Imaginez-vous dans un long couloir aboutissant à une immense pièce où seuls quelques rayons de lumière pénètrent difficilement. Sur une grande table sont disposés de vieux manuscrits médiévaux aux pages jaunies, parfois déchirées. Muni d’une loupe, d’un petit carnet et de quoi écrire, vous voici prêt à partir à la découverte de la science des écritures anciennes et des techniques de décryptage des textes d’autrefois. Vous êtes sur le point de répondre à la question qui vous a mené jusqu’ici : mais qu’est-ce que la paléographie ? À quoi sert-elle et quels sont les thèmes abordés ? C’est ce que nous allons découvrir dans cet article.

Présentation et origines de la paléographie

Étymologie et définition

Le mot « paléographie » vient du grec « palaios » qui signifie « ancien » et de « graphia » qui veut dire « écriture ». Il s’agit donc de la science de déchiffrement des écritures anciennes manuscrites sur des supports mous et destructibles tels que le vélin ou le papier. Elle consiste à décrypter et interpréter les différentes graphies et abréviations utilisées à travers les siècles. Et sachez qu’il existe autant de paléographies que de langues. Ainsi, vous avez pu entendre parler de paléographie latine, grecque, médiévale ou bien arabe.

Invention de cette science

Les recherches et les travaux de Jean Mabillon, un moine né en 1632 et décédé en 1707 furent les prémices de cette discipline. Il est officiellement l’initiateur d’une autre science appelée « la diplomatique ». Cette dernière repose sur une méthode de décryptage permettant entre autres de dater et authentifier un document ancien.

Le terme de paléographie a quant à lui été inventé pour la première fois au XVIIIᵉ par le moine Bernard de Montfaucon (1655-1741). À cette époque, chaque scribe possède sa propre technique pour rédiger les transcriptions des vieux manuscrits. Il lui a donc été demandé de codifier les techniques d’abréviation et de datation à employer lors des reproductions de textes en grec ancien. Avant tout très soucieux de pouvoir transmettre les événements du passé, il publie de nombreux travaux utiles aux chercheurs de son époque. Son ouvrage Paleographica Graeca publié en 1708 est toujours une source de référence pour les historiens modernes.

Usages de la science des écritures anciennes

Historiens, archivistes, étudiants ou généalogistes peuvent avoir recours à cette discipline pour mener à bien leurs recherches dès que ces dernières concernent des textes antérieurs à 1850. En effet, à compter de la seconde partie du XIXᵉ, l’écriture et le vocabulaire utilisés sont assez proches de ceux employés de nos jours.

Pour les généalogistes amateurs ou professionnels, elle est alors un outil indispensable dans leur quête d’indices et d’informations sourcées. Elle leur permet d’avancer dans la constitution d’un arbre généalogique, d’une liste d’ascendance ou de descendance. Les notaires peuvent également faire appel aux généalogistes lorsqu’ils ont pour mission d’établir des liens de filiations dans le cadre d’une succession.

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Le recours à la paléographie pour identifier, dater et classer d’anciens ouvrages est indispensable. Ainsi, une fois retranscrits, ils serviront à alimenter les fonds d’archives nécessaires au travail de recherche des disciplines citées précédemment. La transcription de documents anciens est donc un moyen de sauvegarde et met à disposition de qui veut un riche héritage de connaissances.

« Il est plus beau de transmettre aux autres ce qu’on a contemplé que de contempler seulement. » Thomas d’Aquin (1224-1274)

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Étude des styles d’écriture et du ductus

Page d'un parchemin médiéval rédigé en écriture gothique

Écriture gothique sur parchemin du Moyen Âge. Crédits photo : Pixabay

Citer toutes les écritures existantes serait trop long, mais voici trois des styles principaux que l’on peut rencontrer sur les anciens documents en France :

  1. La caroline (VIIIᵉ-XIIᵉ) appelée aussi « écriture carolingienne » a été mise en place à la demande de Charlemagne dont le souhait était d’unifier la langue parlée dans le royaume des Francs tout en continuant de promouvoir le christianisme.
  2. La gothique (XIIᵉ-XVIᵉ) est une déformation de la caroline. Toutefois ses formes sont beaucoup plus angulaires et ses traits bien réguliers. Ce style est très apprécié de nos jours par les amateurs de calligraphie.
  3. L’humanistique (XIVᵉ-XVIᵉ) est une graphie mise au point par Giovanni Francesco Poggio Bracciolini, secrétaire à la cour de Rome. Elle ressemble à l’écriture d’aujourd’hui, se base sur la minuscule caroline et les lettres capitales romaines.

