et perturbants si l’on veut qu’il soit efficace pour ses missions.

Mais alors, comment cela se passe, concrètement ?

Les militaires disposent d’une série de colombiers pour accompagner les postes de commandement. Le transport de ces oiseaux est une affaire sérieuse, ce sont des soldats spécialisés qui prennent soin d’eux. Pour faire passer des messages, le couple de ramiers est séparé. L’un part au front, l’autre reste à l’arrière dans le colombier. Citons un autre critère essentiel : la nourriture. Si l’on rassasie trop le pigeon, il ne veut plus transmettre ses précieuses informations.

Le saviez-vous ? D’autres animaux peuvent nous rendre service. Ce n’est pas que l’apanage du pigeon. Découvrez comment le lézard aide à combattre l’arthrose !

2. L’oiseau-messager remarquable de la Grande Guerre : Vaillant, matricule 787-15.

Voilà, notre pigeon voyageur de 14-18 est prêt à accomplir sa mission de messager. Vaillant, au matricule 787-15, est resté dans les mémoires. Ces chiffres expliquent que notre pigeon est le 787 né en 1915.

Situons le contexte où notre héros prend place. En 1916, du côté de Verdun, le fort de Vaux est bombardé par près de 8 000 obus par jour. Sa garnison résiste sous le commandement de l’officier Raynal. 600 soldats se retrouvent encerclés, isolés des lignes françaises. Le télégraphe ne fonctionne plus. Les hommes utilisent les quatre oiseaux restants dans l’enceinte. On ne sait pas exactement ce qui se passe pour les trois premiers volatiles envoyés.

Vaillant, l’ultime oiseau est libéré avec une communication du commandant Raynal à destination de Verdun : « Nous tenons toujours, mais nous subissons une attaque […] il y a urgence à nous dégager […] c’est mon dernier pigeon. »

8 km environ séparent le fort de Vaux de la citadelle. Pourtant, il délivre son message 17 h plus tard. Comment connait-on le temps de vol d’un pigeon entre deux destinations ? L’auteur de la communication précise la date et l’heure de son écriture. Il est en de même lorsque le pigeon voyageur atteint sa destination.

Nous pouvons rejeter la faute sur le volatile, mais cela serait un peu simple (à lire aussi : Les procès d’animaux au Moyen-Âge). Il n’y a pas de procès pour notre vaillant oiseau, mais une mission périlleuse.

Les bombes fusent de toutes parts, le bruit des détonations est insupportable, les fumées le désorientent. Toujours est il que, lorsqu’il arrive, le message est obsolète.  Notre pigeon voyageur de la Guerre de 14-18 n’a pas brillé par sa réussite.
Sans réponse de l’État-major, le commandant Raynal capitule le 7 juin 1916. Les troupes allemandes saluent la vaillance et la ténacité des soldats français et forment une haie d’honneur aux assiégés.

Si les hommes du Fort se sont rendus, si le pigeon est arrivé avec un retard remarquable, pourquoi l’Histoire a-t-elle retenu cet animal particulièrement ?

3. Le volatile symbolique de la Première Guerre mondiale : un animal érigé en héros

Il n’a pourtant rien fait d’exceptionnel. On a tendance à enjoliver certains évènements, à trouver des symboles. Cet oiseau en est le parfait exemple. Unique moyen de communication au fort de Vaux, il serait arrivé mourant au colombier en délivrant son message.

Pourquoi Vaillant ? Parce qu’il faut des héros et ce pigeon voyageur de 14-18 pourrait en être un. On glorifie les soldats de Verdun, mais aussi les pigeons voyageurs. Vaillant et ses pairs remplissent des missions de communication et deviennent des êtres remarquables pour cela.

La Grande Guerre a fait d’innombrables victimes, des morts de masses, des morts anonymes. Le fait de choisir des figures, des évènements marquants est un moyen de mettre la violence à distance. Ainsi, le bastion de Vaux devient le symbole de la Résistance du soldat de Verdun.

Près de 10 ans après la Première Guerre mondiale, l’héroïque volatile reçoit les honneurs (une bague et une citation spéciale) au même titre que les soldats et d’autres animaux. Il suffit de se rendre au Mémorial de Verdun pour s’en rendre compte. Une plaque commémorative est dédiée aux hommes du fort, une autre aux colombophiles et à leurs oiseaux.

Une littérature et une filmographie se développent sur les animaux en France comme ailleurs et ne cessent de les valoriser. On peut citer Cheval de guerre de Spielberg qui raconte le conflit à travers les yeux d’un cheval. Les studios Disney ont également mis à l’honneur Vaillant, soldat et pigeon voyageur en 14-18.

La tendance à valoriser des bêtes héroïques ou pas, souffrants ou non, est assez tardive en France, mais suit le bon chemin. Les requins et les tortues ont enfin une reconnaissance de leurs droits. D’autres pays sont bien plus en avance que nous sur ce sujet : l’Angleterre a décoré de nombreux chevaux, l’Allemagne en a fait de même avec les chiens. Il n’y a que 3 monuments qui leur sont dédiés France. Pourtant, Vaillant ne tombe pas dans l’oubli.

 

Cette histoire peut paraître anodine. Elle révèle surtout le besoin de mettre à distance les horreurs et les violences vécues pendant la Grande Guerre. Il faut des figures marquantes et symboliques pour se reconstruire et faire son deuil. Au total, 60 000 pigeons-voyageurs sont utilisés pendant la Première Guerre mondiale comme « informateurs ». En 1918, la France en comptait 30 000. Au fil des quatre années de guerre, ce sont près de 20 000 volatiles, porteurs de messages, qui vont mourir en mission. Vaillant était un petit pigeon voyageur de la Grande Guerre de 14-18. Il ne doit pas faire oublier les nombreux autres animaux qui ont servi leur pays en guerre. On a toujours besoin d’un plus petit que soi finalement.

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Céline Corbin pour e-Writers.
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Nicolas Lafarge-Debeaupuis, tuteur de formation chez FRW.

Sources :

https://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/vaillant-et-ses-pairs

https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/meuse/histoires-14-18-vaillant-le-dernier-pigeon-du-commandant-raynal-1017569.html