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Qui dit étude de l’écriture, dit ductus. L’un ne va pas sans l’autre. Il représente l’ordre et la manière de tracer une lettre. Un tracé efficace et ordonné permet une graphie fluide et rapide. Ainsi, l’analyse de ce dernier peut aider le paléographe à dater un écrit en observant :

  • la forme des lettres ;
  • le tracé ;
  • les déformations des lettres faites par le scribe ;
  • la longueur des hastes (les traits qui remontent au-dessus de la ligne d’écriture) ;
  • la taille des hampes (les traits qui descendent en dessous de la ligne).

Analyse des langues et des supports d’époque

Prendre en compte la langue utilisée peut aussi aider à la datation d’un document. Sous l’Ancien Régime, les hommes d’Église parlent le latin, les nobles le français et le peuple le patois. On peut alors trouver des textes de cette époque en une seule langue, mais avec des styles de calligraphie variés selon la nature du document. Visualisez : un prêtre qui rédige un acte de baptême et un moine une charte. Tous les deux écrivent en latin, mais ils utilisent une police d’écriture différente et emploient leurs propres abréviations. Il n’est pas certain que l’un puisse comprendre le texte de l’autre. Imaginez un peu tomber sur la version premium des actes de cette époque qui mélange latin, patois et français. C’est pour cela qu’en 1539, François Iᵉʳ demande que tous les actes soient rédigés en français.

L’analyse des matériaux utilisés dans les supports peut livrer quelques indices d’époque. S’agissant de matières destructibles, leur état de conservation est parfois si mauvais que l’on ne peut les manipuler. Mais l’avancée en matière d’intelligence artificielle couplée à différentes méthodes d’analyses scientifiques pourrait faciliter la transcription de documents jugés à ce jour comme inexploitables. Récemment, un jeune étudiant américain a fait en sorte que l’IA déchiffre partiellement un parchemin antique carbonisé retrouvé dans les ruines d’Herculanum en Italie. C’est grâce à la mise en place d’un algorithme que ce dernier a rendu possible cette avancée incroyable.

Qu’est-ce que la paléographie ? Résumé en 3 points

Dressons à présent un bilan des principales caractéristiques de cette discipline :

  1. C’est une science auxiliaire de l’histoire nécessaire à tout professionnel ou amateur ayant besoin de connaître et vérifier les sources de ses recherches. Elle nécessite un travail d’analyse, de comparaison et de décryptage qui requiert méthodologie, minutie et patience. Ces qualités permettront à celui qui la pratique de rendre un manuel écrit ancien peu exploitable en un texte lisible et compréhensible.
  2. Son usage est accessible à toute personne souhaitant enrichir ses connaissances. Si déchiffrer de vieux manuscrits vous séduit, n’hésitez pas à vous plonger dans cet univers fascinant grâce à ce petit guide d’initiation édité par les archives départementales du Tarn. Vous pourrez par la suite suivre des cours proposés par les cercles généalogiques ou les archives. Enfin, pour se professionnaliser dans le domaine, la célèbre École des chartes à Paris est une référence en la matière.
  3. Pour terminer, la pratique de cette science est bonne pour la vivacité intellectuelle et l’accès à la culture. Vous vous sentez peut-être incapable d’apprendre autant de nouveautés ? Voici deux articles qui vous permettront de vous lancer dans l’aventure sereinement : l’un proposant des exercices de brain gym pour booster vos capacités cognitives et l’autre vous apportant 9 conseils pour apprendre efficacement.

 

Anne Androgé, pour E-writers.
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Article relu par Jade, tutrice de formation chez FRW.

 

Sources :